Histoire anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Premier. Du Casse Albert. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Du Casse Albert
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
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de bon. On lui présenta un chapon qu'il dévora avec une pinte de bon vin; ce qui fut remarqué du malade, qui demanda si les morts mangeaient. On l'assura que oui; alors il demanda de la viande qu'on lui apporta, dont il mangea de bon appétit. Et somme, il continua à faire toutes actions d'homme de bon jugement, et peu à peu cette cogitation mélancolique lui passa. Cette histoire fut réduite en Farce imprimée, laquelle fut jouée un soir devant le roi Charles IX, moi y étant.»

      Voici le singulier titre d'une farce représentée en 1558: les Femmes Salées, en un acte, en vers, à cinq personnages, par un anonyme, jouée par les Enfants Sans Souci, imprimée en caractères gothiques, ou discours facétieux des hommes qui font saler leurs femmes à cause qu'elles sont trop douces.

      IV

      COMÉDIE-FRANÇAISE

DE 1600 A 1789

      Le théâtre de l'Hôtel de Bourgogne et celui du Marais, en 1600. – Les deux théâtres du Palais-Cardinal. – Celui du jeu de paume de la rue Michel-le-Comte (1633). —Mélite, première comédie de Corneille (1625). – Rotrou, de 1609 à 1650. – Caractère de son talent. – Ses compositions dramatiques. —Les Occasions perdues (1631). —Venceslas (1648). – Anecdote relative à cette tragédie. – L'acteur Baron. —Cosroës retouché par M. d'Ussé. – Emprunt fait à Rotrou par plusieurs auteurs dramatiques. – Transformations diverses subies par les théâtres de l'Hôtel de Bourgogne et du Marais, depuis 1600. – Deux troupes françaises à Paris jusqu'en 1641. – L'illustre théâtre de Molière. – Troisième troupe, celle de Molière à la salle du Petit-Bourbon, en 1642, sous le nom de troupe de Monsieur. Elle devient troupe du Roi en 1665. – Elle s'installe à la salle du Palais-Royal. – Trois troupes françaises jusqu'en 1673, à la mort de Molière. – Fusion de la troupe de Molière, partie dans celle de l'Hôtel de Bourgogne, partie dans celle du Marais. – La troupe du Marais dans la rue Guénégaud. – Réunion des deux troupes françaises, le 21 octobre 1680, et formation de la troupe de la Comédie-Française ou troupe du Roi. – Elle est installée d'abord dans la rue Guénégaud, puis au jeu de Paume de la rue Saint-Germain-des-Prés. – Ouverture de cette salle, le 18 avril 1689. – Période de 1689 à 1770. – Lutte avec les théâtres forains. – Anecdotes. – Dancourt, directeur de la Comédie, fait valoir les priviléges exclusifs de la troupe et obtient divers décrets contre les théâtres forains (1710). – Règlement du 18 juin 1757. – La Comédie-Française, de 1770 à 1782, aux Tuileries. – De 1782 à 1799 à l'Odéon. – Depuis 1799, à la salle de Richelieu. – Modifications dans le costume théâtral. – Réflexions. – Suppression des banquettes sur la scène, 1760. – Réflexions.

      Plus les compositions dramatiques s'épuraient et plus le goût du théâtre s'étendait. Le public se pressait en foule aux représentations théâtrales, et le nombre des auteurs augmentait dans une proportion notable. Il résulta de ce penchant déclaré du Parisien, et nous pourrions dire des habitants de la France entière, que bientôt, malgré les bateleurs ambulants et les turlupins, malgré la Comédie italienne, dont nous parlerons plus loin, on reconnut que la seule troupe de l'Hôtel de Bourgogne n'était pas suffisante à Paris.

      En conséquence, en 1600, cette troupe se partagea. Une partie des comédiens conserva son premier théâtre, l'autre en éleva un second au Marais; il y eut donc, dès le commencement du dix-septième siècle, deux salles de spectacle à Paris, sans compter, comme nous l'avons dit, les tréteaux et le théâtre nomade de la troupe italienne, qui jouait assez habituellement à l'Hôtel du Petit-Bourbon depuis 1577. Cette dernière troupe subit des vicissitudes sans nombre que nous raconterons.

      A la même époque, Richelieu, possédé de la fureur des représentations théâtrales, fit construire dans son propre palais, deux salles: une petite, pouvant contenir six cents personnes et où l'on jouait les pièces représentées au Marais; et une autre, d'apparat, pouvant recevoir deux mille spectateurs et qui plus tard fut donnée à la troupe de Molière. Mais ces deux salles n'étaient pas ouvertes au public.

      En 1625, une aventure bien ordinaire, bien banale, faillit doter Paris d'un troisième théâtre permanent, et dota la scène française du plus grand génie qui se fût encore révélé au point de vue de l'art dramatique. Un jeune homme de Rouen avait un ami, il le mène chez une jeune personne dont il est fort épris. La jeune personne trouve l'ami à son goût et repousse le pauvre amoureux. L'ami se nommait Pierre Corneille. L'aventure lui paraît fort agréable, et si plaisante, qu'il en fait une charmante comédie. Il la met au théâtre sous le nom de Mélite (nom qui fut donné plus tard à la jeune personne, cause première de la première étincelle du génie du grand Corneille). La comédie a un succès fou, si bel et bien que la salle ne pouvant suffire au public, une nouvelle troupe de comédiens s'organise, demande et obtient du lieutenant civil la permission de s'entendre avec le propriétaire du Jeu de paume de la Fontaine, rue Michel-le-Comte, pour louer son établissement et y organiser une salle de spectacle. La permission était accordée pour deux ans; mais à peine la nouvelle troupe eut-elle ouvert son théâtre, qu'une affluence telle se porta aux représentations de la Mélite de Corneille, que la rue Michel-le-Comte, alors composée de vingt-quatre hôtels, rue courte et étroite, fut pour ainsi dire interceptée pendant la majeure partie du jour. De là les réclamations des habitants affirmant que souvent ils ne pouvaient rentrer que de nuit chez eux, se plaignant de rester en butte aux sots propos des laquais et aux entreprises plus dangereuses des filous. Bref, l'affaire fut déférée au Parlement qui, par arrêt du 22 mars 1633, fit défendre aux comédiens du Jeu de paume de la Fontaine, de représenter aucune pièce, jusqu'à ce qu'autrement en fût ordonné; or il n'en fut pas autrement ordonné, et le troisième théâtre de Paris mourut en naissant.

      Avant de parler du grand Corneille, un mot de celui qu'il appelait son père en art dramatique, de Rotrou, dont les leçons lui furent fort utiles et qui, presque seul des poëtes du temps de Richelieu, eut la loyauté et le courage de refuser de condamner le Cid (ce chef-d'œuvre de la tragédie à cette époque), malgré les ordres injustes du cardinal-ministre. C'est de Rotrou que Corneille disait plus tard: «Lui et moi, nous ferions subsister des saltimbanques,» voulant exprimer que, jouées par de mauvais acteurs, leurs pièces auraient encore du succès, et il avait raison.

      Rotrou mérite une étude spéciale, car il est le trait d'union entre la tragédie primitive dégrossie à la fin du seizième siècle, et la tragédie digne de ce nom, inaugurée par Corneille et continuée par Racine et par Voltaire.

      Né à Dreux en 1609, Rotrou, doué d'une facilité prodigieuse, se distingua très-vite, par ses œuvres dramatiques, des poëtes qui l'avaient précédé. Le cardinal de Richelieu, en quête de littérateurs de talent pour les confisquer au profit de sa gloire (ce à quoi il n'a guère réussi), le choisit, bien qu'il fût encore fort jeune, pour se l'attacher, et s'il ne le fit pas admettre à l'Académie française, c'est que l'on n'y recevait que les hommes ayant leur résidence fixe à Paris, et que Rotrou refusa toujours de quitter Dreux, où il mourut à l'âge de quarante et un ans.

      Rotrou fit représenter plus de trente-cinq pièces au théâtre, en vingt-deux années, puisque sa première, la Bague de l'oubli, est de 1628, et sa dernière don Lopez de Cardone, est de 1650. Corneille avait en grande estime les œuvres de ce poëte dramatique, et, en effet, le premier, il a rendu la tragédie à sa véritable signification; le premier, il a introduit dans sa composition la régularité. Surpassé et bien distancé par Corneille, il a prouvé par plusieurs productions pleines de goût et d'intérêt, qu'il eût pu approcher beaucoup de celui qui se disait son fils, si sa trop grande facilité ne l'eût pas rendu trop coulant dans le choix de ses sujets. Une autre cause de la faiblesse d'un grand nombre de ses œuvres, fut la passion du jeu, qui le mettait souvent dans l'embarras. Pour se tirer des fausses positions où il se trouvait tout à coup, il fallait une comédie nouvelle. Eu quelques jours, la comédie faisait son entrée au théâtre et réparait les pertes du jeu; mais le travail se ressentait forcément de la rapidité du poëte et de la préoccupation du joueur. Rotrou, comme les maîtres qui vinrent après lui, Corneille, Racine, Molière, puisa aux sources pures des Grecs et des Romains. Les théâtres