Cette nouvelle la fit trembler pour la vie d'un époux qui lui étoit fort cher, et elle fut dans des inquiétudes terribles quand elle apprit que son mari avoit été remis en prison. Mais elle s'arma de constance; et ne pouvant se flatter de le tirer une seconde fois du péril où il étoit, elle résolut du moins de le partager avec lui.
Quelque risque qu'il y eût à se mettre en chemin dans une grossesse avancée, elle ne voulut rien ménager, et partit en diligence pour se rendre auprès de son mari, et se remit volontairement prisonnière avec lui. Ce fut là qu'elle accoucha de cette fameuse fille dont la fortune fait l'étonnement du siècle.
Les parents de M. d'Aubigné, mécontents de sa conduite et de son mariage, l'avoient abandonné, et madame de Villette sa sœur fut la seule qui le vint visiter. Elle fut touchée de l'état où elle le trouva, manquant des choses les plus nécessaires; mais ce qu'il y avoit de plus triste, c'étoit de voir cette pauvre petite enfant, couverte de méchants haillons, exposée aux horreurs de la faim, et qui par ses cris languissants, auroit attendri les âmes les plus dures. La misère et les chagrins avoient entièrement ôté le lait à madame d'Aubigné, qui, n'ayant pas le moyen de donner autre chose à sa fille, s'attendoit à tous moments à la voir expirer de faim entre ses bras. Madame de Villette avoit une petite fille, qui a été ensuite madame de Saint-Hermine, et comme sa nourrice avoit beaucoup de lait, elle emporta la petite d'Aubigné chez elle, et la nourrice de sa fille les nourrit toutes deux. Madame de Villette envoya aussi à son frère du linge pour lui et pour sa femme; et quelque temps après M. d'Aubigné trouva le moyen de sortir de prison, en abjurant sa religion, et il en fut quitte pour sortir du royaume. Comme il ne comptoit pas y revenir de ses jours, il tâcha de ramasser de quoi faire un long voyage et s'embarqua avec sa famille pour l'Amérique, où il a vécu en repos avec sa femme, donnant tous leurs soins à l'éducation de leurs enfants. Ils ont beaucoup mieux réussi dans ceux qu'ils ont pris pour la fille, qui est assurément un prodige d'esprit. Le fils, qu'on appelle à présent le comte d'Aubigné, n'en manque pas; mais on peut dire avec vérité que le mérite est tombé en quenouille dans cette famille. M. et madame d'Aubigné moururent dans leur exil, et laissèrent leurs enfants assez jeunes. La fille, qui étoit l'aînée, pressée du désir commun à tous les hommes de revoir leur patrie, chercha les moyens de revenir en France, et trouvant un vaisseau prêt à prendre cette route, elle s'y mit et vint débarquer à La Rochelle. De là elle prit le chemin du Poitou et fut trouver sa marraine, chez qui elle demeura sans revers de fortune.
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Madame de Maintenon est née dans la prison de Niort, le 27 novembre 1635, selon les uns; selon le P. Laguille, qui invoque, sans le citer textuellement, un extrait baptistaire, le 20 mars 1636. (
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Constant d'Aubigné, baron de Surineau, étoit le fils indigne du célèbre Agrippa d'Aubigné, l'auteur des
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Les vrais motifs de la nouvelle incarcération de Constant d'Aubigné sont fort controversés. Les uns attribuent son emprisonnement à ses dettes, d'autres à ses opinions religieuses, d'autres enfin à des satires contre le duc d'Epernon. – Ses dettes l'ont fait emprisonner, comme on l'a vu plus haut, en 1611; mais dès le lendemain il avoit satisfait, et son créancier, Samuel de Bechilon, sieur d'Erlaut, et le sergent Mathieu Goujon, et il étoit relaxé (8 juin). Quant à ses opinions religieuses, écoutons son père: «Rien ne pouvant satisfaire à l'insolence d'un esprit perdu, il se jeta à la cour, où il perdit au jeu vingt fois ce qu'il avoit vaillant, et à cela ne trouve remède que de renoncer sa religion. Le père, adverty de sa grand frequentation avec les jesuistes, luy deffendist par lettres telle compaignie. Il respondit qu'à la verité il entretenoit le père Arnou et Dumets. Le vieillard répliqua que ces deux noms lui faisoient peur… Constant se trouva en peu de temps en exsecration à tous les siens, et en horreur et mespris à ceux qui le servoient… Il fit parler à son pere de reconciliation. Il vint à Genesve, se presenta au ministre, fit là, en Poictou et à Paris, toutes les reconnoissances qui lui furent enjointes, obtint une pension et de l'argent…» – Enfin, quant à ses satires, on voit aussi par les mémoires de son père que du vivant de celui-ci il «escrivit en prose et en vers furieusement contre la papauté». (
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Ce fait est confirmé par le P. Laguille. La note 62, p. , montre que le prétendu geôlier de Constant d'Aubigné n'étoit autre qu'un gentilhomme d'une bonne noblesse, et noblement allié, lieutenant du gouverneur de la province. – Le mariage auroit été célébré en 1627. Cette date est assez peu probable, puisque Agrippa d'Aubigné, dans son testament, qui est du 24 avril 1630, ne parle pas de cette seconde femme de son fils et ne fait aucune allusion à son mariage.
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Le P. Laguille rapporte le motif de la fuite de Constant d'Aubigné, fuite qui fut précédée d'une dernière incarcération, pour vol et fausse monnoie. C'est dans la prison de Niort, où madame d'Aubigné suivit son mari, que naquit Françoise d'Aubigné. Sorti de prison en 1639, Constant d'Aubigné partit d'abord pour la Martinique. Il mourut sans doute dans l'île de la Grenade en 1646, et alors sa veuve revint à la Martinique, d'où elle passa à la Guadeloupe, puis à Saint-Christophe, où elle s'embarqua pour la France, selon les uns, où elle mourut, au dire du P. Laguille. Selon ce dernier, ce seroit une demoiselle Rossignol qui auroit fait passer en France les deux enfants orphelins de Constant d'Aubigné. Une troisième version, c'est que madame d'Aubigné auroit fait elle-même un voyage en France avec ses enfants, les y auroit laissés, et seroit retournée en Amérique, où elle seroit morte. (Voy.
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D'Aubigné étoit marié avant son départ