Elémens de la philosophie de Neuton: Mis à la portée de tout le monde. Voltaire. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Voltaire
Издательство: Bookwire
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Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066074449
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arrive à nous; voyons ses proprietés, & ses effets ignorés jusqu'à nos jours. Le premier de ses effets est qu'elle semble rejaillir de la surface solide de tous les objets, pour en apporter dans nos yeux les images.

      Tous les hommes, tous les Philosophes, & les Descartes & les Mallebranches, & ceux qui se sont éloignez le plus des pensées vulgaires, ont également cru qu'en effet ce sont les surfaces solides des corps qui nous renvoyent les rayons. Plus une surface est unie & solide, plus elle fait, dit-on, rejaillir de lumiere; plus un corps a de pores larges & droits, plus il transmet de rayons à travers sa substance. Ainsi le miroir poli dont le fond est couvert d'une surface de vif argent, nous renvoye tous les rayons; ainsi ce même miroir sans vif argent ayant des pores droits & larges & en grand nombre, laisse passer une grande partie des rayons. Plus un corps a de pores larges & droits, plus il est diaphane: tel est, disoit-on, le diamant, telle est l'eau elle-même; voilà les idées généralement reçues, & que personne ne révoquoit en doute.

      Cependant toutes ces idées sont entiérement fausses, tant ce qui est vraisemblable, est souvent ce qui est le plus éloigné de la vérité. Les Philosophes se sont jettez en cela dans l'erreur, de la même maniere que le Vulgaire y est tout porté, quand il pense que le Soleil n'est pas plus grand qu'il le paroît aux yeux. Voici en quoi consistoit cette erreur des Philosophes.

      Aucun corps uni.

      Il n'y a aucun corps dont nous puissions unir véritablement la surface. Cependant beaucoup de surfaces nous paraissent unies & d'un poli parfait. Pourquoi voyons nous uni & égal ce qui ne l'est pas? La superficie la plus égale, n'est par rapport aux petits corps qui composent la lumiere, qu'un amas de montagnes, de cavitez & d'intervales, de même que la pointe de l'éguille la plus fine est hérissée en effet d'éminences & d'aspérités que le Microscope découvre.

      Tous les faisceaux des rayons de lumiere qui tomberoient sur ces inégalités, se réflechiroient selon qu'ils y seroient tombez; donc étant inégalement tombez ils ne se réflechiroient jamais réguliérement, donc on ne pourroit jamais se voir dans une glace.

      Lumiere non réflechie par les parties solides.

      La lumiere qui nous apporte notre image de dessus un miroir, ne vient donc point certainement des parties solides de la superficie de ce miroir; elle ne vient point non plus des parties solides de mercure & d'étain étendues derriere cette glace. Ces parties ne sont pas plus planes, pas plus unies, que la glace même. Les parties solides de l'étain & du mercure sont incomparablement plus grandes, plus larges, que les parties solides constituantes de la lumiere; donc si les petites particules de lumiere tombent sur ces grosses parties de mercure, elle s'éparpilleront de tous côtés comme des grains de plomb tombant sur des platras. Quel pouvoir inconnu fait donc rejaillir vers nous la lumiere réguliérement? Il paroît déja que ce ne sont pas les corps qui nous la renvoyent ainsi. Ce qui sembloit le plus connu le plus incontestable chez les hommes, devient un mystère plus grand que ne l'étoit autrefois la pesanteur de l'air. Examinons ce Problême de la Nature, notre étonnement redoublera. On ne peut s'instruire ici qu'avec surprise.

      Prenez un morceau, un cube de cristal, par exemple; voici tout ce qui arrive aux rayons du Soleil qui tombent sur ce corps solide & transparent.

      

      1o. Une petite partie des rayons rebondissent à vos yeux de sa premiere surface A. sans toucher même à cette surface, comme il sera plus amplement prouvé.

      2o. Une partie des rayons est reçue dans la substance de ce corps, elle s'y joue, s'y perd & s'y éteint.

      3o. Une troisième partie parvient à l'intérieur C. de la surface B. & d'auprès de cette surface B. elle retourne en A. & quelques rayons en viennent à vos yeux.

      4o. Une quatrième partie passe dans l'air.

      5o. Une cinquième partie qui est la plus considérable revient d'au-delà de la surface ultérieure B. dans le cristal, y repasse, & vient se réflechir à vos yeux. N'examinons ici que ces derniers rayons qui, s'échappant de la surface ultérieure B. & ayant trouvé l'air, rejaillissent de dessus cet air vers nous en rentrant à travers le cristal. Certainement ils n'ont pas rencontré dans cet air des parties solides sur lesquelles ils ayent rebondi, car si au lieu d'air ils rencontrent de l'eau à cette surface B. peu reviennent alors, ils entrent dans cette eau, ils la pénétrent en grand nombre. Or l'eau est environ huit cens fois plus pesante, plus solide, moins rare que l'air. Cependant ces rayons ne rejaillissent point de dessus cette eau, & rejaillissent de dessus cet air dans ce verre, donc ce n'est point des parties solides des corps que la lumiere est réflechie.

      Voici une observation plus singuliere & plus décisive: Exposez dans une chambre obscure ce cristal A. B. aux rayons du Soleil de façon, que les traits de lumiere parvenus à sa superficie B. fassent un angle de plus de 40. degrez avec la perpendicule.

      Expériences décisives.

      

      La plûpart de ces rayons alors ne pénétre plus dans l'air, ils rentrent tous dans ce cristal à l'instant même qu'ils en sortent, ils reviennent, comme vous voyez, mais cette courbure est insensible.

      Certainement ce n'est pas la surface solide de l'air qui les a repoussés dans ce verre, plusieurs de ces rayons entroient dans l'air auparavant, quand ils tomboient moins obliquement; pourquoi donc à une obliquité de 40 degrez dix-neuf minutes, la plûpart de ces rayons n'y passe-t-elle plus? trouvent-ils à ce degré plus de résistance, plus de matiere dans cet air, qu'ils n'en trouvent dans ce cristal qu'ils avoient pénétré? trouvent-ils plus de parties solides, dans l'air à quarante degrés & un tiers qu'à 40? l'air est à peu près deux mille quatre cens fois plus rare, moins pesant, moins solide, que le cristal, donc ces rayons devoient passer dans l'air avec deux mille quatre cens fois plus de facilité, qu'ils n'ont pénétré l'épaisseur du cristal. Cependant, malgré cette prodigieuse apparence de facilité, ils sont repoussez; ils le sont donc par une force qui est ici deux mille quatre cens fois plus puissante que l'air, ils ne sont donc point repoussez par l'air; les rayons encore une fois ne sont donc point réflechis à nos yeux par les parties solides de la matiere. La lumiere rejaillit si peu dessus les parties solides des corps, que c'est en effet du vuide qu'elle rejaillit.

      Vous venez de voir que la lumiere tombant à un angle de 40. degrez 19. minutes sur du cristal, rejaillit presque toute entiere de dessus l'air qu'elle rencontre à la surface ultérieure de ce cristal. Que la lumiere y tombe à un angle moindre d'une seule minute, il en passe encore moins hors de cette surface dans l'air. Qu'on ôte l'air, il ne passera plus de rayons du tout. C'est une chose démontrée.

      Or quand il y a de l'eau à cette surface, beaucoup de rayons entrent dans cette eau au lieu de rejaillir. Quand il n'y a que de l'air, bien moins de rayons entrent dans cet air. Quand il n'y a plus d'air, aucun rayon ne passe; donc c'est du vuide en effet que la lumiere rejaillit.

      Voilà donc des preuves indubitables que ce n'est point une superficie solide qui nous renvoye la lumiere: il y a bien d'autres preuves encore de cette nouvelle vérité; en voici une que nous expliquerons à sa place. Tout corps opaque réduit en lame mince, laisse passer à travers sa substance des rayons d'une certaine espèce, & réflechit les autres rayons: or, si la lumiere étoit renvoyée par les corps, tous les rayons qui tomberoient sur ces lames, seroient réflechis sur ces lames. Enfin nous verrons que jamais si étonnant paradoxe n'a été prouvé en plus de manieres. Commençons donc par nous familiariser avec ces Vérités.

      1o. Cette lumiere qu'on croit réflechie par la surface solide des corps, rejaillit en effet sans avoir touché à cette surface.

      2o. La lumiere n'est