Elémens de la philosophie de Neuton: Mis à la portée de tout le monde. Voltaire. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Voltaire
Издательство: Bookwire
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Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066074449
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lorsqu'ils sortirent des mains de Dieu. Ces trois Elémens imaginaires sont, comme on sait:

      Son Systême.

      1o. La partie la plus épaisse de ces cubes, & c'est cet Elément grossier dont se formerent selon lui les corps solides des Planetes, les Mers, l'Air même.

      2o. La poussiere impalpable que le brisement de ces dés avoit produite, & qui remplit à l'infini les interstices de l'Univers infini dans lequel il ne suppose aucun vuide.

      3o. Les milieux de ces prétendus dés brisés, attenués également de tous côtés, & enfin arondis en boules, dont il lui plaît de faire la lumiere, & qu'il répand gratuitement dans l'Univers.

      Faux.

      Plus ce Systême étoit ingénieusement imaginé, plus vous sentez qu'il étoit indigne d'un Philosophe. Car, puisque rien de tout cela n'est prouvé, autant valloit adopter le froid & le chaud, le sec & l'humide. Erreur pour erreur qu'importe laquelle domine! Ne perdons point de tems à combattre cette création des cubes & des trois Elémens, ou plutôt ce Chaos. Contentons-nous de voir ici seulement les erreurs Philosophiques dans lesquelles l'esprit Systématique a entraîné le génie sublime de Descartes; & ne réfutons sur-tout que ces sortes d'erreurs qui, ayant l'air de la vérité, sembloient respectables, & méritoient d'être relevées.

      Selon Descartes la lumiere ne vient point à nos yeux du Soleil, mais c'est une matiere globuleuse répandue par-tout, que le Soleil pousse, & qui presse nos yeux comme un bâton poussé par un bout presse à l'instant à l'autre bout. Cela paroissoit plausible, mais cela n'en est pas moins faux: cependant Descartes étoit tellement persuadé de ce Systême que dans sa dix-septième Lettre du troisième Tome, il dit & répète positivement: J'avoue que je ne sai rien en Philosophie si la lumiere du Soleil n'est pas transmise à nos yeux en un instant. En effet, il faut avouer que, tout grand génie qu'il étoit, il savoit encore peu de chose en vraye Philosophie; il lui manquoit l'expérience du Siècle qui l'a suivi. Ce Siècle est autant supérieur à Descartes, que Descartes l'étoit à l'Antiquité.

      Du mouvement progressif de la lumiere.

      1o. Si la lumiere étoit toujours répandue, toujours existante dans l'air, nous verrions clair la nuit comme le jour, puisque le Soleil sous l'Hemisphére pousseroit toujours les globules en tout sens, & que l'impression en viendroit également à nos yeux.

      2o. Il est démontré que la lumiere émane du Soleil, & on sait que c'est à peu près en sept ou huit minutes de tems qu'elle fait ce chemin immense, qu'un boulet de Canon conservant sa vîtesse ne feroit pas en vingt-cinq années.

      Erreur du Spectacle de la Nature.

      L'Auteur du Spectacle de la Nature, Ouvrage très-estimable, est tombé ici dans une petite méprise qu'il corrigera sans doute à la premiere Edition de son Livre. Il dit que la lumiere vient en sept minutes des Etoiles, selon Neuton; il a pris les Etoiles pour le Soleil. La lumiere émane des Etoiles les plus prochaines en six mois, selon un certain calcul fondé sur des expériences très-délicates & très-fautives. Ce n'est point Neuton, c'est Huygens & Hartsoeker, qui ont fait cette supposition. Il dit encore, pour prouver que Dieu créa la lumiere avant le Soleil, que la lumiere est répandue par toute la Nature, & qu'elle se fait sentir, quand les Astres lumineux la poussent; mais il est démontré qu'elle arrive des Etoiles fixes en un tems très-long. Or, si elle fait ce chemin, elle n'étoit donc point répandue auparavant. Il est bon de se précautionner contre ces erreurs, que l'on répète tous les jours dans beaucoup de Livres qui sont l'écho les uns des autres.

      Voici en peu de mots la substance de la Démonstration sensible de Romer, que la lumiere employe sept à huit minutes dans son chemin du Soleil à la Terre.

      Démonstration du mouvement de la lumiere.

      On observe de la Terre en C. ce Satellite de Jupiter, qui s'éclipse réguliérement une fois en quarante-deux heures & demie. Si la Terre étoit immobile, l'Observateur en C. verroit en trente fois quarante-deux heures & demie, trente émersions de ce Satellite, mais au bout de ce tems, la Terre se trouve en D. alors l'Observateur ne voit plus cette émersion précisément au bout de trente fois quarante-deux heures & demie, mais il faut ajouter le tems que la lumiere met à se mouvoir de C. en D. & ce tems est sensiblement considérable. Mais cet espace C. D. est encore moins grand que l'espace G. H. car C. D. est corde du Cercle, & G. H. est le Diametre du Cercle. Ce Cercle est le grand Orbe que décrit la Terre, le Soleil est au milieu; la lumiere en venant du Satellite de Jupiter, traverse C. D. en dix minutes, & G. H. en 15. ou 16. minutes. Le Soleil est entre G. & H. donc la lumiere vient du Soleil en 7 ou 8 minutes.

      

      Mr. Broadley, en dernier lieu, a observé par des expériences réïtérées & sûres, que plusieurs Etoiles, vues en différens tems, paroissoient tantôt un peu plus vers le Nord, tantôt un peu plus vers le Sud; il a prouvé que cette différence ne pouvoit venir que du mouvement annuel de la Terre, & de la progression de la lumiere. Il a observé que si ces Etoiles ont une parallaxe, cette parallaxe n'est que d'une seconde.

      Or cela présupposé, voici le raisonnement que je fais: Un Astre, qui n'a qu'une seconde de parallaxe annuelle, est quatre cens mille fois plus loin de nous que le Soleil; si la lumiere nous vient du Soleil en 8. minutes, comme le croit Mr. Broadley, elle nous viendra donc de ces Etoiles en 6. années & plus d'un mois. Mais ce n'est pas tout. Ces Etoiles sont de la premiere grandeur, donc les Etoiles de la sixième grandeur, étant six fois plus éloignées, ne font parvenir leur lumiere à nous qu'en plus de 36. ans & demi.

      3o. Les rayons qu'on détourne par un Prisme, & qu'on force de prendre un nouveau chemin, démontrent que la lumiere se meut effectivement, & n'est pas un amas de globules simplement pressé.

      4o. Si la lumiere étoit un amas de globules existans dans l'air & en tous lieux, un petit trou qu'on pratique dans une chambre obscure devroit l'illuminer toute entiére: car la lumiere, poussée alors en tout sens par ce petit trou, agiroit en tout sens, comme des boules d'yvoire rangées en rond, ou en quarré, s'écarteroient toutes, si une seule d'elles étoit fortement pressée; mais il arrive tout le contraire. La lumiere reçue par un petit orifice, lequel ne laisse passer que peu de rayons, éclaire à peine un demi-pied de l'endroit qu'elle frappe.

      5o. La lumiere entre toujours par un trou en ligne droite, en quelque sens que l'on puisse imaginer, mais si des globules étoient simplement pressés, il seroit impossible que cette pression se fît en ligne droite. Il est donc démontré que Descartes s'est trompé & sur la nature de la lumiere & sur la maniere dont elle nous est transmise.

      Erreur du Pere Mallebranche.

      Le Pere Mallebranche, génie plus subtil que vrai, qui consulta toujours ses méditations, mais non toujours la Nature, adopta sans preuve les trois Elémens de Descartes; mais il changea beaucoup de choses à ce Château enchanté. Il imagina sans autre preuve une autre explication de la lumiere.

      Des vibrations du Corps lumineux impriment, selon lui, des secousses à de petits tourbillons mous, capables de compression, & tout composés de matiere subtile. Mais si on avoit demandé à Mallebranche comment ces petits tourbillons mous auroient transmis à nos yeux la lumiere, comment l'action du Soleil pourroit passer en un instant à travers tant de petits corps comprimés les uns par les autres, & dont un très-petit nombre suffiroit pour amortir cette action, comment enfin ses tourbillons mous, ne se seroient point mêlez en tournant les uns sur les autres, qu'auroit répondu le Pere Mallebranche? Sur quel fondement posoit-il cet édifice imaginaire? Faut-il que des hommes qui ne parloient que de vérité n'ayent écrit que des Romans!

      Définition de la lumiere.

      Qu'est-ce donc enfin que la lumiere? C'est le feu lui-même,