La Comédie de la mort. Theophile Gautier. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Theophile Gautier
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066090258
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l'autel, le génie est la flamme;

       Vous éteignez le feu!

      O mes Enfants-Jésus! O mes brunes madones!

       O vous qui me devez vos plus fraîches couronnes,

       Saintes du paradis!

       Les savants font rouler mon crâne sur la terre,

       Et vous souffrez cela sans prendre le tonnerre,

       Sans frapper ces maudits!

      Il est donc vrai! Le ciel a perdu sa puissance.

       Le Christ est mort, le siècle a pour Dieu, la science,

       Pour foi, la liberté.

       Adieu les doux parfums de la rose mystique;

       Adieu l'amour; adieu la poésie antique;

       Adieu sainte beauté!

      Vos peintres auront beau, pour voir comme elle est faite,

       Tourner entre leurs mains et retourner ma tête,

       Mon secret est à moi.

       Ils copieront mes tons, ils copieront mes poses,

       Mais il leur manquera ce que j'avais, deux choses,

       L'amour avec la foi!

      Dites qui d'entre vous, fils de ce siècle infâme,

       Peut rendre saintement la beauté de la femme;

       Aucun, hélas! aucun.

       Pour vos petits boudoirs, il faut des priapées;

       Qui vous jette un regard, ô mes vierges drapées,

       O mes saintes! Pas un.

      L'aiguille a fait son tour. Votre tâche est finie,

       Comme un pâle vieillard le siècle à l'agonie

       Se lamente et se tord.

       L'ange du jugement embouche la trompette

       Et la voix va crier: Que justice soit faite,

       Le genre humain est mort!

      Je n'entendis plus rien. L'aube aux lèvres d'opale,

       Tout endormie encor, sur le vitrage pâle

       Jetait un froid rayon,

       Et je vis s'envoler, comme on voit quelque orfraye,

       Que sous l'arceau gothique une lueur effraye,

       L'étrange vision!

       Table des matières

       Table des matières

      La mort est multiforme, elle change de masque

       Et d'habit plus souvent qu'une actrice fantasque;

       Elle sait se farder,

       Et ce n'est pas toujours cette maigre carcasse,

       Qui vous montre les dents et vous fait la grimace

       Horrible à regarder.

      Ses sujets ne sont pas tous dans le cimetière,

       Ils ne dorment pas tous sur des chevets de pierre

       A l'ombre des arceaux;

       Tous ne sont pas vêtus de la pâle livrée,

       Et la porte sur tous n'est pas encor murée

       Dans la nuit des caveaux.

      Il est des trépassés de diverse nature,

       Aux uns la puanteur avec la pourriture,

       Le palpable néant,

       L'horreur et le dégoût, l'ombre profonde et noire,

       Et le cercueil avide entr'ouvrant sa mâchoire

       Comme un monstre béant.

      Aux autres, que l'on voit sans qu'on s'en épouvante

       Passer et repasser dans la cité vivante

       Sous leur linceul de chair,

       L'invisible néant, la mort intérieure

       Que personne ne sait, que personne ne pleure,

       Même votre plus cher.

      Car, lorsque l'on s'en va dans les villes funèbres

       Visiter les tombeaux inconnus ou célèbres,

       De marbre ou de gazon;

       Qu'on ait ou qu'on n'ait pas quelque paupière amie

       Sous l'ombrage des ifs à jamais endormie,

       Qu'on soit en pleurs ou non,

      On dit: Ceux-là sont morts. La mousse étend son voile

       Sur leurs noms effacés; le ver file sa toile

       Dans le trou de leurs yeux;

       Leurs cheveux ont percé les planches de la bière,

       A côté de leurs os, leur chair tombe en poussière

       Sur les os des aïeux.

      Leurs héritiers, le soir, n'ont plus peur qu'ils reviennent;

       C'est à peine à présent si leurs chiens s'en souviennent.

       Enfumés et poudreux,

       Leurs portraits adorés traînent dans les boutiques,

       Leurs jaloux d'autrefois font leurs panégyriques;

       Tout est fini pour eux.

      L'ange de la douleur, sur leur tombe en prière,

       Est seul à les pleurer de ses larmes de pierre.

       Comme le ver leur corps,

       L'oubli ronge leur nom avec sa lune sourde;

       Ils ont pour draps de lit six pieds de terre lourde.

       Ils sont morts! et bien morts!

      Et peut-être une larme à votre âme échappée

       Sur leur cendre, de pluie et de neige trempée,

       Filtre insensiblement.

       Qui les va réjouir dans leur triste demeure;

       Et leur coeur desséché, comprenant qu'on les pleure,

       Retrouve un battement.

      Mais personne ne dit, voyant un mort de l'âme:

       Paix et repos sur toi! L'on refuse à la lame

       Ce qu'on donne au fourreau;

       L'on pleure le cadavre et l'on panse la plaie,

       L'âme se brise et meurt sans que nul s'en effraie

       Et lui dresse un tombeau.

      Et cependant il est d'horribles agonies

       Qu'on ne saura jamais; des douleurs infinies

       Que l'on n'aperçoit pas.

       Il est plus d'une croix au calvaire de l'âme

       Sans l'auréole d'or, et sans la blanche femme

       Echevelée au bas.

      Toute âme est un sépulcre où gisent mille choses;

       Des cadavres hideux dans des figures roses

       Dorment ensevelis.

       On retrouve toujours les larmes sous le rire,

       Les morts sous les vivants, et l'homme est à vrai dire

       Une Nécropolis.

      Les tombeaux déterrés des vieilles cités mortes,