La Comédie de la mort. Theophile Gautier. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Theophile Gautier
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066090258
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l'espalier fait une vigne en fleur.

      Aux reflets des vitraux la tombe réjouie,

       Sous cette floraison toujours épanouie,

       D'un air doux et charmant sourit à la douleur.

      La mort fait la coquette et prend un ton de reine,

       Et son front seulement sous ses cheveux d'ébène,

       Comme un charme de plus garde un peu de pâleur.

      Les émaux les plus vifs scintillent sur les armes,

       L'albâtre s'attendrit et fond en blanches larmes;

       Le bronze semble avoir perdu sa dureté.

      Dans leur lit les époux sont arrangés par couples,

       Leurs têtes font ployer les coussins doux et souples,

       Et leur beauté fleurit dans le marbre sculpté.

      Ce ne sont que festons, dentelles et couronnes,

       Trèfles et pendentifs et groupes de colonnes

       Où rit la fantaisie en toute liberté.

      Aussi bien qu'un tombeau, c'est un lit de parade,

       C'est un trône, un autel, un buffet, une estrade;

       C'est tout ce que l'on veut selon ce qu'on y voit.

      Mais pourtant si poussé de quelque vain caprice,

       Dans la nef, vers minuit, par la lune propice,

       Vous alliez soulever le couvercle du doigt,

      Toujours vous trouveriez, sous cette architecture,

       Au milieu de la fange et de la pourriture

       Dans le suaire usé le cadavre tout droit,

      Hideusement verdi, sans rayon de lumière,

       Sans flamme intérieure illuminant la bière

       Ainsi que l'on en voit dans les Christs aux tombeaux.

      Entre ses maigres bras, comme une tendre épouse,

       La mort les tient serrés sur sa couche jalouse

       Et ne lâcherait pas un seul de leurs lambeaux.

      A peine, au dernier jour, lèveront-t-ils la tête

       Quand les cieux trembleront au cri de la trompette

       Et qu'un vent inconnu soufflera les flambeaux.

      Après le jugement, l'ange en faisant sa ronde

       Retrouvera leurs os sur les débris du monde;

       Car aucun de ceux-là ne doit ressusciter.

      Le Christ lui-même irait comme il fit au Lazare

       Leur dire: Levez-vous! que le sépulcre avare

       Ne s'entr'ouvrirait pas pour les laisser monter.

      Mes vers sont les tombeaux tout brodés de sculptures,

       Ils cachent un cadavre, et sous leurs fioritures

       Ils pleurent bien souvent en paraissant chanter.

      Chacun est le cercueil d'une illusion morte;

       J'enterre là les corps que la houle m'apporte

       Quand un de mes vaisseaux a sombré dans la mer;

      Beaux rêves avortés, ambitions déçues,

       Souterraines ardeurs, passions sans issues,

       Tout ce que l'existence a d'intime et d'amer.

      L'océan tous les jours me dévore un navire,

       Un récif, près du bord, de sa pointe déchire

       Leurs flancs doublés de cuivre et leur quille de fer.

      Combien j'en ai lancé plein d'ivresse et de joie

       Si beaux et si coquets sous leurs flammes de soie.

       Que jamais dans le port mes yeux ne reverront!

      Quels passagers charmants, têtes fraîches et rondes,

       Désirs aux seins gonflés, espoirs, chimères blondes;

       Que d'enfants de mon coeur entassés sur le pont!

      Le flot a tout couvert de son linceul verdâtre,

       Et les rougeurs de rose, et les pâleurs d'albâtre,

       Et l'étoile et la fleur éclose à chaque front.

      Le flux jette à la côte entre le corps du phoque,

       Et les débris de mâts que la vague entre-choque,

       Mes rêves naufragés tout gonflés et tout verts;

      Pour ces chercheurs d'un monde étrange et magnifique,

       Colombs qui n'ont pas su trouver leur Amérique,

       En funèbres caveaux creusez-vous, ô mes vers!

      Puis montez hardiment comme les cathédrales,

       Allongez-vous en tours, tordez-vous en spirales,

       Enfoncez vos pignons au coeur des cieux ouverts.

      Vous, oiseaux de l'amour et de la fantaisie,

       Sonnets, ô blancs ramiers du ciel de poésie,

       Posez votre pied rose au toit de mon clocher.

      Messagères d'avril, petites hirondelles,

       Ne fouettez pas ainsi les vitres à coups d'ailes,

       J'ai dans mes bas-reliefs des trous où vous nicher;

      Mes vierges vous prendront dans un pli de leur robe,

       L'empereur tout exprès laissera choir son globe,

       Le lotus ouvrira son coeur pour vous cacher.

      J'ai brodé mes réseaux des dessins les plus riches,

       Évidé mes piliers, mis des saints dans mes niches,

       Posé mon buffet d'orgue et peint ma voûte en bleu.

      J'ai prié saint Éloi de me faire un calice;

       Le roi mage Gaspard, pour le saint sacrifice,

       M'a donné le cinname et le charbon de feu.

      Le peuple est à genoux, le chapelain s'affuble

       Du brocart radieux de la lourde chasuble;

       L'église est toute prête; y viendrez-vous, mon Dieu?

       Table des matières

       Table des matières

       Table des matières

      C'était le jour des morts: Une froide bruine

       Au bord du ciel rayé, comme une trame fine,

       Tendait ses filets gris;

       Un vent de nord sifflait; quelques feuilles rouillées

       Quittaient en frissonnant les cimes dépouillées

       Des ormes rabougris;

      Et chacun s'en allait dans le grand cimetière,

       Morne, s'agenouiller sur le coin de la pierre

       Qui recouvre les siens,