Une femme d'argent. Hector Malot. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Hector Malot
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066088194
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genoux dans un carré et coupant avec une faucille un gros paquet d'herbes, et cela non pour nettoyer ce jardin abandonné, mais pour en nourrir sa vache.

      —C'est-y que vous voudriez acheter la propriété? avait demandé la vieille en les regardant curieusement.

      —Elle est donc à vendre?

      —Elle y est et elle n'y est pas; c'est-à-dire que la propriétaire voudrait bien la garder, mais elle n'aura jamais les moyens de la remettre en état; pour lors il faudra bien qu'elle la vende.

      Ils n'avaient pas continué la conversation et quittant le village ils étaient descendus au bord de la rivière qu'ils avaient longée; Fourcy ne parlant pas et paraîssant réfléchir.

      Tout à coup il s'était arrêté et se tournant vers sa femme:

      —Si nous l'achetions.

      —Acheter quoi?

      —La maison.

      Et montrant la façade qu'on apercevait à travers les branches:

      —Regarde donc comme elle a bon air et dans quelle admirable situation elle se trouve.

      —Acheter une maison à Nogent, quelle idée!

      —Et pourquoi acheter une maison à Nogent est-il une plus mauvaise idée qu'en acheter une à Saint-Cloud?

      —Parce que Saint-Cloud est autrement habité.

      Il n'avait point répliqué, mais le lendemain soir au dîner il avait raconté qu'il était revenu à Nogent et que décidément la maison lui plaisait tout à fait; elle était à vendre et en pourrait l'avoir pour un bon prix: sans doute, il y aurait des réparations, mais elles ne seraient pas ce qu'on pouvait croire après un premier examen; il avait amené avec lui un architecte qui lui avait donné un devis approximatif; enfin, toutes les raisons justificatives qu'on trouve aisément et qui abondent lorsqu'on est sous le coup d'un violent désir.

      —Si tu voulais la revoir, tu me ferais plaisir.

      —Alors, je la verrai demain.

      Le lendemain, en effet; elle l'avait visitée de nouveau, mais cette fois dans des dispositions autres que la première; par le fait que ces marbres et ces boiseries pour lesquels elle n'avait eu qu'un coup d'oeil indifférent, pouvaient lui appartenir, ils avaient pris le mardi une importance qu'ils n'avaient pas eue le dimanche et elle leur avait trouvé des mérites qu'elle n'avait pas tout d'abord aperçus; le point de vue aussi lui avait révélé des beautés qui lui avaient échappé, et Nogent n'avait plus été trop inférieur à Saint-Cloud.

      Évidemment on pouvait tirer parti de cette vaste maison construite à une époque où le prix des matériaux et de la main-d'oeuvre permettait des développements que de nos jours des millionnaires seuls peuvent se payer: elle avait grand air.

      En rentrant le soir et en retrouvant son mari qui l'attendait impatiemment, madame Fourcy n'avait rien dit de cette dernière considération, mais elle avait reconnu que les objections qui s'étaient présentées le dimanche contre cette maison de Nogent n'existaient plus: pour les enfants il était bien certain qu'elle avait des avantages.

      —Et pour nous n'en a-t-elle pas? crois-tu que ce n'est pas pour moi un vif, un très vif chagrin de n'avoir pas encore pu t'offrir une maison de campagne digne de toi: sans doute depuis quelques années déjà nous aurions pu acheter quelque maisonnette, mais je ne veux pas que tu demeures dans une maisonnette, où tu serais à l'étroit et qui ne serait pas un cadre convenable pour ta beauté; celle de Nogent est ce qu'il te faut; je te vois venir au devant de moi sous l'allée de tilleuls quand je rentrerai, et je te vois aussi avec ton ombrelle, assise comme une châtelaine sur la terrasse en face de la Marne; tu seras là à ta place; tu sais bien que si j'ai jamais souhaité la fortune, ça été pour toi, pour le faire une niche qui ne soit pas indigne de ma divinité.

      —Bon Jacques!

      —Est-ce qu'il y a une plus grande joie au monde que de travailler pour sa femme et ses enfants? Voilà une satisfaction dont les riches sont privés.

      —Ils en ont d'autres.

      —Sans doute, mais ils n'ont pas celle-là qui vaut bien les autres.

      —Enfin comment la payer cette maison; as-tu l'argent?

      —Je l'aurai.

      —Tu l'aurais bien mieux si, au lieu de travailler exclusivement pour ta banque, tu avais voulu comme je te l'ai demandé cent fois travailler un peu pour toi.

      —Je n'étais pas mon maître, je me devais à celui qui m'employait.

      —Tu m'as dit cela vingt fois.

      —Il faut bien que je te le dise encore puisque tu y reviens.

      —Je n'y reviens que parce que tu vas te trouver en présence d'embarras qui ne te gêneraient pas à cette heure si tu avais voulu.

      —Si j'avais pu; en faisant des affaires pour mon compte, j'aurais mal fait celles de la banque Charlemont.

      —Ne discutons pas cela; dis-moi seulement comment tu espères payer cette maison.

      —Si elle n'est pas vendue plus de cent mille francs, comme j'ai tout lieu de l'espérer, cela me sera facile, et même je pourrai faire faire les réparations sans lésiner; seulement nous serons pris de court pour l'ameublement; mais en nous tenant dans une sage réserve, surtout en allant lentement, nous arriverons, nous serons à la campagne, non à Paris; il y a de si jolies choses à bon marché.

      —Donne-moi le soin de l'ameublement, laisse-moi faire comme je voudrai, et, de mon côté, je te laisse toute liberté pour l'acquisition et les réparations: livre-moi la maison, je la meublerai sans beaucoup dépenser.

      —Comment?

      —Tu verras cela: le beau ne se trouve pas réuni au bon marché dans le neuf; pour l'avoir, il faut attendre des occasions, laisse-moi les chercher.

       Table des matières

      Elle les avait cherchées ces occasions. Elle les avait trouvées.

      A partir du jour où l'achat de la maison de Nogent avait été réalisé et où les réparations avaient commencé, madame Fourcy n'avait plus été chez elle.

      Où était-elle du matin au soir?

      A chercher les occasions qui devaient lui permettre de meubler sa maison de campagne avec goût et aussi avec économie.

      Il n'est pas difficile au riche de trouver de belles choses; dix magasins les lui offrent avant qu'il ait parlé: il n'a qu'à choisir et à payer; et encore paye-t-il plus souvent qu'il ne choisit.

      Mais quand l'argent ne répond ni aux suggestions du désir ou de la fantaisie, ni aux exigences du goût ou aux besoins du moment, c'est une tout autre affaire.

      Il faut chercher.

      Il faut remplacer l'argent par le flair et la peine.

      Fourcy n'avait donc pas été surpris des fréquentes absences de sa femme; elle était en quête de quelque curiosité, elle travaillait pour les siens comme il travaillait lui-même, cela était tout naturel à ses yeux.

      Il est vrai que, comme il n'avait jamais eu le goût de la curiosité ni du bibelot, il aurait mieux aimé qu'au lieu de se donner tant de peine elle se contentât de choses simples et ordinaires qu'on aurait trouvées ou commandées chez les marchands: en meubles chez les ébénistes du faubourg Saint-Antoine, en étoffes dans les magasins de nouveautés; mais il ne lui avait jamais fait d'observations à ce sujet; elle lui avait cédé en consentant à habiter Nogent; n'était-il pas juste qu'il cédât maintenant aux désirs qu'elle pouvait avoir. D'ailleurs pourquoi l'eût-il contrariée, alors surtout que