— Garet, s’il te plaît, supplia Geneviève. Je suis de ton côté. Je veux te sortir de là. Je sais que beaucoup de mes actes peuvent laisser penser que je soutiens Altfor, mais je peux te promettre que j’ai fait tout cela parce que j’aime Royce. Je lui ai même envoyé des messages pour lui parler des plans d’Altfor. Sais-tu qu’il a l’intention de feindre une attaque par le sud, alors qu’il enverra une armée par le nord à bord de navires ?
— Oui, répondit la silhouette, ce mot suffit à lui seul à glacer le sang de Geneviève dans ses veines. Elle connaissait cette voix, et ce n’était pas celle de Garet.
L’homme se leva, laissant tomber son manteau. Altfor se tenait là dans la pénombre, son sourire le rendant plus maléfique encore à la faible lueur de la bougie.
— J’ai pensé que tu pourrais faire ça, dit-il, avançant sur elle.
Geneviève fut tellement stupéfaite qu’elle ne réagit même pas quand il lui arracha les clés des mains.
— J’ai pensé que la présence du garçon pourrait t’amener à exposer tes vraies intentions, me donner une excuse pour enfin faire ce que je voulais.
Geneviève connaissait la nature de ses menaces, et instantanément son esprit se tourna vers le seul bouclier qu’elle pensait avoir.
— Je suis ta femme.
— Une femme amoureuse de mon ennemi ! rugit Altfor. Et aussi une traîtresse. Être une femme de noble ne te protégera plus.
— Je porte ton enfant, souligna Geneviève.
— Oui, dit Altfor. C’est vrai.
Il la dépassa jusqu’à la porte, la franchit et disparut avant que Geneviève ne puisse réagir. Son visage réapparut par le judas.
— Je déciderai quoi faire de toi plus tard, dit-il. J’attendrai peut-être que tu donnes naissance à mon enfant et que tu te fasses exécuter. Peut-être que je ne le ferai pas. Sois certaine en tout cas, Geneviève, que tu paieras tes actes de ta vie.
CHAPITRE SEPT
Alors qu’ils naviguaient, Royce appréciait le sentiment d’espoir qui régnait sur le bateau. Ils avaient retrouvé son père, le miroir était dans son sac au fond du bateau, et ils se dirigeaient à présent vers leurs foyers. Ils avaient réalisé ce qu’ils avaient entrepris de faire, malgré toutes les épreuves que les Sept Îles avaient mis sur leur route. S’ils avaient été capables d’en arriver jusqu’ici, ils pourraient certainement réaliser tout ce qui était encore nécessaire.
— C’est vraiment le roi, chuchota Mark à Royce en regardant son père, dont le regard se perdait au-delà des vagues.
Son ami avait l’air impressionné et semblait suivre chaque mouvement du roi Philippe, comme s’il attendait des instructions.
— Et mon père, dit Royce.
Pour lui, c’était le plus important.
— Ton père, le roi, accepta Mark. Je suis désolé, je sais de quoi j’ai l’air, et tu as accompli ton lot d’exploits, mais je te connais.
— Et avec le temps, tu connaîtras également mon père, lui assura Royce.
Il voulait lui aussi mieux le connaître. Après avoir vécu si longtemps séparés, ils avaient beaucoup à rattraper. Royce voulait savoir tout ce que son père avait fait depuis son départ et voulait en savoir plus sur le genre d’homme qu’il était.
Il commença à avancer en direction de son père. Il passa devant Matilde et Neave, assises au milieu de l’embarcation. Toutes les deux semblaient se chamailler à propos d’exploits passés de l’ancien roi.
— Je te le dis, dit Matilde. C’était un grand héros. Il a combattu les nobles.
— C’était un noble, répondit Neave, ensuite il a perdu contre les nobles.
— Il a combattu des monstres.
— Nous aussi, nous avons combattu des monstres, souligna Neave.
— Il chassait les bandits pour garder les routes sûres.
— Certains d’entre eux étaient Pictis.
— C’est de cela qu’il s’agit ? Tu ne l’aimes pas parce qu’il a combattu les Pictis ? J’ai aussi combattu ton peuple. Je t’ai battue, souviens-toi.
— Tout va bien ? demanda Royce, avant que la querelle ne s’intensifie. Il était toujours difficile de dire avec ces deux-là si elles se disputaient vraiment ou non.
— Neave ne pense pas que ton père soit quelqu’un qui vaille la peine d’être suivi, dit Matilde.
— C’est toi qui penses qu’on devrait le suivre aveuglément, sans réfléchir, nuança Neave en secouant la tête.
— Neave ? dit Royce en fronçant les sourcils.
La jeune Picti avait-elle un problème avec le retour de son père ?
— Je suis contente que nous l’ayons trouvé, dit Neave, et je sais qu’il sera utile dans les batailles à venir, mais Mark et Matilde le regardent comme… c’est presque aussi malsain que la façon dont nous avons tous regardé Lethe. Pas de question, pas de réflexion, juste de l’admiration.
— Parce que le roi légitime a été retrouvé ! insista Matilde. Que veux-tu de plus ? Je croyais que les Pictis suivaient toujours ceux qui pouvaient révéler les signes magiques.
— Ceux qui peuvent faire chanter les pierres et faire répondre la vieille magie ont notre respect, convint Neave. Mais nous ne les suivons pas aveuglément. Parfois, quelqu’un doit diriger, mais cela ne veut pas dire que nous suivons sans réfléchir, sans poser de questions, sans décider par nous-mêmes ce qui est juste.
— Le retour de mon père posera-t-il un problème aux Pictis ? lui demanda Royce.
— Je ne sais pas, admit Neave. C’est un homme qui a fait beaucoup de choses impressionnantes, mais c’est aussi lui qui a abandonné le royaume au roi Carris et à ses nobles. Il aurait pu nous rendre notre place dans le monde, et il ne l’a pas fait. Il aurait pu faire plus.
— Peut-être qu’il le fera cette fois-ci, suggéra Royce.
— Peut-être, supposa Neave. En tout cas, je continuerai à te suivre. Je t’ai entendu faire chanter les pierres, au moins, et tu m’as prouvé ta résolution à faire ce qui est juste, Royce.
Royce fut submergé de fierté, satisfait d’avoir gagné la confiance de Neave après tout ce qu’ils avaient traversé. C’était peut-être même une bonne chose que quelqu’un soit moins impressionné par son père que Mark et Matilde ne semblaient l’être, cela aiderait à garder du recul sur les évènements, à s’assurer qu’ils empruntaient cette voie pour les bonnes raisons.
À présent, il finit de remonter le bateau, rejoignant son père assis à la proue, surveillant leur progression avec Gwylim à ses côtés. Il semblait presque que son père discutait de quelque chose avec la bête semblable à un loup ; Gwylim penchait la tête comme s’il le comprenait alors que son père parlait.
— Si je peux te ramener à ce que tu étais, je le ferai, dit son père. Mais tu dois également connaître les dangers que cela engendrerait. Sans ta peau, il se pourrait que tu sois piégé, mais tu resterais puissant.
— Père ? dit Royce, en se rapprochant.
Son père se retourna et lui sourit.
— C’est si bon de t’entendre m’appeler ainsi. Je viens de discuter de projets avec notre ami ici présent.
— Et tu crois qu’il a tout compris ? demanda Royce.
C’était si étrange de parler