Une énergie phénoménale, surréelle s’écoulait à travers lui.
Pendant des années, il avait évité les humains. Ils étaient effrayants, plus violents et incontrôlables que les animaux. Il aimait les animaux. Les humains, cependant, il avait découvert qu’ils s’avéraient être des sacrifices plus puissants pour l’Esprit Universel. Après la mort de la fille, il avait vu le ciel s’ouvrir, et une image indistincte du Grand Créateur avait regardé vers lui et dit : Plus.
Sa rêverie fut interrompue par une voix cassante.
« Vous rêvassez encore ? »
Un employé maugréant se tenait au-dessus de sa tête avec un air noir en travers du visage. Il avait les traits et le corps d’un ancien joueur de football. Un costume bleu vif faisait peu pour diminuer sa férocité.
Humblement, il baissa la tête. Ses épaules se recroquevillèrent, et il se transforma en employé tout petit, ordinaire.
« Je suis désolé, M. Peet. »
« Je suis fatigué des excuses. Obtenez moi ces chiffres. »
En son for intérieur, le tueur souriait comme un géant rieur. Au travail, le jeu était presque aussi excitant que sa vie privée. Personne ne savait à quel point il était spécial, combien il était dévoué et essentiel au délicat équilibre de l’univers. Aucun d’entre eux ne recevrait une place privilégiée dans le royaume du Monde Supérieur. Leur tâches quotidiennes, banales : s’habiller, avoir des réunions, traîner de l’argent d’un endroit à l’autre – étaient dénuées de sens ; elles étaient seulement importantes pour lui car elles le reliaient au monde extérieur et lui permettaient de faire le travail du Seigneur.
Son supérieur grommela et s’éloigna.
Les yeux encore fermés, le tueur imagina son Seigneur Suprême : la silhouette indistincte, sombre qui murmurait dans ses rêves et dirigeait ses pensées.
Un chant d’hommage se forma sur ses lèvres, et il chanta dans un chuchotement : « Oh Seigneur, oh Seigneur, notre travail est pur. Demandez et je vous donnerais : Plus. »
Plus.
CHAPITRE CINQ
Avery avait un nom : Cindy Jenkins. Elle connaissait la confrérie : Kappa Kappa Gamma. Elle connaissait pleinement l’université de Harvard. L’établissement de la Ivy League l’avait rejetée en tant que nouvelle étudiante de première année, mais elle avait tout de même trouvé une voie pour s’imprégner de la vie de Harvard tout le long de sa propre carrière universitaire, car elle était sortie avec deux étudiants de l’école.
Contrairement à d’autres universités, les confréries et fraternités de Harvard n’étaient pas officiellement reconnues. Aucune maison à dénomination grecque n’existait sur ou hors du campus. Les fêtes, néanmoins, avaient régulièrement lieu dans de multiples lotissements de maisons ou appartements hors du campus sous le nom d’“organisations” ou de “clubs” spécialisés. Avery avait été un témoin direct du paradoxe de la vie universitaire durant son propre temps à l’université. Tout le monde prétendait être uniquement concentré sur les notes, jusqu’à ce que le soleil se couche et qu’ils se transforment en une bande d’animaux sauvages faisant la fête.
À un feu rouge, Avery effectua une recherche rapide sur internet pour découvrir que Kappa Kappa Gamma louait deux espaces dans le même pâté de maisons dans Cambridge : Church Street. Un des lieux était destiné aux évènements, l’autre aux réunions et aux rencontres.
Elle passa le pont Longfellow, dépassa le MIT, et prit à droite sur la Massachussetts Avenue. La cour de Harvard apparut à sa droite avec son splendide édifice de briques rouges niché parmi une forêt et des chemins pavés.
Une place de parking s’ouvrit sur Church Street.
Avery se gara, verrouilla la portière de la voiture, et leva le visage vers le soleil. C’était un jour chaud, avec des températures avoisinant les trente degrés. Elle vérifia l’heure : dix heures et demie.
Le bâtiment des Kappa était une longue structure de deux étages avec une façade en briques. Le premier niveau accueillait un grand nombre de boutiques de vêtements. Le second, supposa Avery, était réservé à des espaces de bureau et aux opérations de la confrérie. La seule désignation à côté du bouton du second étage était la fleur de lys bleue, symbole de Harvard ; elle appuya dessus.
Une voix féminine éraillée se fit entendre à l’interphone.
« Ouais ? »
« Police », grommela-t-elle. « Ouvrez. »
Silence pendant un moment.
« Sans rire », répondit la voix, « qui est-ce ? »
« C’est la police », dit-elle sérieusement. « Tout va bien. Personne n’a de problèmes. J’ai juste besoin de parler avec quelqu’un de Kappa Kappa Gamma. »
La porte s’ouvrit en bourdonnant.
Au sommet des marches, Avery fut accueillie par une fille hagarde et endormie dans un sweatshirt trop grand et un pantalon de jogging blanc. Les cheveux foncés, elle paraissait être une grande fêtarde. Des mèches de cheveux dissimulaient la majeure partie de son visage. Il y avait des cercles assombris sous ses yeux, et le corps dont elle tirait normalement tant de fierté à le souligner apparaissait large et sans forme.
« Que voulez-vous ? », demanda-t-elle.
« Calmez-vous », proposa Avery. « Cela n’a rien à voir avec les activités de la confrérie. Je suis seulement là pour poser quelques questions. »
« Je peux voir un insigne ? »
Avery montra son badge.
Elle jaugea Avery, examina la plaque, et recula.
La surface pour Kappa Kappa Gamma était grande et lumineuse. Le plafond était haut. De nombreux canapés marron clair et des poufs bleus confortables jonchaient l’espace. Les murs avaient été peints dans un bleu foncé.
Il y avait un bar, une chaîne hi-fi, et un énorme écran plat. Les fenêtres allaient presque du sol au plafond. De l’autre côté de la rue, Avery pouvait voir le haut d’un autre lotissement d’appartements bas, et ensuite le ciel. Quelques nuages passaient.
Elle supposa que son expérience à l’université était bien différente de celle de la plupart des filles de Kappa Kappa Gamma. D’abord, elle avait payé pour l’école elle-même. Chaque jour après les cours elle allait à un bureau d’avocats local et avait grimpé les échelons de secrétaire à assistante juridique estimée. Elle buvait aussi rarement à l’université. Son père avait été un alcoolique violent. La plupart des soirs, elle était soit la conductrice désignée, soit dans la résidence en train d’étudier.
Une pointe d’espoir apparut sur le visage de la fille.
« Est-ce que c’est à propos de Cindy ? », demanda-t-elle.
« Cindy est-elle une amie à vous ? »
« Ouais, c’est ma meilleure amie », dit-elle. « S’il vous plaît, dites-moi qu’elle va bien ? »
« Comment vous appelez-vous ? »
« Rachel Strauss. »
« Êtes-vous celle qui a appelé la police ? »
« C’est ça. Cindy a quitté notre fête assez ivre samedi soir. Personne ne l’a vue depuis. Ça ne lui ressemble pas. » Elle roula des yeux et offrit un léger sourire quand elle ajouta, « Elle est très prévisible d’habitude. Elle est jute comme, Miss Parfaite, vous voyez ? Toujours au lit à la même heure, même