« Alors vous pensez qu’il avait une vie parfaite ? » demanda Kate.
« Apparemment, oui. Mais en même temps, est-ce que ça existe vraiment, une vie parfaite ? Je veux dire par là, même Jack semblait avoir des tensions avec sa mère, d’après ce que je sais. »
« Dans quel sens ? »
« Rien de grave en soi, mais une fois au boulot, je l’ai entendu parler à sa femme au téléphone. Il était sorti dans la cage d’escalier pour pouvoir parler plus tranquillement. J’étais assis à l’un des postes de travail qui se trouvait juste à côté de la porte qui menait à la cage d’escalier. Je m’en rappelle car c’est la seule fois que je l’ai entendu parler à sa femme sur un ton où ne transparaissait aucune joie. »
« Et c’était une conversation au sujet de sa mère ? » demanda Kate.
« J’en suis presque certain. Je l’ai un peu taquiné quand il est rentré dans le bureau, mais il n’était pas d’humeur taquine. »
« Est-ce que vous savez quoi que ce soit concernant ses parents ? » demanda Kate.
« Non. Comme je vous le disais, Jack était un type bien, mais je n’irais pas jusqu’à dire que c’était un ami. »
« Où est-ce que vous vous rendiez à l’instant ? » demanda DeMarco.
« J’allais acheter des fleurs pour sa famille et les déposer chez eux. J’ai rencontré sa femme et ses enfants à plusieurs reprises lors de fêtes de Noël ou de barbecues organisés par l’entreprise, ce genre de choses. Une belle petite famille. C’est vraiment choquant, ce qui est arrivé. Ça me rend un peu malade, vous savez ? »
« Eh bien, nous n’allons pas vous retarder plus longtemps, » dit Kate. « Merci, monsieur Craft. »
Quand elles furent rentrées dans la voiture, Kate fit une marche arrière pour sortir de l’allée de Jerry et dit : « Tu peux demander les coordonnées de la mère de Jack ? »
« Tout de suite, » dit DeMarco, sur un ton froid.
Kate dut à nouveau se retenir pour ne rien dire. Si DeMarco allait continuer à lui faire sentir son agacement pour ce qui s’était passé hier, c’était son choix. Kate n’allait en aucun cas laisser ça affecter l’enquête.
Mais en même temps, il lui fallut retenir un petit sourire ironique. Elle avait passé tellement de temps à se demander si sa nouvelle position ne l’empêchait pas de voir sa famille et maintenant, elle était là, à travailler avec une femme qui lui rappelait parfois tellement Mélissa que ça en était presque effrayant. Elle pensa à Mélissa et à Michelle, pendant que DeMarco passait de département en département au sein du FBI, à la recherche d’informations sur la mère de Jack Tucker. Elle repensa à la manière dont Mélissa s’était comportée et avait réagi la première fois où elle, Kate, s’était retrouvée aussi obsédée par l’affaire Nobilini. Ça remontait à huit ans. Mélissa avait vingt et un ans, elle se rebellait contre tout ce que sa mère pouvait lui demander. Il y eut un moment où Mélissa avait même teint ses cheveux en mauve. Ça lui allait plutôt bien, mais Kate n’était jamais parvenue à le lui avouer à haute voix. C’était une période d’essais dans leurs vies, même quand Michael, son mari, était toujours vivant et là pour l’aider à faire face au rôle de parent, alors que Mélissa grandissait.
« Ça, c’est intéressant, » dit DeMarco, arrachant Kate à ses souvenirs. Elle posa son téléphone et regarda devant elle, avec une petite étincelle d’excitation dans les yeux.
« Qu’est-ce qui est intéressant ? » demanda Kate.
« La mère de Jack s’appelle Olivia Tucker. Soixante-six ans, elle vit dans le Queens. Un casier judiciaire vierge, à l’exception d’un tout petit détail. »
« Quel détail ? »
« La police a été appelée contre elle il y a deux ans. Et l’appel venait de Missy Tucker, le soir même où Olivia Tucker essayait de rentrer de force dans leur maison. » ´
Elles échangèrent un regard et Kate sentit disparaître un peu de la tension qu’il y avait entre elles. Après tout, il n’y avait rien de tel qu’une piste prometteuse pour rapprocher les co-équipiers les plus distants.
En ayant enfin l’impression d’avoir une piste à suivre, Kate fit demi-tour et se dirigea vers le Queens.
CHAPITRE CINQ
Olivia Tucker vivait dans un appartement assez ordinaire à Jackson Heights. Quand Kate et DeMarco arrivèrent, elle recevait la visite d’un pasteur du coin. C’est ce dernier qui leur ouvrit la porte. C’était un homme noir de grande taille et il avait un air triste sur le visage. Il regarda les agents d’un air sceptique, avant de soupirer doucement.
« Est-ce que je peux vous aider ? »
« Nous voudrions parler à madame Tucker, » dit DeMarco. « Qui êtes-vous ? »
« Je suis Leland Toombs, le pasteur de son église. Et vous, qui êtes-vous ? »
Elles sortirent leur badge et se présentèrent. Toombs fit un léger pas en arrière et les regarda d’un air désapprobateur.
« Vous savez qu’elle est complètement bouleversée, n’est-ce pas ? »
« Bien sûr, » dit Kate. « Nous essayons de retrouver l’assassin de son fils et nous espérions qu’elle aurait peut-être des informations utiles à nous donner. »
« Qui est-ce ? » dit une voix tremblante venant de l’intérieur de l’appartement. Kate vit une femme sortir d’une autre pièce et se diriger vers la porte.
« C’est le FBI, » lui répondit Leland. « Mais Olivia, je vous suggère de prendre un moment pour réfléchir et voir si vous êtes prête à leur parler. »
Olivia Tucker arriva jusqu’à la porte. Elle avait vraiment mauvaise mine. Ses yeux étaient injectés de sang et on aurait dit qu’elle avait même du mal à marcher. Elle regarda Kate et DeMarco, avant de poser une main rassurante sur l’épaule de Toombs.
« Je crois qu’il faut que je le fasse, » dit-elle. « Pasteur Toombs, pourriez-vous nous laisser un moment ? »
« Ce serait peut-être mieux que je sois présent quand vous leur parlez. »
Elle secoua la tête. « Non. Je vous remercie mais il faut que je le fasse toute seule. »
Toombs fronça les sourcils, avant de regarder Kate et DeMarco. « S’il vous plaît, allez-y doucement. Elle ne va vraiment pas bien. » Puis il regarda une dernière fois Olivia, avant de s’éloigner en faisant un geste de la main. « Olivia, n’hésitez pas à m’appeler si vous avez besoin de quoi que ce soit. »
Olivia le regarda s’éloigner avant de refermer lentement la porte derrière elle. « Allez-y, entrez, venez dans le salon. »
Elle parlait d’une voix basse et rauque, et elle marchait comme si ses jambes étaient sur le point de défaillir.
« Saviez-vous, » dit-elle au moment où elles entrèrent dans le salon, « que la police m’a appelée pour m’annoncer la nouvelle plus de six heures après que le corps ait été découvert ? »
« Pourquoi aussi longtemps après ? » demanda Kate.
« J’imagine qu’ils ont pensé que Missy allait m’appeler pour me l’annoncer. Bien entendu, ils lui ont d’abord dit à elle. Mais c’est plus tard, quand Missy a refusé