– Jamais !
Pour accompagner ces mots, il se retourna et cracha par terre.
Andronicus se renversa sur son trône et éclata de rire. Tout ceci lui plaisait follement. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas rencontré d'humain aussi obstiné !
Il se tourna et adressa à ses soldats un hochement de tête. L’un d’eux saisit McCloud par derrière, pendant qu'un autre l’attrapait par la tête. Un troisième fit un pas en avant, un long rasoir à la main. À sa vue, le prisonnier voulut se débattre, apeuré.
– Que faites-vous ? demanda-t-il, paniqué, sa voix soudain très aiguë.
L'homme se pencha et rasa en quelques gestes la moitié de la barbe de McCloud qui leva des yeux écarquillés, visiblement très surpris qu’on ne lui ait pas fait de mal.
Andronicus hocha la tête et un quatrième larron s'avança avec un long tisonnier, au bout duquel était gravé l'emblème du royaume de Andronicus – un lion avec un oiseau dans la bouche. Il étincelait d'une lueur orangée, incandescente. Pendant que les autres maintenaient le prisonnier au sol, l'homme abaissa le tisonnier sur la joue maintenant imberbe.
– NON ! hurla McCloud d’une voix stridente quand il comprit.
Mais c'était trop tard.
Un terrible cri perça les airs, accompagné d'un sifflement et d’une odeur de chair brûlée. Andronicus regarda avec joie le tisonnier s'enfoncer dans la joue de son prisonnier. Le chuintement s’accentua et les cris devinrent presque intolérables.
Enfin, bien dix secondes plus tard, les hommes lâchèrent McCloud.
Celui-ci se vautra, inconscient, la bave aux lèvres. De la fumée s'élevait de son visage. Sa joue portait maintenant l'emblème de Andronicus, inscrit au fer dans la chair.
Andronicus se pencha, baissa les yeux vers l'inconscient McCloud, admirant le travail.
– Bienvenue dans l'Empire.
CHAPITRE DEUX
Erec se tenait debout au sommet de la colline, à l'orée de la forêt, et regardait la petite armée s'approcher. À cette vue, son cœur s'enflammait. Il était né pour une journée comme celle-ci. Au cours de certaines batailles, la frontière se brouille entre le juste et l'injuste – mais pas ce jour-là. Sans vergogne, le seigneur de Baluster avait emporté sa fiancée et s'en était vanté sans montrer le moindre remords. On lui avait fait savoir qu’il avait commis un crime, on lui avait donné une chance de réparer ses erreurs et il avait refusé. Il était le seul responsable de son propre malheur. Ses hommes auraient dû le laisser – surtout maintenant qu'il était mort.
Mais ils étaient là, montés sur leurs chevaux, des centaines d'entre eux, des mercenaires entretenus par ce petit seigneur, tous décidés à tuer Erec, pour la simple raison qu'ils avaient été payés pour le faire. Ils le chargèrent, vêtus de leurs armures vertes étincelantes, et poussèrent un cri de guerre. Comme s'ils pouvaient l'effrayer…
Erec n'avait pas peur. Il avait déjà connu bien des batailles comme celle-ci. S'il avait appris quelque chose au cours de ses années d'entraînement, c'était bien de ne jamais avoir peur de défendre une juste cause. La justice, il l'avait appris, ne l'emportait pas toujours, mais elle donnait au moins à son défenseur la force de dix hommes.
Ce n'était pas de la peur que ressentait Erec en voyant fondre sur lui les centaines de cavaliers et en songeant qu’il allait probablement mourir. C'était plutôt une sorte d'attente. On lui donnait la chance de trouver sa fin de la plus honorable des manières et c'était un cadeau. Il avait fait vœu de gloire et, aujourd'hui, cette promesse réclamait son dû.
Erec tira son épée et dévala le coteau, courant au devant de l'armée qui le chargeait. À cet instant, il aurait aimé plus que tout chevaucher dans la bataille sur le dos de son fidèle coursier, Warkfin, mais il ressentait aussi un sentiment de paix en sachant que Warkfin ramenait Alistair à Savaria pour la placer sous la protection de la cour du Duc.
À cinquante mètres à peine des soldats, Erec prit de la vitesse, filant comme une flèche vers le chef des chevaliers, au milieu de la troupe. Ils ne ralentirent pas l’allure et lui non plus. Erec se prépara au choc.
Erec savait qu'il disposait d’un avantage : il était physiquement impossible que trois cents hommes attaquent tous en même temps un seul adversaire. Son entraînement lui avait appris qu'au plus, six cavaliers seulement pouvaient affronter le même ennemi. Erec préférait voir les choses de cette façon : il ne combattait pas trois cents mercenaires, mais seulement six à la fois. Tant qu'il pourrait tuer les six hommes qui lui feraient face, encore et encore, il aurait une chance de l'emporter. La question était de savoir s'il avait assez d'endurance pour tenir jusqu'à la fin.
Comme Erec dévalait la colline, il tira de sa ceinture l'arme qui lui serait la plus utile : un fléau muni d'une chaîne de dix mètres, au bout de laquelle pendait une masse métallique hérissée de pointes. C'était l'arme parfaite pour tendre une embuscade – ou pour tirer parti d’une situation comme celle-ci.
Il attendit le dernier moment, pour que l'armée n'ait pas le temps de réagir, puis brandit le fléau très haut au-dessus de sa tête et le fit tournoyer avant de le lancer avec force en travers du champ de bataille. Il visa un petit arbre et la chaîne hérissée de pointes fila dans la prairie. La masse s'enroula plusieurs fois autour du tronc et se fixa fermement. Erec tomba à genoux pour éviter les lances sur le point de voler dans les airs et, levant le fléau au-dessus de sa tête, s'y cramponna de toutes ses forces.
Il avait parfaitement choisi son moment : l'armée n'aurait plus le temps de réagir. Les cavaliers le virent à la dernière seconde et voulurent arrêter leurs chevaux, mais ils allaient trop vite et c'était trop tard.
La première ligne se précipita sur la chaîne hérissée de pointes qui faucha les jambes des chevaux. Les cavaliers tombèrent tête la première, avant de se faire écraser par leurs propres montures. Ils s'amoncelèrent par douzaines dans le plus grand chaos.
Erec n'eut pas le temps d'apprécier les dommages qu'il venait de créer : un flanc de l'armée tournait et se jetait sur lui, chargeant au son d'un cri de guerre, et Erec roula sur ses pieds pour les accueillir.
Comme le chef de ces chevaliers levait un javelot, Erec profita de son avantage : il n'avait pas de cheval et ne pouvait donc pas se mesurer à leur hauteur, mais il pouvait prendre appui sur le sol sous ses pieds. Il plongea à terre, fit une roulade et leva son épée, entaillant les jambes du cheval qui tomba sur les genoux. Son cavalier bascula tête la première, avant même d'avoir eu le temps d’utiliser son javelot.
Erec fit une nouvelle roulade, évitant la ruée des chevaux qui furent obligés de faire un écart pour éviter le destrier abattu. Cependant, beaucoup trébuchèrent sur le cadavre de l'animal. Des douzaines s'écrasèrent à leur tour, soulevant un nuage de poussière et formant un obstacle au milieu du champ de bataille.
Voilà exactement ce que Erec avait espéré : de la poussière et de la confusion, des hommes et leurs montures tombés en masse.
Il sauta sur ses pieds et leva son épée pour bloquer une lame qui s’abattait sur lui. Il se retourna et contra un javelot, puis une lance, puis une hache. Il se défendit contre les coups qui se mirent à pleuvoir de toutes parts… Il ne tiendrait pas longtemps. Pour avoir la moindre chance de l’emporter, il fallait attaquer.
Erec fit une roulade, déplia son corps, s'appuya sur un genou et jeta son épée comme une lance. Elle vola dans les airs et se planta dans la poitrine de l'un de ses plus proches assaillants. Les yeux de celui-ci s'ouvrirent grand, puis il chavira sur le côté, mort, à bas de son cheval.
Erec saisit cette opportunité pour sauter sur la selle laissée vide, arrachant le fléau des mains du soldat qu’il venait de tuer. C'était une arme superbe et Erec avait précisément visé cet homme pour se l’approprier. Le manche était en argent, long, clouté. La chaîne mesurait un peu plus d’un mètre et elle était munie de