Il se décida, encore contrarié. Je lui donnai les cisailles, en souriant. “Roses rouges” précisai-je.
“Ce sera fait” gargouilla, en se mettant au travail.
A la fin, quand le bouquet fut prêt, je lui escortai en cuisine où on prit un vase. Il me semblait plus pratique et aisé de nous partager la tâche. Il aurait porté le vase en céramique et moi les fleurs.
Mc Laine était encore en train d’écrire, passionné. Il s’interrompit seulement quand il nous vit rentrer, ensemble.
“Maintenant je comprends parce qu’il t’a pris autant de temps” il siffla à mon adresse.
Kyle partit à toute vitesse, en posant impoliment le vase sur le bureau. J’ai craint pendant un instant qu’il se serait renversé. Il avait été déjà sorti quand je m’apprêtai à ranger les roses dans le vase.
“Il était une tâche si difficile que tu devais te faire aider?” demanda-t-il, les yeux qui giclaient éclairs de colère incontrôlée.
J’haletai, comme un poisson qui a bêtement mordu l’hameçon. “Le vase était lourd” me justifiai-je. “La prochaine fois je ne le porterai avec moi”.
“Très sage”. Sa voix était faussement angélique. En réalité, avec le visage ombragé par une barbe de deux jours, il semblait un démon méchant, venant directement de l’enfer pour me tyranniser.
“Je n’ai pas trouvé madame Mc Millian” insistai-je. Un poisson qui encore mord l’appât, qui encore n’a pas compris qu’il s’agit d’un hameçon.
“Ah, oui, c’est son jour de repos” admit-il. Toutefois ensuite sa colère réapparait, seulement temporellement éteinte. “Je n’admets pas d’histoires d’amour entre mes employés”.
“Il ne m’était néanmoins passé pour la tête!” dis-je impulsivement, avec une telle sincérité à me mériter un sourire d’approbation de son côté.
“Je m’en réjouis”. Ses yeux étaient glaciaux malgré le sourire. “Naturellement cela n’est pas valable pour moi. Je n’ai rien contre l’avoir liaisons avec les employés, moi ”. Il appuya sur les mots, comme à souligner la moquerie.
Pour la première fois j’eus l’envie de lui frapper, et je compris qu’il n’aurait pas été la première fois. N’étant pas libre de me défouler sur celui que j’aurais voulu, mes mains firent pression encore plus fort sur le bouquet, en m’oubliant des épines. La douleur me prit par surprise, comme si j’avais été immune aux épines, étant occupée à en combattre des autres.
“Ahi!” Retirai-je la main brusquement.
“Tu t’es piquée?”
Mon regard méprisant fut plus éloquent que n’importe quelle réponse. Il allongea sa main, à chercher la mienne.
“Fais-moi voir”.
Je la lui tendis, comme un automate. La goutte de sang ressortait sur la peau blanche. Sombre, noire pour mes yeux anormaux. Rouge carmin pour les siens, normaux.
Je cherchai à retirer la main, mais son étroite était forte. Je lui observai, déconcertée. Son regard n’abandonnait jamais mon doigt, comme ravi, hypnotisé. Donc, comme d’habitude, tout finit. Son expression changea, au point que je n’aurais pas su la déchiffrer. Il semblait dégouté et il détourna le regard à la sauvette. Ma main fut laissée libre, et je portai le doigt à la bouche, pour en sucer le sang.
Sa tête se tourna encore en ma direction, comme s’il était conduit par une force inarrêtable et pas trop appréciée. Son expression était agonisante, souffrante. Toutefois, seulement pendant un instant. Bouleversant, et illogique.
“Le livre procède bien. J’ai retrouvé mon inspiration” dit-il, comme s’il répondait à une question non formulée. “Tu m’apporterais une tasse de thé, s’il-te-plait?”
Je m’accrochai à ses mots, comme une haussière lancée à un naufragé. “Je vais tout de suite”.
“Tu pourras faire ça toute seule, cette fois?” Son ironie fut presque agréable, après le regard effrayant d’avant.
“Je vais essayer” répondis-je, en jouant son jeu.
Cette fois je ne rencontrai pas Kyle, et j’en étais soulagée. Je me déplaçai par la cuisine avec une plus grande assurance que dans le jardin. En consommant tous les repas là, en compagnie de Madame Mc Millian, j’avais appris tous ses cachettes. Je trouvai aisément la bouilloire dans les placards à côté du frigo, et les sachets de the dans une boîte en fer dans un autre. Je revins à l’étage supérieur, le plateau entre les mains.
Mc Laine ne souleva pas le regard quand il me vit entrer. Evidemment ses oreilles, telles que d’antennes radar, avaient déjà capté que j’étais seule.
“J’ai porté le sucre et le miel, ne savant pas comme vous préférez le boire. Et même le lait”.
Il grimaça, quand il regarda le placard. “Il n’était pas trop lourd pour toi?”
“Je me suis débrouillée” dis-je dignement. Se défendre de ses blagues verbales devenait une habitude à laquelle je ne pouvais pas renoncer, sans doute préférable à l’expression tragique de quelques minutes avant.
“Monsieur...” Il était arrivé le moment de faire face à une affaire importante.
Il me fit un sourire plein de sincère bienveillance, comme un roi bien disposé vers un sujet loyal. “Oui, Mélisande Bruno?”
“Je voudrais savoir quel sera mon jour de repos ” dis-je d’un seul trait, intrépide.
Il ouvrit les bras et s’étirait, voluptueux, avant de répondre. “Jour de repos? Tu n’es pas encore arrivée bien, et tu veux déjà te débarrasser de moi?”
Je bougeai d’un pied à l’autre, tandis que je le regardais se verser une cuiller de lait et un de sucre dans le thé, et ensuite le siroter lentement. “Aujourd’hui c’est dimanche, monsieur. Le jour de repos de Madame Mc Millian. Et après-demain ce sera exactement une semaine de mon arrivée. Peut-être qu’il est le cas d’en parler, monsieur”. De son expression il semblait ne pas vouloir me concéder aucun jour de repos.
“Mélisande Bruno, tu es peut-être en train de penser que je ne veux pas te concéder jours de repos?” demanda-t-il moqueur, comme s’il avait lit dans mes pensées.
J’étais déjà en train de bafouiller que non, je ne me doutais pas de penser une chose pareille, fou après tout, quand il ajouta “...parce que tu aurais parfaitement raison”.
“Peut-être que je n’ai pas bien compris, monsieur. C’est un autre de vos blagues?”. J’avais la voix faible, en l’effort de la contrôler.
“Et s’il ne l’était pas?” répliqua-t-il, les yeux insondables comme l’océan.
Je lui regardai la bouche ouverte. “Mais Madame Mc Millian...”
“Kyle même n’a pas jours de repos” me rappela-t-il, avec un sourire sournois. J’eus l’aigue sensation qu’il était en train de s’amuser beaucoup.
“Il n’a pas un horaire de travail fixe tel que le mien” dis-je irritée. J’avais envie d’explorer le village et les alentours de la maison, et j’étais contrariée de devoir combattre pour ce mon droit.
Il ne broncha pas. “ Dans tout cas il est toujours à ma disposition”.
“Alors quand devrais-je sortir?” demandai-je, en haussant le ton. “Le nuit peut-être? Je suis libre du coucher de soleil à l’aube... Au