s’agenouilla de nouveau, et, ayant appelé la bénédiction du ciel sur le monarque, il exposa sa requête en ces termes: «Naguère mon cousin Sancho est venu demander du secours contre moi au feu calife. Il a obtenu sa demande; il a été secouru comme on ne l’est que par les plus grands souverains de l’univers. Moi aussi, je viens demander du secours, mais il y a toutefois entre mon cousin et moi une grande différence. S’il est venu ici, c’est qu’il y a été contraint par la nécessité; ses sujets blâmaient sa conduite et le haïssaient; ils m’avaient élu à sa place sans que j’eusse ambitionné cet honneur, Dieu m’en est témoin! Je l’avais détrôné et chassé du royaume. A force de supplications il a obtenu du feu calife une armée qui l’a rétabli; mais il n’a pas su se montrer reconnaissant pour ce service; il n’a rempli ni envers son bienfaiteur, ni envers vous, ô commandeur des croyants, mon seigneur, ce à quoi il s’était obligé. Moi au contraire, j’ai quitté mon royaume de mon plein gré, et je suis venu auprès du commandeur des croyants pour mettre à sa disposition ma personne, mes hommes et mes forteresses. J’avais donc raison de dire qu’entre mon cousin et moi il y a une grande différence, et j’ose ajouter que j’ai fait preuve de bien plus de confiance et de générosité. – Nous avons entendu votre discours et nous avons saisi votre pensée, dit alors le calife. Vous verrez bientôt de quelle manière nous vous récompenserons de vos bonnes intentions. Vous recevrez de nous une fois autant de bienfaits que votre compétiteur en a reçu de notre père d’heureuse mémoire, et quoique votre adversaire ait le mérite d’avoir imploré le premier notre protection, ce n’est pas une raison pour que nous vous estimions moins ou que nous refusions de vous donner ce que nous lui avons donné auparavant. Nous vous ferons reconduire dans votre pays, nous vous remplirons de joie, nous affermirons les bases de votre pouvoir royal, nous vous ferons régner sur tous ceux qui voudront vous reconnaître pour leur roi, et nous vous ferons remettre un traité que vous pourrez garder et dans lequel nous fixerons les limites de votre royaume et celles du royaume de votre cousin. En outre nous empêcherons ce dernier d’inquiéter le territoire qu’il aura été obligé de vous céder. En un mot, les bienfaits que vous recevrez de nous surpasseront toutes vos espérances. Dieu sait que ce que nous disons, nous le pensons!»