Le crime et la débauche à Paris. Charles Desmaze. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Charles Desmaze
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
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quelque temps, les habitants de Neuilly étaient effrayés par de fréquentes attaques nocturnes et de nombreux vols à main armée; voulant mettre fin à cet état de choses, on en référa au chef de la sûreté, qui expédia aussitôt plusieurs agents. On ne tarda pas alors à découvrir les coupables. D'après certaines indications, les soupçons se portèrent sur trois individus, qui occupaient, avec deux filles de mauvaise vie, un taudis, rue du Marché, 49. Une descente de police fut organisée et l'on arrêta les cinq individus. Depuis, une souricière ayant été établie, le chiffre des arrestations s'éleva graduellement à quatorze. Dans cette bande, se trouvent deux repris de justice, dont le casier judiciaire est amplement garni.

      Un détail curieux et tout à la fois écœurant. Le système de défense des hommes de cette bande, lorsqu'on leur reproche les attaques nocturnes, est celui-ci: «Pourquoi aurions-nous volé, disent-ils, puisque nos marmites– c'est ainsi que dans leur langage naturaliste ils désignent les femmes – nous donnent six cents francs par mois.»

      Comme ce chiffre paraissait invraisemblable, l'un d'eux a fourni comme preuve le carnet de comptabilité d'une des femmes; nous extrayons une feuille du carnet de la fille Paola.

      69 A rapprocher de l'Art d'élever les lapins et de s'en faire 3,000 livres de rente. —Histoire des barrières de Paris, par Delvau.

      Les courtisanes italiennes, un peu trop vantées, les Fossita, les Blazifiora, la belle Imperia, enterrée avec pompe, du temps de Léon X, dans l'église Saint-Georges, avaient, à leur suite, des condottiere, des sbires à leur solde. – Le velours, la soie des pourpoints recouvraient et poétisaient ces hontes; à notre époque, résolument naturaliste, l'étalage de la vendeuse d'amour en plein boulevard, dans les gares, aux stations du chemin de fer de Ceinture, la procession errante des ombres faméliques sur les boulevards, les maigres théories des bouquetières, offrant leurs fleurs déjà fanées, attristent profondément. Derrière elles, dans l'ombre, guette la horde des ribauds, des souteneurs, des tard venus, des fils de joie déguenillés, etc.

      Le 16 février 1879, MM. Schœlcher, sénateur des Colonies, Thulié, Tolain, députés; Liouville, conseiller municipal; Tirard, député-ministre, donnaient leur démission de membres d'une commission d'enquête sur la Préfecture de police, n'ayant pu accomplir leur mission.

      Pourquoi? On ne leur avait rien montré; toujours le secret professionnel, à tous les degrés.

      C'est qu'une pareille recherche découvrirait sans résultat possible, si ce n'est pour la curiosité publique, les recherches d'une administration, obligée d'opérer dans l'ombre, avec ses agents secrets, contre les malfaiteurs, qui se cachent, dans tous les mondes et sous toutes les couches sociales.

      En Angleterre fut pris, surtout dans l'intérêt des garnisons et68 stations navales, le 29 juillet 1864, un bill contre les maladies contagieuses (the contagious diseases prevention act).

      Depuis cette époque, le parti libéral en a demandé le rappel; 10 députés seulement sur 26 représentants des villes, soumises à ce régime, en ont demandé le maintien, énergiquement combattu par MM. Williams Fowles, Bright, Gladstone, Mandella, Stainfeld, Childen, S. Bourcourt, Johnston, madame Joséphine Butler de Liverpool, madame Venturi, ont remis au Parlement des pétitions, couvertes de dix-neuf cent soixante-huit mille trois cent soixante-dix-neuf signatures, réclamant l'abrogation d'un acte aussi contraire à la liberté et à la légalité. A Paris même, madame Chapman a, dans le même but, organisé une société, rue de Rivoli, 217.

      IX

      LA POLICE DES MŒURS. – SON ACTION. – SES RÈGLEMENTS.

      On sait quelles critiques sont journellement dirigées contre la police des mœurs, ses agents, et leur façon d'opérer; on sait quelle ardente campagne est menée à ce sujet, dans bon nombre de journaux; mais ce qui est généralement ignoré, ce sont les recommandations si sages, insérées dans le règlement arrêté le 15 octobre 1878 par M. Al. Gigot, alors préfet de police.

      Ces instructions, courtes et simples, visent la prostitution clandestine et les filles insoumises, la prostitution tolérée et les filles inscrites, et contiennent quelques dispositions particulières sur les outrages publics à la pudeur, le service administratif et le service médical.

      Les inspecteurs à qui une maison est signalée, comme lieu clandestin de prostituées, en préviennent le chef de la police municipale; celui-ci, après enquête, fait donner, par le chef de la première division, un mandat de perquisition, en vertu duquel on peut, avec l'assistance du commissaire de police, visiter, de jour ou de nuit, l'établissement suspecté.

      Si quelque fille, ayant obtenu l'autorisation de loger en garni, est trouvée faisant commerce de prostitution, dans le garni qu'elle habite, elle peut être arrêtée, car l'autorisation obtenue par elle n'a d'autre but que de lui fournir un asile; mais elle éviterait cette conséquence si elle était trouvée avec un individu, la gardant comme concubine, chose facile à établir par le relevé du registre de police.

      Il est rappelé que les cabarets et lieux connus pour favoriser la débauche clandestine peuvent être visités par les commissaires de police, sans mandat, jusqu'à l'heure de leur fermeture, et même après, dans le cas où les portes ne seraient pas fermées à l'heure ordonnée.

      On recommande aux agents, pour ce qui regarde les filles insoumises, leur surveillance et leur arrestation, une prudence excessive. Il est dit qu'on ne les doit emmener qu'après la constation de faits précis et multipliés de provocation à la débauche, à moins qu'il n'y ait aveu de la fille ou de l'homme, trouvé avec elle, et que les agents ne doivent pas user de subterfuges et de provocations.

      Dès qu'une fille est arrêtée, un rapport doit être dressé par les inspecteurs, qui ont à vérifier immédiatement si l'adresse indiquée est bien celle de la demeure réelle; il faut en effet se livrer aux recherches nécessaires pour constater des faits habituels de débauche publique, un fait de débauche privée n'est jamais suffisant pour permettre l'arrestation de celle qui s'y livre.

      C'est ainsi qu'une femme, trouvée dans un garni avec un homme, n'encourt point une arrestation, quand elle est en relation habituelle avec celui qui l'accompagne, à plus forte raison quand il n'y a pas un commerce de prostitution, moyennant argent, il est ordonné de ne point se saisir de la femme; de même quand elle est trouvée seule, quelque soit le lieu de la découverte.

      Les commissaires de police ont à décider si l'arrestation doit être maintenue, et ce, après avoir entendu les agents et la personne arrêtée; procès-verbal est dressé sur formules imprimées.

      Les inspecteurs doivent exercer une surveillance journalière sur les maisons de tolérance, et veiller à ce que les obligations imposées soient rigoureusement observées. Pour les filles inscrites, il est permis d'exiger la représentation de leur carte, afin de s'assurer de leur exactitude à la visite; mais les agents doivent avoir le soin, quand ils ne trouvent pas au domicile indiqué une fille qu'ils sont chargés de prendre, de ne point laisser trace de leur recherche.

      Sur les filles disparues une grande circonspection est nécessaire; aussi faut-il se borner à faire connaître, dans un rapport spécial, la situation nouvelle de ces femmes, quand elles ont pris un autre genre de vie, et qu'elles se sont remises au travail; on ramène au bureau administratif celles qui n'ont point renoncé à la débauche.

      Quant aux filles arrêtées, quand elles ne peuvent être dirigées sur la Préfecture de police, on les conduit dans les postes, d'où elles sont transférées au Dépôt.

      Ce ne sera point seulement pour la recherche et la surveillance des prostituées que les agents des mœurs ont des fonctions à exercer; on leur rappelle que le cas de sodomie, consommé ou tenté dans un lieu public, constitue un outrage public à la pudeur, devant lequel ils ne sont point désarmés; on leur renouvelle la recommandation de ne point agir par voie de provocation.

      Les instructions, données sous la rubrique du service administratif, portent sur l'examen des pièces,


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Voir: Lettre de M. Yves Guyot sur la Police des mœurs du 31 mars 1879. —Actes du congrès de Genève, 17-22 septembre 1877. —De la prostitution, par Parent-Duchatelet, annoté par Tribuchet et Poirat-Duval. – Lecour, La prostitution à Paris et à Londres. —La prostitution dans les grandes villes, par le docteur Jeannel. —Les ouvriers en Europe, par M. Le Play, conseiller d'État (1867). —Le monde des coquins, par Moreau. – Christophe, Les mœurs de Paris.