L'éclaireur. Aimard Gustave. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Aimard Gustave
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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s'écria Bon-Affût, elle n'est pas morte! Cet oncle le sait donc, c'est donc de son consentement que la pauvre créature a été enterrée vive! Mais si cela est, il y a là-dessous une odieuse machination.

      – Ma foi, puisqu'il faut vous l'avouer, j'en ai peur! dit le Canadien d'une voix peu assurée; cependant cet homme m'a rendu un grand service, je n'ai aucune preuve à l'appui de mes soupçons, et…

      Bon-Affût se leva, et se plaçant en face du chasseur:

      – Balle-Franche, lui dit-il d'une voix sévère, nous sommes compatriotes, nous nous aimons comme deux frères; pendant de longues années nous avons dormi côte à côte dans la Prairie, partageant entre nous la bonne et la mauvaise fortune, nous sauvant cent fois la vie l'un à l'autre, soit dans nos luttes contre les bêtes fauves, soit dans nos combats contre les Indiens; est-ce vrai?

      – C'est vrai, Bon-Affût, c'est vrai, et celui qui dirait le contraire en aurait menti! répondit le chasseur avec émotion.

      – Mon ami, mon frère, un grand crime a été commis ou est sur le point de se commettre; prenons garde, veillons, veillons avec soin; qui sait, si nous ne sommes pas les instruments choisis par la Providence pour démasquer les coupables et faire triompher les innocents! Ce don José, m'avez-vous dit désire que je me joigne à vous, fort bien, j'accepte; vous, Ruperto et moi, nous allons nous rendre au gué del Rubio, et croyez-moi, mon ami, maintenant que je suis averti, quel que soit le coupable, je le découvrirai.

      – J'aime mieux qu'il en soit ainsi, répondit naïvement le chasseur. J'avoue que la position étrange dans laquelle je me trouvais me pesait singulièrement. Je ne suis qu'un pauvre chasseur, moi, qui ne comprend rien à toutes ces infamies des villes.

      – Vous êtes un homme honnête dont le cœur est juste et l'esprit droit; mais le temps se passe; maintenant que nous sommes convenus de nos faits et que nous nous entendons, je crois que nous ferons bien de nous mettre en route.

      – Je partirai quand vous le voudrez.

      – Un instant encore. Pouvez-vous pendant quelque temps vous passer de Ruperto?

      – Parfaitement.

      – De quoi s'agit-il? demanda celui-ci.

      – D'un service à me rendre.

      – Parlez, Bon-Affût, je suis prêt.

      – Nul ne peut prévoir l'avenir: peut-être dans quelques jours aurons-nous besoin d'alliés sur lesquels il nous soit possible de compter; ces alliés, le chef ici présent nous les donnera quand nous les lui demanderons; accompagnez-le dans son village, puis, dès qu'il y sera arrivé, quittez-le et prenez notre piste, sans cependant nous rejoindre positivement, mais seulement de façon que, si besoin était, nous sachions où vous rencontrer.

      – J'ai compris, dit laconiquement le chasseur en se levant; soyez tranquille.

      Bon-Affût, se tourna alors vers l'Aigle-Volant et lui expliqua ce qu'il attendait de lui.

      – Mon frère a sauvé l'Églantine, répondit noblement le chef; l'Aigle-Volant est un sachem dans sa tribu; deux cent guerriers suivront le sentier de la guerre au premier signe de mon père; les Comanches sont des hommes, les paroles que soufflent leurs poitrines viennent de leur cœur.

      – Merci, chef, répondit Bon-Affût, en serrant chaleureusement la main que lui tendait le peau-rouge; que le Wacondah veille sur vous pendant votre voyage!

      Après avoir mangé en hâte un morceau de venaison cuite sur les charbons du foyer, et bu un trago de pulque, dont, suivant l'habitude de sa nation, la seule qui ne boive pas de liqueur forte, le Comanche s'abstint de prendre sa part, les quatre hommes se séparèrent, Ruperto, l'Aigle-Volant et l'Églantine, s'enfonçant dans la Prairie, dans la direction de l'ouest, tandis que Balle-Franche et Bon-Affût, obliquant un peu à gauche, se dirigeaient, au contraire, vers l'Est, afin de gagner le gué del Rubio, où le second était attendu.

      – Hum! observa Balle-Franche en jetant son rifle sous le bras gauche et se mettant en marche de ce pas élastique particulier aux coureurs des bois, nous nous sommes taillé une rude besogne.

      – Qui sait, mon ami? répondit Bon-Affût d'un ton soucieux. Dans tous les cas, il nous faut découvrir la vérité.

      – C'est aussi mon avis.

      – Il y a une chose que je veux savoir avant tout.

      – Laquelle?

      – Ce que renferme le palanquin si bien fermé de don Miguel.

      – Pardieu! Une femme, sans doute.

      – Qui vous l'a dit?

      – Personne, mais je le présume.

      – Ne préjugeons de rien, mon ami; avec le temps tout s'éclaircira.

      – Dieu le veuille!

      – Dieu voit tout et sait tout, mon ami. Croyez bien que, s'il lui a plu de faire germer au fond de nos cœurs les soupçons qui nous tourmentent en ce moment, c'est que, ainsi que je vous le disais, il y a un instant, il veut faire de nous les instruments de sa justice.

      – Que sa volonté soit faite! répondit Balle-Franche en ôtant pieusement son bonnet; je suis prêt à obéir à tout ce qu'il ordonnera de moi.

      Après cet échange mutuel de pensées, les chasseurs, qui jusqu'à ce moment avaient marché côte à côte, prirent la file indienne, à cause des difficultés du chemin, c'est-à-dire qu'ils ne s'avancèrent plus qu'à la suite l'un de l'autre.

      Arrivés dans les hautes herbes, après être sortis de la forêt, ils s'arrêtèrent un instant pour s'orienter.

      – Il est tard, observa Bon-Affût.

      – Oui, il est près de midi; suivez-moi, nous aurons bientôt rattrapé le temps perdu.

      – Comment cela?

      – Au lieu de marcher, ne seriez-vous pas d'avis de faire la route à cheval?

      – Oui, si nous avions des chevaux?

      – Voilà justement ce que je veux vous procurer.

      – Vous avez des chevaux?

      – J'ai laissé cette nuit, ici aux environs, mon cheval et celui de Ruperto, pour aller au rendez-vous que m'avait assigné don José, rendez-vous auquel j'étais forcé d'aller dans une pirogue.

      – Eh! Eh! Ces braves bêtes arrivent bien; pour ma part je suis rompu, je vous l'avoue; voici longtemps déjà que je chemine à pied à travers la Prairie, mes jambes commencent à ne plus vouloir me porter.

      – Venez par ici, nous ne tarderons pas à les voir.

      En effet, les chasseurs n'eurent pas fait trois cents pas dans la direction marquée par Balle-Franche, qu'ils aperçurent les chevaux occupés à brouter tranquillement les pois grimpants et les jeunes pousses des arbres. Les nobles bêtes, en entendant le sifflet d'appel, relevèrent leur tête fine et intelligente, et accoururent vers les chasseurs en hennissant de plaisir. Ainsi que c'est l'habitude dans la Prairie, ils étaient sellés; seulement leur bozal était suspendu à leur cou. Les chasseurs les bridèrent, sautèrent sur leur dos et se remirent en route.

      – Maintenant que nous avons chacun un bon cheval entre les jambes nous sommes certains d'arriver à temps, observa Bon-Affût; ainsi, il est inutile de nous presser nous pouvons causer à notre aise: dites-moi, Balle-Franche, avez-vous vu déjà don Miguel Ortega?

      – Jamais, je l'avoue.

      – Ainsi, vous ne le connaissez pas?

      – Si je dois m'en rapporter à don José, c'est un scélérat; quant à moi, n'ayant jamais eu de rapports avec lui, je serais fort embarrassé d'avoir sur son compte une opinion bonne ou mauvaise.

      – Moi, c'est différent, je le connais.

      – Ah!

      – Parfaitement.

      – Depuis longtemps?

      – Depuis