La comédie de la mort. Theophile Gautier. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Theophile Gautier
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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aurait embelli, dans une urne dorée,

      L’autel de notre coeur.

      Elle aurait parfumé, cette humble paquerette

      Dont sous l’herbe ton pied a fait ployer la tête,

      Notre pâle printemps;

      Nous l’aurions recueillie, et de nos pleurs trempée,

      Cette étoile aux yeux bleus, dans le bal échappée

      A tes doigts inconstants.

      Adorables frissons de l’amoureuse fièvre,

      Ramiers qui descendez du ciel sur une lèvre,

      Baisers âcres et doux,

      Chutes du dernier voile, et vous cascades blondes,

      Cheveux d’or, inondant un dos brun de vos ondes

      Quand vous connaîtrons-nous?

      Enfant, je les connais tous ces plaisirs qu’on rêve;

      Autour du tronc fatal l’antique serpent d’Ève

      Ne s’est pas mieux tordu.

      Aux yeux mortels, jamais dragon à tête d’homme

      N’a d’un plus vif éclat fait reluire la pomme

      De l’arbre défendu.

      Souvent, comme des nids de fauvettes farouches,

      Tout prêts à s’envoler, j’ai surpris sur des bouches

      Des nids d’aveux tremblants,

      J’ai serré dans mes bras de ravissants fantômes,

      Bien des vierges en fleur m’ont versé les purs baumes

      De leurs calices blancs.

      Pour en avoir le mot, courtisanes rusées,

      J’ai pressé, sous le fard, vos lèvres plus usées

      Que le grès des chemins.

      Égouts impurs, où vont tous les ruisseaux du monde,

      J’ai plongé sous vos flots; et toi, débauche immonde,

      J’ai vu tes lendemains.

      J’ai vu les plus purs fronts rouler après l’orgie

      Parmi les flots de vin, sur la nappe rougie;

      J’ai vu les fins de bal

      Et la sueur des bras, et la pâleur des têtes

      Plus mornes que la mort sous leurs boucles défaites

      Au soleil matinal.

      Comme un mineur qui suit une veine inféconde,

      J’ai fouillé nuit et jour l’existence profonde

      Sans trouver le filon.

      J’ai demandé la vie à l’amour qui la donne,

      Mais vainement; je n’ai jamais aimé personne

      Ayant au monde un nom.

      J’ai brûlé plus d’un coeur dont j’ai foulé la cendre,

      Mais je restai toujours comme la Salamandre,

      Froid au milieu du feu.

      J’avais un idéal frais comme la rosée,

      Une vision d’or, une opale irisée

      Par le regard de Dieu;

      Femme, comme jamais sculpteur n’en a pétrie,

      Type réunissant Cléopâtre et Marie,

      Grâce, pudeur, beauté;

      Une rose mystique, où nul ver ne se cache,

      Les ardeurs du volcan et la neige sans tache

      De la virginité!

      Au carrefour douteux, Y grec de Pythagore,

      J’ai pris la branche gauche et je chemine encore

      Sans arriver jamais.

      Trompeuse volupté, c’est toi que j’ai suivie,

      Et peut-être, ô vertu! l’énigme de la vie;

      C’est toi qui la savais.

      Que n’ai-je, comme Faust, dans ma cellule sombre,

      Contemplé sur le mur la tremblante penombre

      Du microcosme d’or!

      Que n’ai-je, feuilletant cabales et grimoires,

      Auprès de mon fourneau, passé les heures noires

      A chercher le trésor!

      J’avais la tête forte, et j’aurais lu ton livre

      Et bu ton vin amer, Science, sans être ivre

      Comme un jeune écolier.

      J’aurais contraint Isis à relever son voile;

      Et du plus haut des cieux fait descendre l’étoile

      Dans mon noir atelier.

      N’écoutez pas l’amour car c’est un mauvais maître;

      Aimer, c’est ignorer, et vivre c’est connaître.

      Apprenez, apprenez;

      Jetez et rejetez à toute heure la sonde;

      Et plongez plus avant sous cette mer profonde

      Que n’ont fait vos aînés.

      Laissez Léviathan souffler par ses narines,

      Laissez le poids des mers au fond de vos poitrines

      Presser votre poumon.

      Fouillez les noirs écueils qu’on n’a pu reconnaître,

      Et dans son coffre d’or vous trouverez peut-être

      L’anneau de Salomon!

VIII

      Ainsi parla don Juan, et sous la froide voûte,

      Las, mais voulant aller jusqu’au bout de la route,

      Je repris mon chemin.

      Enfin je débouchai dans une plaine morne

      Qu’un ciel en feu fermait à l’horizon sans borne,

      D’un cercle de carmin.

      Le sol de cette plaine était d’un blanc d’ivoire,

      Un fleuve la coupait comme un ruban de moire

      Du rouge le plus vif.

      Tout était ras; ni bois, ni clocher, ni tourelle,

      Et le vent ennuyé la balayait de l’aile

      Avec un ton plaintif.

      J’imaginai d’abord que cette étrange teinte,

      Cette couleur de sang dont cette onde était peinte,

      N’était qu’un vain reflet;

      Que la craie et le tuf formaient ce blanc d’ivoire,

      Mais je vis que c’était (me penchant pour y boire)

      Du vrai sang qui coulait.

      Je vis que d’os blanchis la terre était couverte,

      Froide neige de morts, où nulle plante verte,

      Nulle fleur ne germait;

      Que ce sol n’était fait que de poussière d’homme,

      Et qu’un peuple à remplir Thèbes, Palmyre et Rome

      Était là qui dormait.

      Une ombre, dos voûté, front penché, dans la brise

      Passa. C’était bien LUI, la redingote grise

      Et le petit chapeau.

      Un aigle d’or planait sur sa tête sacrée,

      Cherchant, pour s’y poser, inquiète effarée,

      Un bâton