La comédie de la mort. Theophile Gautier. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Theophile Gautier
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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des douleurs infinies

      Que l’on n’aperçoit pas.

      Il est plus d’une croix au calvaire de l’âme

      Sans l’auréole d’or, et sans la blanche femme

      Echevelée au bas.

      Toute âme est un sépulcre où gisent mille choses;

      Des cadavres hideux dans des figures roses

      Dorment ensevelis.

      On retrouve toujours les larmes sous le rire,

      Les morts sous les vivants, et l’homme est à vrai dire

      Une Nécropolis.

      Les tombeaux déterrés des vieilles cités mortes,

      Les chambres et les puits de la Thèbe aux cent portes

      Ne sont pas si peuplés,

      On n’y rencontre pas de plus affreux squelettes,

      Un plus vaste fouillis d’ossements et de têtes

      Aux ruines mêlés.

      L’on en voit qui n’ont pas d’épitaphe à leurs tombes,

      Et de leurs trépassés font comme aux catacombes

      Un grand entassement;

      Dont le coeur est un champ uni, sans croix ni pierres,

      Et que l’aveugle Mort de diverses poussières

      Remplit confusément.

      D’autres, moins oublieux, ont des caves funèbres

      Où sont rangés leurs morts, comme celles des Guèbres

      Ou des Égyptiens;

      Tout autour de leur coeur sont debout les momies,

      Et l’on y reconnaît les figures blêmies

      De leurs amours anciens.

      Dans un pur souvenir chastement embaumée

      Ils gardent au fond d’eux l’âme qu’ils ont aimée;

      Triste et charmant trésor!

      La mort habite en eux au milieu de la vie;

      Ils s’en vont poursuivant la chère ombre ravie

      Qui leur sourit encor.

      Où ne trouve-t-on pas, en fouillant, un squelette?

      Quel foyer réunit la famille complète

      En cercle chaque soir?

      Et quel seuil, si riant et si beau qu’il puisse être,

      Pour ne pas revenir n’a vu sortir le maître

      Avec un manteau noir?

      Cette petite fleur, qui, toute réjouie,

      Fait baiser au soleil sa bouche épanouie,

      Est fille de la mort.

      En plongeant sous le sol, peut-être sa racine,

      Dans quelque cendre chère a pris l’odeur divine

      Qui vous charme si fort.

      O fiancés d’hier, encore amants, l’alcôve

      Où nichent vos amours, à quelque vieillard chauve

      A servi comme à vous;

      Avant vos doux soupirs elle a redit son râle,

      Et son souvenir mêle une odeur sépulcrale

      A vos parfums d’époux!

      Où donc poser le pied qu’on ne foule une tombe?

      Ah! lorsque l’on prendrait son aile à la colombe,

      Ses pieds au daim léger;

      Qu’on irait demander au poisson sa nageoire,

      On trouvera partout l’hôtesse blanche et noire

      Prête à vous héberger.

      Cessez donc, cessez donc, ô vous, les jeunes mères

      Berçant vos fils aux bras des riantes chimères,

      De leur rêver un sort;

      Filez-leur un suaire avec le lin des langes.

      Vos fils, fussent-ils purs et beaux comme les anges,

      Sont condamnés à mort!

V

      A travers les soupirs les plaintes et le râle

      Poursuivons jusqu’au bout la funèbre spirale

      De ses détours maudits.

      Notre guide n’est pas Virgile le poëte,

      La Béatrix vers nous ne penche pas la tête

      Du fond du paradis.

      Pour guide nous avons une vierge au teint pâle

      Qui jamais ne reçut le baiser d’or du hâle

      Des lèvres du soleil.

      Sa joue est sans couleur et sa bouche bleuâtre,

      Le bouton de sa gorge est blanc comme l’albâtre

      Au lieu d’être vermeil.

      Un souffle fait plier sa taille délicate,

      Ses bras, plus transparents que le jaspe ou l’agate,

      Pendent languissamment;

      Sa main laisse échapper une fleur qui se fane,

      Et, ployée à son dos, son aile diaphane

      Reste sans mouvement.

      Plus sombres que la nuit, plus fixes que la pierre,

      Sous leur sourcil d’ébène et leur longue paupière

      Luisent ses deux grands yeux,

      Comme l’eau du Léthé qui va muette et noire,

      Ses cheveux débordés baignent sa chair d’ivoire

      A flots silencieux.

      Des feuilles de ciguë avec des violettes

      Se mêlent sur son front aux blanches bandelettes,

      Chaste et simple ornement;

      Quant au reste, elle est nue, et l’on rit et l’on tremble

      En la voyant venir; car elle a tout ensemble

      L’air sinistre et charmant.

      Quoiqu’elle ait mis le pied dans tous les lits du monde

      Sous sa blanche couronne elle reste inféconde

      Depuis l’éternité.

      L’ardent baiser s’éteint sur la lèvre fatale

      Et personne n’a pu cueillir la rose pâle

      De sa virginité.

      C’est par elle qu’on pleure et qu’on se désespère:

      C’est elle qui ravit au giron de la mère

      Son doux et cher souci;

      C’est elle qui s’en va se coucher, la jalouse,

      Entre les deux amants, et qui veut qu’on l’épouse

      A son tour elle aussi.

      Elle est amère et douce, elle est méchante et bonne;

      Sur chaque front illustre elle met la couronne

      Sans peur ni passion.

      Amère aux gens heureux et douce aux misérables,

      C’est la seule qui donne aux grands inconsolables

      Leur consolation.

      Elle prête des lits à ceux qui, sur le monde,

      Comme le Juif errant, font nuit et jour leur ronde

      Et n’ont jamais dormi.

      A tous les parias elle ouvre son auberge,

      Et reçoit aussi bien la Phryné