La reine Margot. Alexandre Dumas. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Alexandre Dumas
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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que je sais cela, moi? répondit Charles IX en écrasant le misérable de son regard dédaigneux.

      – Je le demanderai donc à M. de Guise, balbutia Maurevel. Le roi haussa les épaules.

      – Ne demandez rien, dit-il; M. de Guise ne répondrait pas. Est-ce qu’on répond à ces choses-là? C’est à ceux qui ne veulent pas être pendus à deviner.

      – Mais enfin à quoi le reconnaîtrai-je?

      – Je vous ai dit que tous les matins à dix heures il passait devant la fenêtre du chanoine.

      – Mais beaucoup passent devant cette fenêtre. Que Votre Majesté daigne seulement m’indiquer un signe quelconque.

      – Oh! c’est bien facile. Demain, par exemple, il tiendra sous son bras un portefeuille de maroquin rouge.

      – Sire, il suffit.

      – Vous avez toujours ce cheval que vous a donné M. de Mouy, et qui court si bien?

      – Sire, j’ai un barbe des plus vites.

      – Oh! je ne suis pas en peine de vous! seulement il est bon que vous sachiez que le cloître a une porte de derrière.

      – Merci, Sire. Maintenant priez Dieu pour moi.

      – Eh! mille démons! priez le diable bien plutôt; car ce n’est que par sa protection que vous pouvez éviter la corde.

      – Adieu, Sire.

      – Adieu. Ah! à propos, monsieur de Maurevel, vous savez que si d’une façon quelconque on entend parler de vous demain avant dix heures du matin, ou si l’on n’en entend pas parler après, il y a une oubliette au Louvre!

      Et Charles IX se remit à siffler tranquillement et plus juste que jamais son air favori.

      IV. La soirée du 24 août 1572

      Notre lecteur n’a pas oublié que dans le chapitre précédent il a été question d’un gentilhomme nommé La Mole, attendu avec quelque impatience par Henri de Navarre. Ce jeune gentilhomme, comme l’avait annoncé l’amiral, entrait à Paris par la porte Saint-Marcel vers la fin de la journée du 24 août 1572, et jetant un regard assez dédaigneux sur les nombreuses hôtelleries qui étalaient à sa droite et à sa gauche leurs pittoresques enseignes, laissa pénétrer son cheval tout fumant jusqu’au cœur de la ville, où, après avoir traversé la place Maubert, le Petit-Pont, le pont Notre-Dame, et longé les quais, il s’arrêta au bout de la rue de Bresec, dont nous avons fait depuis la rue de l’Arbre-Sec, et à laquelle, pour la plus grande facilité de nos lecteurs, nous conserverons son nom moderne.

      Le nom lui plut sans doute, car il y entra, et comme à sa gauche une magnifique plaque de tôle grinçant sur sa tringle, avec accompagnement de sonnettes, appelait son attention, il fit une seconde halte pour lire ces mots: À la Belle-Étoile, écrits en légende sous une peinture qui représentait le simulacre le plus flatteur pour un voyageur affamé: c’était une volaille rôtissant au milieu d’un ciel noir, tandis qu’un homme à manteau rouge tendait vers cet astre d’une nouvelle espèce ses bras, sa bourse et ses vœux.

      – Voilà, se dit le gentilhomme, une auberge qui s’annonce bien, et l’hôte qui la tient doit être, sur mon âme, un ingénieux compère. J’ai toujours entendu dire que la rue de l’Arbre-Sec était dans le quartier du Louvre; et pour peu que l’établissement réponde à l’enseigne, je serai à merveille ici.

      Pendant que le nouveau venu se débitait à lui-même ce monologue, un autre cavalier, entré par l’autre bout de la rue, c’est-à-dire par la rue Saint-Honoré, s’arrêtait et demeurait aussi en extase devant l’enseigne de la Belle-Étoile.

      Celui des deux que nous connaissons, de nom du moins, montait un cheval blanc de race espagnole, et était vêtu d’un pourpoint noir, garni de jais. Son manteau était de velours violet foncé: il portait des bottes de cuir noir, une épée à poignée de fer ciselé, et un poignard pareil. Maintenant, si nous passons de son costume à son visage, nous dirons que c’était un homme de vingt-quatre à vingt-cinq ans, au teint basané, aux yeux bleus, à la fine moustache, aux dents éclatantes, qui semblaient éclairer sa figure lorsque s’ouvrait, pour sourire d’un sourire doux et mélancolique, une bouche d’une forme exquise et de la plus parfaite distinction.

      Quant au second voyageur, il formait avec le premier venu un contraste complet. Sous son chapeau, à bords retroussés, apparaissaient, riches et crépus, des cheveux plutôt roux que blonds; sous ses cheveux, un œil gris brillait à la moindre contrariété d’un feu si resplendissant, qu’on eût dit alors un œil noir.

      Le reste du visage se composait d’un teint rosé, d’une lèvre mince, surmontée d’une moustache fauve et de dents admirables. C’était en somme, avec sa peau blanche, sa haute taille et ses larges épaules, un fort beau cavalier dans l’acception ordinaire du mot, et depuis une heure qu’il levait le nez vers toutes les fenêtres, sous le prétexte d’y chercher des enseignes, les femmes l’avaient fort regardé; quant aux hommes, qui avaient peut-être éprouvé quelque envie de rire en voyant son manteau étriqué, ses chausses collantes et ses bottes d’une forme antique, ils avaient achevé ce rire commencé par un Dieu vous garde! des plus gracieux, à l’examen de cette physionomie qui prenait en une minute dix expressions différentes, sauf toutefois l’expression bienveillante qui caractérise toujours la figure du provincial embarrassé.

      Ce fut lui qui s’adressa le premier à l’autre gentilhomme qui, ainsi que nous l’avons dit, regardait l’hôtellerie de la Belle-Étoile.

      – Mordi! monsieur, dit-il avec cet horrible accent de la montagne qui ferait au premier mot reconnaître un Piémontais entre cent étrangers, ne sommes-nous pas ici près du Louvre? En tout cas, je crois que vous avez eu même goût que moi: c’est flatteur pour ma seigneurie.

      – Monsieur, répondit l’autre avec un accent provençal qui ne le cédait en rien à l’accent piémontais de son compagnon, je crois en effet que cette hôtellerie est près du Louvre. Cependant, je me demande encore si j’aurai l’honneur d’avoir été de votre avis. Je me consulte.

      – Vous n’êtes pas décidé, monsieur? la maison est flatteuse, pourtant. Après cela, peut-être me suis-je laissé tenter par votre présence. Avouez néanmoins que voilà une jolie peinture?

      – Oh! sans doute; mais c’est justement ce qui me fait douter de la réalité: Paris est plein de pipeurs, m’a-t-on dit, et l’on pipe avec une enseigne aussi bien qu’avec autre chose.

      – Mordi! monsieur, reprit le Piémontais, je ne m’inquiète pas de la piperie, moi, et si l’hôte me fournit une volaille moins bien rôtie que celle de son enseigne, je le mets à la broche lui-même et je ne le quitte pas qu’il ne soit convenablement rissolé. Entrons, monsieur.

      – Vous achevez de me décider, dit le Provençal en riant; montrez-moi donc le chemin, monsieur, je vous prie.

      – Oh! monsieur, sur mon âme, je n’en ferai rien, car je ne suis que votre humble serviteur, le comte Annibal de Coconnas.

      – Et moi, monsieur, je ne suis que le comte Joseph-Hyacinthe-Boniface de Lerac de la Mole, tout à votre service.

      – En ce cas, monsieur, prenons-nous par le bras et entrons ensemble.

      Le résultat de cette proposition conciliatrice fut que les deux jeunes gens qui descendirent de leurs chevaux en jetèrent la bride aux mains d’un palefrenier, se prirent par le bras, et, ajustant leurs épées, se dirigèrent vers la porte de l’hôtellerie, sur le seuil de laquelle se tenait l’hôte. Mais, contre l’habitude de ces sortes de gens, le digne propriétaire n’avait paru faire aucune attention à eux, occupé qu’il était de conférer très attentivement avec un grand gaillard sec et jaune enfoui dans un manteau couleur d’amadou, comme un hibou sous ses plumes.

      Les deux gentilshommes étaient arrivés si près de l’hôte et de l’homme au manteau amadou avec lequel il causait, que Coconnas,