Tout souriant, il essaya de sortir le téléphone de sa poche de jeans, mais, comme le plus souvent, il ne fut pas assez rapide. Il avait essayé malgré tout d'appuyer dans sa poche sur la touche verte pour décrocher comme pour signaler à son interlocuteur qu'il était bien là où pour le stimuler à le rappeler. Mais tout était déjà redevenu silencieux. Il jura à haute voix et était tellement énervé, car il venait certainement de laisser passer une belle opportunité de gagner un peu d'argent. Maintenant, il allait devoir marcher sous cette chaleur écrasante, sans être certain de pouvoir rencontrer une femme.
Wadjo, qui avait tout observé depuis le Cybercafé, se moqua de lui : — Johnny Waka, ainsi va la vie, Dieu n'oublie pas ses enfants, haha, haha !
Johnny l'ignora et regarda son mobile afin de voir qui l'avait appelé. Son pouls s'accéléra et il fit un signe de croix.
— Que se passe-t-il, J.W. ? Demanda Wadjo.
Très content, Johnny se retourna vers lui et dit simplement : — Tu as raison, Dieu n'oublie vraiment pas ses enfants ! Il s'en alla donc de bonne humeur vers Bonanjo.
En chemin, il se demanda ce qu'il aurait fait s'il avait décroché le téléphone. Nicole était bien la dernière personne qu'il souhaitait voir aujourd'hui. Il était bel et bien un enfant béni, se dit-il. Il était vraiment heureux de ne pas avoir réussi à sortir assez vite le téléphone de sa poche. Aujourd'hui, il ne devait pas voir Nicole. Il devait tout d'abord trouver de l'argent, puis payer la facture, et enfin, ramener un petit cadeau à Rita pour se faire pardonner.
Rita était réellement une femme adorable, patiente, maternelle, mais elle avait une très forte personnalité. Les hommes étaient toujours incertains quand ils se trouvaient à ses côtés. Mais elle faisait tellement de bien à Johnny, et surtout elle était toujours là pour l’épauler.
Johnny Walker changea de trottoir afin de pouvoir marcher à l'ombre des arbres. Il était trempé de sueur ; sous sa chemise qui lui collait à la peau, on pouvait deviner son corps musclé. J.W. aimait prendre soin de son corps et faisait régulièrement du sport. Il était conscient que son corps était son gagne-pain. Un capital qu'il devait bien entretenir afin de bénéficier des intérêts. C'était exactement ce qu'il avait compris sur internet aujourd'hui. Dommage que Rita n'eût rien voulu entendre.
Tout d'un coup, un taxi moto freina juste devant lui, sans prévenir, avec trois passagers sur la moto. Johnny Walker réussit à l'esquiver de peu et tomba sur le sol sableux. Il se retrouva dans un état pitoyable. Sa chemise blanche était toute tachée de rouge. Son jean était déchiré au niveau de l'entrejambe. « Il ne me manquait plus que ça ! », pesta-t-il à haute voix.
Le motard ne ralentit même pas, il dérapa à gauche, à droite, plusieurs fois de suite et réussit à reprendre à temps le contrôle de l’engin alors qu'un bus bondé sortait de ce côté-là. Il entendit juste le son de la voix du conducteur, qui avait dit quelque chose du genre : « Et connard, veux-tu me vendre ? Cherche-toi quelqu'un d'autre, imbécile ! » Vendre quelqu'un au Cameroun, signifie sacrifier une personne pour devenir riche ou puissant.
Toute la scène était incroyable. Le motard était en tort, il risquait sa vie et celles de ses passagers, mais c'était lui qui se plaignait. Aucune remise en question. La moto était déjà loin. « Typique pour le Cameroun », dit Johnny. « Que vaut la vie d'un homme ici ? Ils conduisent comme s'ils étaient immortels ».
Il se releva, regarda à quoi il ressemblait et comme à son habitude, il rigola à nouveau. Il avait un plan pour expliquer aux femmes qui pourraient le voir dans cet état, la raison de sa tenue misérable. Une situation qui semblait si difficile aux yeux de n'importe qui, n'était qu'une belle opportunité pour Johnny Walker de se mettre encore en avant.
Il continua donc son chemin, avec toute sa dignité. Juste avant d'arriver dans la rue où se trouvaient les bistros et les bars, son téléphone sonna à nouveau. Il hésita et réfléchit rapidement. Qui pouvait bien l'appeler ? Il espérait que ce ne soit pas Nicole. De toute façon, il n'allait pas décrocher son appel. « Cette Nicole commence lentement à m'énerver », dit-il, sachant pertinemment qu'il était en tort si la situation entre eux était ainsi.
Il ne pouvait pas se passer de Nicole et de son magnifique corps, si sensuel (rien que le fait de penser à elle lui provoquait une superbe érection).
Le problème était qu'il s'était présenté à Nicole comme un riche New Yorkais. Il s'était présenté comme Johnny Fuck Me Walker. Cela sonnait tellement américain. Il prétendait n'être là que pour passer quelques semaines de vacances et en profiter pour acheter quelques biens immobiliers.
Maintenant, Nicole pensait avoir tiré le gros lot. « Il n'est pas seulement mon visa pour l'Amérique et un homme riche, non, en plus, c'est un Africain, un Camerounais. Oui, un homme comme lui, on peut l'aimer, et il le faut », racontait-elle partout.
Sa chance était parfaite. Du moins, le pensait-elle. Une vilaine surprise l'attendait. Mais tout ce récit dramatique sera développé dans un autre livre : « Johnny Fuck Me Walker, le riche New Yorkais et mon prince rencontré sur internet en Afrique ».
La personne qui appelait n'avait pas envie d'abandonner si vite. Après plusieurs appels, il se décida à savoir de qui il s'agissait. Son cœur se mit à battre plus vite, un énorme sourire illumina son visage.
— Allô, ma chérie, mon amour de tous les jours, entendit-il dire.
— Où es-tu ?
— Je t’aime à en mourir, sans toi que deviendrait ma vie ? Je pense à toi sans cesse, alors je me suis mis en route en espérant te voir à Dubaï.
— … C’est vrai je te dis, mon miel, et en marchant avec ton image qui me fait perdre la tête, oubliant que j’étais sur une route, une moto m’a renversé. Viens vite, je suis assis au bord de la route et je t’attends, je n’en peux plus. Pourquoi dois-je autant souffrir ? Dois-je souffrir autant par amour pour toi ?
Sa gestuelle et ses mimiques représentaient exactement ce qu'il disait. Par exemple, lorsqu'il dit qu'il était assis au sol, il le fit également et s'assit au sol.
Mais comme nous l'avons déjà dit, Johnny Walker était maître dans l'art de planifier, même dans des situations où beaucoup auraient perdu leur patience. Son plan allait bientôt débuter. Il savait très bien qu'Amina allait accourir rapidement. Ses mots avaient fait leur effet. Il en était certain.
Ce n'est pas comme si les Camerounaises ne savaient pas que ces magnifiques mots, ces poèmes d'amour, n'étaient que des jeux. Elles le savent et elles aiment ça. Elles font la même chose. Sur le moment, on profite simplement des mots, on se réjouit d'être quelqu'un de spécial, d'être adulé. Ce sentiment fait du bien, détend l'atmosphère et rend heureux. Quand on veut passer quelques heures ensemble et se sentir bien. On fait un compliment à l'autre et on profite du spectacle, surtout entre deux amoureux. La flatterie fait partie du jeu. « On ne vit qu'une fois », disent les Africains.
C’est aussi vraiment le cas que les Africains sont avares de mots lorsqu'il s'agit du vrai amour. Johnny n'aurait jamais parlé ainsi si Amina était sa femme ou sa petite amie officielle. Il faut donc faire attention lorsqu'un homme commence à vous conter fleurette. On peut facilement en déduire, qu'on n'est qu'un simple « passe-temps » pour cette personne et qu’il ne faut sûrement pas perdre la tête.
Amina arriva très vite à ses côtés. C'était une femme très attirante, milieu de la quarantaine, mariée avec un homme riche de la ville et mère de quatre enfants. Elle récupéra rapidement J.W., et roula rapidement avec lui ailleurs, dans un endroit discret où on ne les verrait pas ensemble.
— Oh, mon chou, qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Demanda-t-elle.
— À cause de toi mon bonbon, à cause de toi, dit seulement Johnny qui s'affala sur le siège passager en fermant les yeux.
C'est la première fois qu'Amina le voyait faible et impuissant.