En suivant le cycle de vie des documents, présentation de chaque contribution
Il est révolu le temps de la simple accumulation des documents et des informations. Les questions d’archivage, encore trop associées aux exigences des seules archives historiques, s’imposent de plus en plus dans le fonctionnement des activités humaines. Elles restent malheureusement souvent sans réponse, alors qu’il existe depuis le début des années 2000 un imposant dispositif normatif et à dimension universelle qui ne cesse de s’enrichir et de s’affiner. Ainsi le Records management qui s’est approprié tout le champ de l’organisation administrative est cité partout et occupe quatre articles de la présente publication (lire plus loin Erich Gollino et Simone Desiderato), car il a l’avantage d’offrir une approche systématique et concrète. «Simplifié à l’extrême, le Records Management a pour tâche, selon les mots mêmes de Lionel Dorthe, de permettre de retrouver les documents, et donc l’information pertinente, nécessaire à l’accomplissement des missions d’un organisme, dans un minimum de temps et en mobilisant le moins de force possible, c’est-à-dire d’assurer une gestion rapide de l’information, efficace et au meilleur coût.» L’approche a pris de l’importance avec la dématérialisation et les débats autour de la communicabilité et de la protection des données. Elle doit être revendiquée par les organismes producteurs d’archives pour améliorer leurs performances et leur gouvernance. Dans son étude de cas, Lionel Dorthe constate la difficulté des organismes à intégrer de nouvelles pratiques, le peu d’attention aux pratiques d’archivage et l’image peu flatteuse du rôle des archives; il y a un décalage frappant entre les apports théoriques et leur reconnaissance par les gens du terrain. Plaider pour le Records management, c’est revendiquer de nouvelles pratiques organisationnelles, c’est postuler pour des effets bénéfiques et positifs, mais aussi dénoncer des situations ataviques parmi les archivistes et les responsables administratifs. Dans un contexte souvent contraire au changement, Lionel Dorthe perçoit la chance offerte aux archivistes, et aussi leur responsabilité d’apporter leur plus-value dans le fonctionnement des organismes; ils disposent d’arguments et de concepts pour faire évoluer les esprits et surmonter les contraintes. Tant le métier d’archiviste que la maîtrise des processus informationnels auront à gagner de l’exploitation «indispensable» des ressources du Records management.
Ce qui rassemble le Records management et le modèle Système ouvert d’archivage d’information (en anglais Open Archival Information System, OAIS), c’est leur apparition récente dans les pratiques professionnelles. C’est à l’intérieur du modèle OAIS qui tend à être le standard de l’archivage électronique que Brigitte Kalbermatten examine et compare la place des métadonnées au travers des deux profils de métadonnées dominants en Suisse: l’un est proposé par les Archives fédérales suisses et le Centre de coordination pour l’archivage à long terme de documents électroniques (CECO), l’autre par les Archives de l’Etat du Valais et l’entreprise Docuteam. Avantages et désavantages sont déclinés pour chacun des profils, ainsi que leur adéquation avec OAIS et les recommandations qui les accompagnent: la question de la conformité à des normes et standards internationaux, l’utilisation d’un ou plusieurs niveaux de profils de métadonnées et la cohérence ainsi que l’interopérabilité comme finalité.
L’attention portée aux métadonnées est essentielle, car elle renseigne sur les aspects techniques et de contenu des documents. Elle est nécessaire à tout dispositif d’archivage, plus particulièrement à tout système d’archivage électronique pérenne, chargé de garantir l’authenticité, l’intégrité, la fiabilité et l’exploitabilité des données. Il est à remarquer que OAIS ne définit pas la place des métadonnées qui doivent être en fait insérées dans chacun des paquets d’information, respectivement SIP pour Submission Information Package et AIP pour Archival Information Package, et être évaluées comme les documents. Les métadonnées doivent être gérées et consultables par les collaborateurs des Archives au moyen d’outils informatiques.
La numérisation a pris une importance accrue dans les institutions patrimoniales, elle accapare de gros montants financiers et mobilise de nombreuses ressources. L’étude de Théophile Naito se limite à la question des images numériques qui doivent répondre, comme c’est le cas de la Bibliothèque de Genève, à deux exigences: satisfaire la grande majorité des besoins des lecteurs; être durables et permettre une gestion aussi facile que possible. Empruntant son discours aux critères d’évaluation et pouvant s’appuyer sur des connaissances techniques et technologiques très sûres, l’auteur fait le tri parmi les différents formats d’images numériques. Il aborde successivement les éléments d’un format d’image, en particulier les algorithmes de compression (il est question alors de codages et de groupes de compression) et la notion de profil ICC pour la gestion des couleurs; les formats d’images courants; le choix du format d’images en fonction du besoin de numérisation: méthodes existantes et méthode alternative (arbre de décision), organisé autour d’étapes.
L’intérêt de l’étude de Théophile Naito provient justement qu’il propose et explique le recours à la méthode de l’arbre de décision – il illustre celle-ci à l’aide de quelques formats dont les deux dominants: d’un côté, TIFF (sans compression), aujourd’hui le standard de fait; de l’autre, JPEG 2000, de développement plus récent. Le processus doit permettre «un choix raisonnable en fonction du contexte», en ne méconnaissant pas les «contraintes pratiques» et les «contradictions possibles». Ainsi, en mode «compression sans perte», le poids des images JPEG 2000 est environ moitié moins important que celui des images équivalentes sauvegardées dans le respect du format TIFF.
Gabriella Hanke Knaus a jeté son dévolu sur les archives musicales du couvent bénédictin de Mariastein. L’auteure en constate le caractère hybride, l’appartenance davantagee à une collection qu’à un fonds d’archives, puisqu’elles sont formées d’ensembles documentaires d’abbés et de moines, en particulier d’autographes de Mozart réunies par le maître de chapelle Leo Stocklin (1803–1873), de pièces manuscrites et imprimées et qu’elles couvrent une période qui va des œuvres du P. Anton Kiefer (1627–1672) à 2010. L’histoire agitée de l’abbaye de Mariastein explique les aléas de la tradition et de la composition des archives musicales: l’abbaye bénédictine de Beinwil, fondée par des membres de la noblesse locale, vers 1100, fit partie d’abord du diocèse de Bâle dès 1338; elle fut rattachée en 1647/1653 à la congrégation suisse des bénédictins, à la suite du transfert de ses moines à Mariastein (commune soleuroise de Metzerlen). A la suite de l’invasion des troupes françaises, le couvent fut fermé entre 1798 et 1802, ensuite étatisé par le gouvernement soleurois en 1875, ce qui amena l’expulsion de l’abbé et des conventuels dans les régions voisines, avant d’être restitué à la vie religieuse en 1971 par les autorités de Soleure qui avaient abordé la question du retour déjà en 1953. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que les archives, en particulier les parties musicales, eurent à souffrir de dispersion et de pertes. L’expertise de Gabriella Hanke Knaus, restitue et commente l’histoire des archives et des différents catalogues dont le premier remonte à 1816, Catalogus Musici Chori Beinwilensis. De plus, elle s’inspire des enseignements donnés par d’autres catalogues musicaux des établissements de Bregenz et d’Altdorf. Si réorganiser la collection des archives musicales de Mariastein est une évidence, ses critères et exigences sont soigneusement décrits par l’auteure qui centre son expertise sur l’étape de l’évaluation («als Schlüssel zur erfolgreichen Reorganisation») dont les fondements théoriques sont empruntés en particulier aux standards retenus par le Répertoire