Toutes les Oeuvres Majeures de Cicéron. Ciceron . Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Ciceron
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066373825
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matelots débarquent, et, ne connaissant pas la loi, accomplissent leur vœu ; on les accuse. » - « Vous avez immolé un veau à Diane ; ce sacrifice était défendu, » dit l’accusateur. « Oui, mais nous l’ignorions, » répondent-ils en se justifiant par la concession ou l’aveu du crime. — On les réfute en disant : « Qu’importe ? puisque vous avez fait ce qui était défendu, la loi veut que vous soyez punis. » - Il s’agit de décider « si celui qui a enfreint une loi qu’il ne connaissait pas a mérite le châtiment. »

      On allègue le hasard, quand on veut prouver que des événements imprévus se sont opposés à notre volonté. « A Lacédémone, la loi condamnait à mort celui qui s’était chargé de fournir les victimes pour certains sacrifices, s’il manquait à ses engagements. A l’approche d’un jour de fête où ces sacrifices devaient été célébrés, celui qui avait pris sur lui cette charge se disposait à faire conduire les victimes à la ville, quand tout à coup l’Eurotas, fleuve qui coule près de Sparte, gonflé par des pluies extraordinaires, se déborde avec tant de violence, qu’il fut impossible de faire passer les victimes. Le fournisseur, pour prouver sa bonne volonté, range toutes les victimes sur la rive, de manière qu’on pouvait les apercevoir de l’autre bord. Chacun était convaincu que le débordement du fleuve avait seul arrêté le zèle de cet homme : néanmoins on intente contre lui une accusation « capitale. » - On l’accuse « de n’avoir pas fourni les victimes qu’il devait pour le sacrifice. » Il se justifie par la concession, et sa raison est : « Le « débordement subit de l’Eurotas m’a empêché de les conduire à la ville. « On lui répond : « Vous n’en avez pas moins manqué à ce que prescrit la loi ; vous méritez donc d’être puni. » Voici le point à juger : « Le fournisseur a manqué à la loi ; mais le débordement du fleuve a seul arrêté son zèle : doit-il être puni ? »

      XXXII. On allègue la nécessité, quand l’accusé montre qu’il n’a cédé qu’à l’ascendant d’une force irrésistible. « Une loi des Rhodiens ordonnait de faire vendre tout vaisseau armé d’un éperon qu’on trouverait dans leur port. Une tempête furieuse s’élève, et la violence du vent oblige un vaisseau de relâcher, malgré les efforts des matelots, dans le port de Rhodes. Le trésorier veut faire vendre ce vaisseau, comme appartenant au peuple. Le propriétaire s’oppose à la vente. » L’accusateur dit « qu’un vaisseau à éperon a été saisi dans le port. » L’accusé en convient, mais il répond « qu’il y a été poussé malgré lui par une nécessité insurmontable. » On le réfute en disant « qu’aux termes de la loi, le vaisseau n’en appartient pas moins au peuple. » Il s’agit de décider « si, lorsque la loi ordonne de vendre tout vaisseau armé d’un éperon qu’on saisira dans le port, un vaisseau que les vents y ont poussé, malgré l’équipage, doit être vendu. »

      Nous avons réuni les exemples de ces trois genres, parce quels marche du raisonnement est la même pour chacun d’eux ; car, dans tous trois, l’accusateur doit, s’il est possible, employer les moyens de la question conjecturale pour faire soupçonner l’accusé de n’avoir pas fait sans intention une action qu’il prétend indépendante de sa volonté. Qu’il définisse ensuite la nécessité, le hasard ou l’ignorance ; qu’il appuie sa définition d’exemples frappants, fournis par l’un ou par l’autre de ces trois incidents ; qu’il les distingue bien du fait dont il s’agit ; qu’il montre la différence qui se trouve entre eux ; par exemple, l’affaire en question est bien moins importante, bien plus facile, et n’offre aucun prétexte d’ignorance, de hasard ou de nécessité. D’ailleurs il était facile de l’éviter ; il ne fallait que faire ou ne pas faire telle ou telle chose pour la prévoir et la prévenir ; et les définitions montreront qu’on ne doit point donner à une telle conduite les noms d’ignorance, de hasard ou de nécessité., mais l’appeler indolence, inattention et sottise.

      Cette nécessité, qu’on allègue pour excuse, parait-elle entraîner quelque chose de honteux, prouvez alors, par un enchaînement de lieux communs, qu’il valait mieux tout souffrir, même la mort, que de se soumettre à une nécessité déshonorante. Établissez ensuite, d’après les lieux dont nous avons parlé dans la cause matérielle, la nature du droit et de l’équité ; et, comme dans la question juridiciaire absolue, considérez le fait isolément et en lui-même. C’est alors qu’il faut, si vous le pouvez, rassembler des exemples qui prouvent que de pareilles excuses n’ont point été reçues ; que cependant les circonstances leur donnaient un nouveau poids. Prouvez aussi, par les moyens du genre délibératif, qu’il y aurait de la honte ou du danger à pardonner une telle faute, et que la négligence de ceux qui ont le droit de la punir entraînerait les plus funestes conséquences.

      XXXIII. Le défenseur peut rétorquer tous ces moyens contre son adversaire ; mais il s’occupera surtout de justifier l’intention, et de développer les obstacles qui ont arrêté sa bonne volonté. Il n’a pas été en son pouvoir d’en faire davantage : c’est l’intention qu’il faut en tout considérer. On ne peut le convaincre, on ne peut lui prouver que son cœur n’est pas innocent : si on le condamne, n’est-ce pas condamner en lui la faiblesse commune à tous les hommes ? Quelle indignité, quand on est exempt de la faute, de n’être pas exempt du supplice ! L’accusateur tirera des lieux communs, d’abord de l’aveu de l’accusé, et ensuite de la licence qu’on laisse au crime, si l’on établit une fois qu’il faut juger non le fait, mais l’intention. Le défenseur se plaindra d’un malheur causé non par sa faute, mais par une force supérieure, du pouvoir de la fortune, et de la faiblesse humaine : ce n’est pas l’événement qu’il faut envisager, mais sa conscience. En développant toutes ces idées, il aura soin d’exciter des mouvements de pitié pour son infortune, et d’indignation contre la cruauté de ses ennemis.

      Et qu’on ne s’étonne point ici de voir mêler à cet exemple ou à d’autres la discussion du sens littéral de la loi. Nous traiterons plus bas cettequestion à part ; mais s’il est des causes qui doivent être considérées isolément et en elles-mêmes, il en est d’autres qui offrent une complication de différentes espèces de questions. Il ne sera donc point difficile, quand on les connaîtra toutes, d’appliquer à chaque cause les règles des genres qu’elle embrasse. C’est ainsi que, dans tous ces exemples de concessions, se trouve mêlée la question littérale, qui prend son nom de la lettre et de l’esprit : mais comme nous traitions de la concession ou de l’aveu du crime, nous eu avons donné les règles ; nous traiterons ailleurs de l’esprit et de la lettre. Voyons maintenant l’autre partie de la concession.

      XXXIV. Par la déprécation, l’orateur ne cherche point à se justifier, mais il supplie qu’on lui pardonne. Je ne suis point d’avis d’employer ce moyen devant les tribunaux ; car, le crime une fois avoué, il est difficile d’en obtenir le pardon de celui dont le devoir est de le punir. Voulez-vous recourir à ce moyen de défense, ne l’employez que comme accessoire. Ainsi, en parlant pour un homme illustre, pour un héros qui a rendu à l’État de nombreux services, vous pouvez avoir recours à la déprécation, sans néanmoins paraître en faire usage, comme dans cet exemple : Juges, si, pour prix des services de « l’accusé, pour prix de son dévouement à vos « intérêts, il venait aujourd’hui, en faveur de « tant d’actions éclatantes, réclamer votre indulgence pour une seule faute, il serait digne de « votre clémence et de son courage d’accorder une « telle grâce à un tel suppliant. Vous pouvez ensuite exagérer ses services, et, par des lieux communs, disposer les juges à la clémence.

      Quoique ce moyen ne soit que rarement employé dans les tribunaux, si ce n’est comme accessoire, toutefois, comme il peut être nécessaire d’y avoir recours et de l’employer dans toute la cause, devant le sénat ou devant une assemblée, nous en tracerons les règles. Ainsi, « lorsque le sénat et l’assemblée publique délibérèrent sur le sort de Syphax, et le préteur L. Opimius et son conseil sur l’affaire de Q. Numitorius Pullus, la décision fut longue, et Numitorius réussit moins à se justifier qu’à obtenir sou pardon. Il ne fut pas aussi facile de prouver, par la question de fait, qu’il avait été toujours dévoué aux intérêts de Rome, que d’obtenir par la déprécation le pardon de sa faute, en faveur de ses derniers services. »

      XXXV. Demandez-vous donc