Perdus Pour Toujours. Nuno Morais. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Nuno Morais
Издательство: Tektime S.r.l.s.
Серия:
Жанр произведения: Героическая фантастика
Год издания: 0
isbn: 9788835424628
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de l’entreprise – car Meirelles, qui, soit dit en passant, penchait toujours du côté du fiscal plutôt que de n’importe quel autre domaine du droit. C’est d’ailleurs peut-être pour cela qu’il se ne s’est ensuite consacré qu’a ceci, à l’enseignement et au doctorat qu’il était entre-temps en train de préparer.

      Cependant, le bureau de la rue Braamcamp, même après la location de l’étage, devenait trop petit et quand on leur a offert le squelette brulé de l’immeuble de la rue Garrett, en paiement des services rendus à l’ancien propriétaire qui était décédé, personne ne s’y opposé. En moins de deux ans, l’immeuble avait été reconstruit, agrandi et adapté aux exigences d’un cabinet moderne, les quatre derniers étages étaient réservés à la société, qui à cette époque était connue sous le nom de MNGN&C, et le reste était loué à d’autres entreprises.

      Les années quatre-vingt-dix du siècle passé ont continué à être des années de croissance, en volume d’affaires ainsi qu’en nombre de personnes recrutées. Au début du nouveau millénaire, la société employait déjà un nombre appréciable d’avocats en plus des associés, et était très recherchée par les jeunes diplômés désirant une carrière d’avocat – et ce sûrement grâce à l’exigence de mon père et au soutien inconditionnel de Meirelles. Ce cabinet était l’un des seuls qui offrait salaires et horaires décents dès le premier jour. Les autres associés, dans la lignée de la longue tradition des stages non-rémunérés – qui se rafraîchit à chaque nouvelle fournée d’avocats portugais qui commence à travailler à son compte ou dans une société – s’y sont initialement opposés, mais ont ensuite fini par accepter quand ils ont commencé à voir les résultats qui justifiaient totalement le coût des salaires des stagiaires.

      Je ne doute pas que mon père était satisfait de l’entreprise qu’il avait aidé à créer – indépendamment des discussions occasionnelles sur le type de droit qui devait y être pratiqué – et de la qualité des services rendus aux clients qui, au final, est la véritable mesure d’un professionnel et la raison pour laquelle ils nous gardent en tant qu’avocat ou conseil. C’est dommage qu’il ne soit plus parmi pour nous pour voir la société aujourd’hui, mais c’est peut-être mieux comme ça. Après l’accident, il s’est passé quelques vilaines choses qu’il n’aurait sans doute pas appréciées.

      J’avais déjà terminé mes études et étais sur le point de conclure mon stage à l’époque de l’accident. C’est pour cela que j’ai pu lui succéder pour la part et le poste dans le cabinet (comme il était prévu dès le départ et qui avait été accepté par tous les associés, même les plus récents). Cependant, Gomez, de manière inattendue, est revenu sur les promesses faites et a commencé à contester la situation, en vue d’acquérir la part pour lui-même. Entre autres choses, il a affirmé être le meilleur gestionnaire de clients et que son poste dans la société devrait refléter cette condition, que (sans vouloir m’offenser comme il m’a dit) je n’avais pas suffisamment d’expérience pour détenir une part d’associé, etc. etc. Sans succès.

      Néanmoins, je n’ai pas voulu créer de problème ni l’éloigner, car il est vrai qu’il ramène toujours de bons clients dans l’entreprise, j’ai trouvé que le mieux était d’aller le voir et, avec l’accord de Meirelles, nous avons suggéré de modifier le nom de la société pour la formule par laquelle elle est connue aujourd’hui, et non pas selon les parts relatives. Il a fini par accepter. Au final, ce qui l’intéressait plus que de détenir la position majoritaire, était de sembler la détenir. Gomez est obnubilé par les apparences. Même s’il fait comme si de rien n’était, il fait tout pour avoir une photo dans les magazines Lux, Caras ou VIP (de préférence avec une amie qui a un décolleté plongeant), et vous pouvez être sûr que dès qu’il y apparaît, plusieurs exemplaires se trouvent comme par magie dans la salle d’attente du cabinet.

      Je dois dire que j’ai été déçu de lui, je le savais égoïste, mais je ne m’étais pas aperçu qu’il pouvait également être mesquin. Enfin, en vérité, rien n’a changé, il a l’air satisfait d’avoir son nom en premier et il n’a jamais abordé le sujet à nouveau, continuant à se comporter comme si de rien n’était – ce qui est typique chez Gomez.

      Il est dix heures et demie du matin et je suis dans mon bureau avec la porte ouverte, comme d’habitude. Le bureau commence doucement à se réveiller et de temps en temps quelqu’un passe la tête pour me saluer. Je n’ai pas pour habitude d’exiger qu’on vienne systématiquement me faire le baisemain, si bien qu’aujourd’hui je n’ai pas encore vu Gabriela, la secrétaire que j’ai également héritée de mon père et avec qui je m’entends assez bien – ce qui selon moi est essentiel.

      Deux des murs de mon cabinet sont recouverts d’étagères en bois pleines de livres de droit, de codes dans différentes versions et de modèles de navires en plastique et de ferrys, qui étaient la passion de mon oncle-grand-père et que mon père et moi avons décidé de laisser. Le seul mur qui n’est pas entièrement occupé par des étagères est celui où se trouve la porte, y sont exposés les diplômes des quatre générations d’avocats qui sont passés par ce cabinet à travers ses diverses localisations.

      À ma droite se trouve, pour moi, ce qu’il y a de plus agréable, une fenêtre du sol au plafond avec vue sur le fleuve au sommet d’un paysage dénivelé aux tons rouge brique, décoré par ci par là d’une cheminée ou d’une antenne de télévision, désuète depuis l’avènement du câble.

      Depuis que je suis arrivé, je suis accroché à l’ordinateur ainsi qu’à mes livres. Les questions du premier des fax arrivé vendredi s’avèrent plus complexes qu’à première vue. Une question de droit des sociétés avec des ramifications en droit familial et fiscal qui va sûrement m’occuper une bonne partie de la journée.

      Mais voici qu’entre Gomez dans mon bureau, d’un air pseudo-majestueux qui le caractérise, de quelqu’un qui pense être le roi du monde. Il arbore un demi-sourire sous ses yeux bleu clair sans expression qui élargissent encore plus son visage dodu, au milieu duquel trône un énorme nez rouge. Ses cheveux blonds sont tirés sur la droite afin de tenter de cacher une désertification capillaire avancée qui lui domine le haut de la tête, mais sans grand résultat. Il porte un costume bleu foncé, une chemise blanche aux manchettes simples avec des boutons chers, mais de mauvais goût, ornés d’un motif nautique, une cravate en soie bordeaux YSL, attachée d’un nœud simple que pourrait être mieux fait, où divers types de nœuds marins y sont apparemment brodés en relief, une ceinture en écailles et des chaussures Church’s noires, pas très bien cirées. Son ventre lui tombe abondamment sur la ceinture et le costume, qui, bien qu’il soit habilement taillé, lui pouvait aller mieux. Il passe sa vie à dire qu’il est au régime, mais comme il ne fait rien de plus, il oscille seulement entre gros et plus gros.

      Il traverse l’espace entre la porte et mon bureau en acajou des années trente, il s’assied sur un des vieux fauteuils en cuir où, avant avec mon père, et maintenant avec moi, ont l’habitude de s’asseoir les clients qui collaborent avec nous depuis l’époque de mon oncle-grand-père, et dit, « Vous êtes encore ici ? À l’heure à laquelle vous arrivez, vous pourriez déjà être sur le chemin du retour. » Il se met à rire tout seul de sa propre blague et sans attendre il continue sur un ton qui lui parait plus sérieux : « Tenez, une chose, Carl (il n’arrive pas à m’appeler Kalle), vous n’avez pas grand-chose à faire, n’est-ce pas ? Il vit avec l’idée qu’il n’y a que lui qui travaille réellement.

      « Et bien si vous voulez vraiment que je vous dise… » Mais il ne me laisse pas poursuivre.

      « Je suppose que non, je suppose que non. Vous devez ainsi avoir énormément de temps libre. Mais je vais vous donner de quoi faire. Bien, comme vous le savez, un séminaire sur le futur des zones d’exonération fiscale dans le cadre de la coopération internationale croissante contre le trafic de drogues, le blanchiment d’argent et le financement des groupes terroristes qui se sont vérifiés ces dernières années, a lieu à Funchal de mercredi à vendredi. Le bureau y est inscrit et j’étais