Perdus Pour Toujours. Nuno Morais. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Nuno Morais
Издательство: Tektime S.r.l.s.
Серия:
Жанр произведения: Героическая фантастика
Год издания: 0
isbn: 9788835424628
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      Le métro de Lisbonne arrive parfois à nous surprendre avec ces petites choses, qui ne compensent cependant par aucun moyen le manque d’ascenseurs ou d’escalators du quai jusqu’à la rue dans toutes les stations, mais qui servent tout de même à rendre nos voyages plus supportables.

      Parfois je me demande si je suis le seul à penser à cela et je me demande en même temps comment font les personnes qui ont des bébés, des enfants dans les bras ou les personnes handicapées ; elles ne doivent sûrement pas pouvoir aller où elles veulent ou doivent alors aller d’autobus en autobus ou prendre leur voiture, qui ne sont vraiment pas les manières les plus rapides pour se déplacer à Lisbonne.

      Becca me tire la manche et j’arrête alors immédiatement de penser aux escalators et autre ascenseurs inexistants pour écouter ce qu’elle veut me dire. « Kalle, on peut manger une glace ? », à cette heure de la matinée ? « Non bébé, il est encore trop tôt » Elle ne se montre pas satisfaite de ma réponse et revient tout de suite à la charge : « Et cet après-midi on pourra manger une glace ? Tu sais les grandes ? » Je lui dis que oui, en sachant très bien qu’elle n’aura pas oublié et que cet après-midi je devrai évidement lui acheter une glace. Grande, de préférence – même si ce qualificatif dans ce cas est assez subjectif : un jour c’est un grand cornetto, un autre jour ça peut être un solero et encore un autre jour ça peut être un perna-de-pau qui ne mérite pas tellement cette distinction.

      Nous sortons à Campo Pequeno, je l’aide à monter les escaliers jusqu’à la billetterie et ensuite jusqu’à la rue – ce serait plus facile si elle n’insistait pas pour tout faire toute seule. Parfois, je me dis qu’il serait mieux si elle que je la porte encore dans les bras.

      Nous remontons l’avenue, tournons à droite et plus ou moins au milieu de la rue nous entrons dans l’école maternelle Luso-Espagnole Sancho Pança, ouverte, il y a près de trente ans, par une amie de ma grand-mère qui a déménagé à Lisbonne avec son mari.

      La plupart des éducatrices sont espagnoles, bien qu’il y ait aussi quelques portugaises. Les enfants se parlent espagnol entre eux. Ce sont en majorité des enfants d’espagnols ou de sud-américains qui, pour une raison ou une autre, sont à Lisbonne, ou comme dans le cas de Becca, ont de la famille en Espagne et qu’il est important de ne pas perdre le contact avec la langue. C’est une petite maison sympathique du début de XXème siècle que Madame Pilar a petit à petit transformé en un sympathique foyer pour les enfants âgés d’un à sept ans. Ce qu’il y a de mieux dans cette école, c’est son énorme jardin, plein de jouets en bois et en plastique ainsi qu’un grand bac à sable pour que les enfants puissent jouer. Becca adore passer ses journées là-bas.

      Au début – Becca a commencé la crèche peu avant son premier anniversaire – ma mère et ma sœur avait peur qu’autant de contact avec l’espagnol lui fasse oublier le suédois, qu’elles cherchaient à lui enseigner à la maison. Cependant, nous nous sommes vite aperçus qu’il n’y avait aucun risque que cela se produise. Elle utilisait les mots suédois qu’elle apprenait avec elles et moi et les mots espagnols et portugais avec mon père et ma grand-mère – la plupart du temps en semblant savoir distinguer les langues les unes des autres mais aussi les personnes avec qui les utiliser.

      Les premiers temps, nous faisions attention à ce que ce soient les mêmes personnes qui lui parlent les mêmes langues, mais maintenant, et par la force des choses, j’alterne d’une langue à l’autre pour la maintenir intéressée et en général elle ne se trompe pas. Nous pensions encore que la langue la plus difficile à maintenir serait le portugais, mais avec tant d’enfants bilingues à l’école, et tous les autres rencontrés avec qui elle ne parle que portugais, en peu de temps elle parlait les trois langues avec la même aisance.

      Mais même ainsi, j’ai pensé qu’il valait mieux lui trouver une enseignante de suédois afin de la maintenir exposée à la langue, car même si nous avons une tonne de DVD avec des dessins animés et des films en suédois, je ne pense pas qu’elle puisse beaucoup apprendre avec Pippi et Bamse.

      Je la laisse à Ana, qui est une des éducatrices de son groupe, et qui semble presque avoir plus de peine de me voir partir que Becca. Quelle différence par rapport à avant ! Quand elle a commencé à venir, il fallait que nous restions un peu avec elle, et ensuite on pouvait la laisser seule et venir la chercher quand elle commençait à pleurer et à réclamer sa mère. Cela a duré pratiquement un mois. Maintenant, dès qu’elle voit Carmen ou Ana, c’est comme si je m’étais évaporé, je n’existe purement et simplement plus. Et si elles ne lui disent pas de me dire au revoir, elle ne le fait même pas. Même si c’est vrai que c’est bien, c’est quand même un peu triste de les voir devenir indépendants. Un jour elle me demandera les clés de la voiture et me dira de ne pas l’attendre avant le petit-déjeuner…

      Qui aurait pu penser il y a quelques années que je dirais ça aujourd’hui, la paternité, encore que ce n’est qu’un prêt, fait vraiment changer les gens.

      DEUX

      J’arrive au bureau rue Garrett un peu après huit heures, comme d’habitude, c’est moi qui ouvre la porte et désactive l’alarme qui orne depuis un an l’entrée principale. Les services de nettoyage n’arrivent pas avant neuf heures, les secrétaires embauchent à neuf heures et demie et les autres avocats aux environs de dix heures. Nous occupons les quatre derniers étages de cet immeuble reconstruit et transformé depuis l’incendie de quatre-vingt-huit – pas celui ayant détruit le reste du Chiado. Mon bureau se situe dans la partie arrière du troisième étage, le même qui était celui de mon père, avec vue sur le fleuve.

      L’entreprise s’est énormément développée ces dernières années, mon père disait qu’elle s’était trop développée, trop vite et que l’idée originale d’être un cabinet d’avocat dévoué à ses clients et aux causes justes s’est perdue dans cette soif du bénéfice au pourcentage généré par les grandes affaires.

      Et il s’agit bien de grandes affaires dont le cabinet Gomez, Meirelles, Nebuloni, Nogueira, Castro, et Associés, également connu sous la formule GM2NC+A, s’occupe : élu meilleur cabinet d’avocats au Portugal selon les lecteurs d’EuroBusiness depuis 6 ans, membre de toutes les associations juridiques et d’avocats dont toute personne diplômée de droit pourrait être membre sans avoir commis de crime ou être automatiquement exclu des autres, et détenant un budget publicitaire qui dépasse la centaine de milliers d’euros, réparti dans plusieurs revues d’analyse et d’affaires européennes et américaines. De plus, on ne peut pas dire que l’on ne fasse pas tout notre possible pour maintenir cette position.

      Le cabinet d’avocats Meirelles et Nebuloni a été fondé par mon père et par Joaquim Meirelles au début des années quatre-vingt, et ne s’est appelé ainsi que pour une question alphabétique, étant donné que la majorité des dépenses engagées ainsi que la part majoritaire appartenaient à mon père, qui d’une certaine manière avait hérité du bureau et de pratiquement tous les clients de mon oncle-grand-père. L’idée était de se consacrer à des causes qui en vaillent la peine et ils y sont parvenus de manière exclusive pendant quelques années. Mais ensuite, Meirelles en a eu marre de faire moins d’argent que les autres avocats qu’il connaissait (et pourtant ils ne se faisaient pas si peu d’argent que ça, je n’ai jamais manqué de rien et à cette époque, ma mère qui terminait son doctorat ne travaillait pas). Il a donc insisté auprès de mon père pour qu’ils engagent plus d’associés afin de diversifier les domaines de droit dont s’occupait l’entreprise.

      En peu de temps tout a changé, un nouvel associé a été engagé, Pedro Inácio Gomez, présenté à Mereilles par une connaissance et décrit comme un jeune homme avec un grand avenir. Malgré le fait d’être un jeune diplômé, PIG, comme il a commencé à être appelé derrière son dos, débarquait avec toutes ses connaissances concernant le domaine de l’entreprise et semblait avoir une liste interminable d’oncles et de tantes avec de l’argent et la volonté de traiter avec le monde entier sur n’importe quel sujet. Le volume de travail a continué à augmenter