«Veuillez aussi remarquer que, cédant aux larmes et aux prières de M. Paulin, je consentis le 10 de septembre à lui rendre un billet de 3,000 francs en diminution du prix dont nous étions convenus [17], suivant l'acte du 31 août que je joins ici. A-t-on jamais vu un négociant revenir sur une convention faite et signée en toute connaissance de cause? Je cédai et j'en fus blâmé par le C. Lasteyrie et mes autres amis...»
Outre les lettres à Mlle Volland, le Paradoxe sur le comédien, les Voyages à Bourbonne et Langres, une partie des lettres à Falconet, la Promenade du Sceptique, l'Entretien avec d'Alembert et le Rêve de d'Alembert étaient offerts pour la première fois au public. M. Jules Taschereau s'était chargé de surveiller l'impression[18]; mais il fut interrompu dans cette publication, comme dans celle de Grimm, par la révolution de 1830 et pria M. A. Chaudé, son ami, de les terminer toutes deux. Nous avons vu que M. Walferdin avait prêté son concours à celui-ci pour l'annotation des lettres à Falconet et des deux Voyages.
Le trésor découvert et vendu par Jeudy-Dugour n'était pas épuisé, puisqu'en 1834 la Revue rétrospective put encore faire connaître comme inédits: Est-il bon Est-il méchant? les notices sur Michel Van Loo et sur Rouelle, les Trois Chapitres. Un tirage à part de la célèbre comédie présentée dès cette époque par M. Paulin au Théâtre-Français, qui ne prit même pas la peine de la lire, fut joint alors au tome IV des Mémoires, après la table analytique, et les titres renouvelés des quatre volumes portèrent: Deuxième édition, augmentée.
Celle que MM. Garnier et Delloye publièrent en 2 vol. in-18 (1841) contient les lettres à Mlle Volland, le Neveu de Rameau, le Paradoxe sur le comédien et les Mémoires (tronqués) de Mme de Vandeul. Elle est presque aussi rare que la première.
Nous réimprimons sur le texte de 1830, sans pouvoir le contrôler sur aucune copie ancienne ou récente. Il en existe bien une à Saint-Pétersbourg en deux volumes in-4; mais M. Léon Godard ne l'a point collationnée, pensant qu'il n'aurait aucune variante à y relever. Si cet examen avait lieu, il démontrerait, par cela même qu'il n'offrirait rien de nouveau, quelles lacunes nous privent d'une partie de ces admirables lettres. Elles embrassent une période de quinze ans; mais nous n'avons en réalité que huit mois de 1759 (et la lettre du 15 mai n'est visiblement pas la première), six mois de 1760, deux mois de 1761 et quatre mois de 1762. Après une interruption de près de deux ans, les lettres se multiplient en 1765; 1766 nous en fournit trois, 1767 huit, 1768 une dizaine, 1769 neuf et 1770 quatre. Nouvelle interruption de plus de deux ans et demi; le voyage en Russie et les deux séjours en Hollande donnent six lettres, la plupart fort courtes. Et c'est tout; ce long roman n'a pas d'épilogue.
[1] J. Delort. Histoire de la détention des philosophes et des gens de lettres à la Bastille et à Vincennes, tome II, p. 211 et 213.
[2] Salon de 1705. Voir t. X, p. 349.
[3] Ce détail si touchant a fourni à M. Jules Levallois un rapprochement injurieux injurieux le philosophe et un personnage d'un roman célèbre de M. Alph. Daudet, le comédien Delobel, qui vit aux dépens de sa femme et de sa fille. M. Levallois n'a pas voulu voir que ces six sous, c'est Diderot qui les gagnait.
[4] Grimm. Correspondance littéraire, août 1784.
[5] Renseignement communiqué par M. L. Emmery, inspecteur de l'École des ponts et chaussées.
[6] «M. Le Gendre n'est donc plus! S'il avait voulu finir un an ou deux plus tôt, il aurait été plus regretté.» (15 juillet 1770.)
[7] Notice des livres, tableaux sculptures, dessins et estampes après le décès de M. Le Gendre, inspecteur général des ponts et chaussées, dont la vente se fera le lundi 3 décembre 1770 et jours suivants, en sa maison rue Sainte-Anne, proche la rue du Clos-Georgeot. Paris, Mérigot l'aîné, 1770, in-8, 20 p.
[8] Vallet de Fayolle, que Diderot appelle «son petit cousin » et dont il est question dans une lettre à l'abbé Le Monnier.
[9] Mlle Mélanie de Solignac, sur laquelle Diderot a recueilli de si curieux détails. Voir t. I, p. 334 et suiv.
[10] Paris, E. Leroux, 1875, in-8.
[11] Premiers Lundis, t. I, p. 385.
[12] 23 septembre 1762.
[13] E. Salverte, Éloge philosophique de D. Diderot, an VIII, in-8.
[14] C'est du moins la tradition courante, mais aucun contemporain ne peut être cité en témoignage.
[15] Né à Clermont-Ferrand en 1706, et professeur dans les écoles religieuses de la Flèche et de Paris, Jeudy-Dugour est mort en Russie conseiller d'État et directeur de l'Université de Saint-Pétersbourg. Un ukase de 1812, en le forçant à opter pour une des deux nationalités, lui fit prendre le nom et la particule de de Gouroff dont il a depuis signé ses lettres et ses ouvrages.
[16] Nous ne les avons pas.
[17] C'est nous qui soulignons.
[18] Les notes de la première édition que nous avons conservées sont signées, d'un (T.).
LETTRES À SOPHIE VOLLAND
I
Paris, le 10 mai 1759.
Nous partîmes hier à huit heures pour Marly; nous y arrivâmes à dix heures et demie; nous ordonnâmes un grand dîner, et nous nous répandîmes dans les jardins, où la chose qui me frappa, c'est le contraste d'un art délicat dans les berceaux et les bosquets, et d'une nature agreste dans un massif touffu de grands arbres qui les dominent et qui forment le fond. Ces pavillons, séparés et à demi enfoncés dans une forêt, semblent être les demeures de différents génies subalternes dont le maître occupe celui du milieu. Cela donne à l'ensemble un air de féerie qui me plut.
Il ne faut pas qu'il y ait beaucoup de statues dans un jardin, et celui-ci m'en paraît un