Histoire abrégée de la liberté individuelle chez les principaux peuples anciens et modernes. Louis Nigon De Berty. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Louis Nigon De Berty
Издательство: Bookwire
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Жанр произведения: Документальная литература
Год издания: 0
isbn: 4064066325930
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dur; gouvernez-nous avec plus de

       » douceur, et nous vous servirons.» Roboam leur répondit: «Mon père vous a frappés avec des verges, et moi je vous frapperai avec des

      » fouets armés de pointes de fer .» Ces paroles ,aussi cruelles qu’impolitiques, déterminèrent le schisme des dix tribus d’Israël.

      Investis en outre du terrible droit de vie et de mort sur leurs sujets, les rois pouvaient faire périr les criminels sans formalités judiciaires; David en usa contre le jeune Amalécite qui avait tué Saül sur la demande de ce dernier prince, contre les deux Israélites qui lui apportèrent la tête d’Isbeseth qu’ils venaient d’assassiner . Toutefois l’histoire cite peu d’exemples de l’exercice de ce droit despotique; on voit même Achab et Jézabel forcés de recourir aux tribunaux et de suborner les juges et les témoins pour obtenir la condamnation capitale du vertueux Naboth.

      Durant cette seconde période, la liberté des Hébreux fut considérablement restreinte; elle demeura, sur plusieurs points, à la discrétion des rois; du reste, la puissance royale se trouvait elle-même tempérée par le respect public dont la loi était l’objet ; chaque jour on en lisait quelques parties aux souverains, afin qu’elle restât incessamment présente à leur esprit ; s’ils osaient l’enfreindre, ils avaient à subir les observations du sénat, les remontrances du grand-prêtre, et les sévères reproches des prophètes.

      Troisième période.

      Depuis le retour de la captivité de Babylone jusqu’à la destruction du temple de Jérusalem.

      Pendant les 70 ans de captivité à Babylone, les Juifs furent traités avec plus de bienveillance et de justice que des vaincus n’auraient dû l’espérer; à l’exception de quelques-uns d’entr’eux choisis pour être esclaves du roi, les autres purent pratiquer leur religion, appliquer leurs lois et acquérir des propriétés. Le procès de la chaste Suzanne prouve qu’ils avaient même conservé des juges de leur nation.

      Lorsque Cyrus leur permit de retourner en Judée, ils reprirent leurs institutions primitives; seulement, au lieu d’un juge, leur chef fut le grand-prêtre qui commanda souvent les armées; il était assisté du conseil des 71 anciens, nommé plus tard le grand Sanhédrin. Le désir de réparer les ruines de leur patrie inspira aux Juifs une noble émulation, ils s’adonnèrent à l’agriculture, et, grâce à la douce influence de la paix, ils recueillirent bientôt, au milieu d’une heureuse abondance, les fruits de leurs travaux. Mais, depuis le rétour de la captivité, la nation ne recouvra, qu’à de très courts intervalles, son indépendance. Assujettis tour à tour aux Perses, aux Macédoniens, aux rois d’Egypte et de Syrie, les Juifs éprouvèrent toutes les rigueurs d’une domination étrangère, et même subirent sous Antiochus d’atroces persécutions; c’est alors qu’ils déployèrent une héroïque énergie. Les uns ceignirent avec enthousiasme la couronne du martyre; les autres, sous la conduite des Machabées, taillèrent en pièces les Syriens, leurs bourreaux, et rendirent à leur pays quelques jours de gloire et de tranquillité. Plusieurs années après, ils tombèrent sous la dépendance des Romains.

      Liberté, égalité, humanité, voilà les principes fondamentaux des lois de Moïse. Le Décalogue, ainsi que l’a justement observé M. Salvador , renferme dans ses préceptes la liberté individuelle; car il recommande à chaque Hébreu de respecter son concitoyen dans sa personne, sa femme et ses propriétés . La Bible est à la fois le code religieux, civil et criminel des Juifs; de là s’explique l’immobilité de leur législation, en vigueur sous les trois périodes que nous venons de parcourir.

      Lorsqu’un crime était commis, le coupable qu’on surprenait en flagrant délit, était arrêté sur-le-champ; ainsi on s’empara de l’Israélite qui ramassa du bois le jour du Sabbat , du fils de l’Egyptien blasphémateur , de Jérémie au moment où il prédisait les malheurs de Jérusalem ; mais la loi prescrivait de ne point laisser les détenus languir dans leur prison. Après le tems nécessaire pour la plus rapide information, on statuait sur leur sort; les actes des apôtres nous apprennent que le conseil national fit saisir Saint-Pierre et Saint-Jean enseignant au peuple le Christianisme; on les déposa dans une prison jusqu’au lendemain, par la raison, dit le texte , qu’il était trop tard, et le jour suivant, on les conduisit devant les Anciens qui se contentèrent de leur adresser une simple admonition. Bientôt les deux apôtres recommencent leurs prédications avec une plus vive ardeur; arrêtés de nouveau, ils sont ramenés au conseil; le lendemain même de leur incarcération, on leur inflige, attendu la récidive, la peine correctionnelle, (c’est-à-dire le fouet); puis on les rend aussitôt à la liberté.

      Hors le cas de flagrant délit, l’accusé n’était arrête qu’après un grand nombre de formalités; on le traduisait immédiatement, pour qu’il pût se défendre, devant l’un des tribunaux, suivant la nature de son crime: ses juges étaient choisis parmi les citoyens les plus intègres de sa tribu; ils siégeaient ordinairement à la porte des cités, sous des arbres, en présence du peuple; le ciel semblait assister à la distribution de la justice, et l’air libre, que respirait l’accusé, communiquait à son âme une nouvelle force; on procédait ainsi à l’instruction orale de l’affaire:

      Après un examen scrupuleux de la moralité des témoins, les juges entendaient tous ceux qui ne se trouvaient pas compris dans les nombreuses exceptions prononcées par la loi; chaque témoin prêtait serment; le président lui adressait une exhortation terminée par ces mots formidables; «Si tu fesais condamner

       » injustement l’accusé, son sang même, le

       » sang de toute sa postérité dont tu aurais

       » privé la terre, retomberait sur toi; Dieu

       » t’en demanderait compte, comme il demanda

      » compte à Caïn du sang d’Abel, parle.» L’accusé comparaissait en état d’innocence présumée; une seule déposition ne pouvait établir sa culpabilité ; si la peine de mort était prononcée, la loi imposait aux témoins à charge la pénible mission de lancer les premières pierres. Les juges interrogeaient ensuite l’accusé avec une bonté remarquable; les débats fermés, l’un des juges résumait la cause, la décision était rendue, et l’accusé acquitté mis à l’instant même en liberté ; mais s’il fallait punir, elle n’était point irrévocable; de retour à leurs demeures, les juges devaient méditer l’affaire dans le calme de la solitude; le surlendemain ils remontaient sur leurs sièges, et pouvaient réformer eux-mêmes leur première sentence. Sur les 23 membres du tribunal appelés à connaître des affaires capitales, onze suffrages suffisaient pour absoudre, tandis que treize étaient nécessaires pour condamner.

      Deux officiers judiciaires accompagnaient le criminel au lieu du supplice; la loi les chargeait de recueillir et d’apprécier ce qu’il aurait à ajouter pour sa défense. Un héraut fendait la foule en s’écriant: «Le malheureux, que

       » vous voyez, est déclaré coupable; il marche

       » à la mort; est-il quelqu’un de vous qui

       » puisse le justifier; qu’il parle.» Si un citoyen se présentait, soudain le condamné était reconduit dans sa prison, et les moyens indiqués par son défenseur vérifiés; il pouvait être ainsi ramené jusqu’à cinq fois; c’est à l’aide d’une loi si conforme à l’humanité que Daniel sauva Suzanne . A quelque distance du lieu où le condamné devait perdre la vie, on lui ordonnait de faire l’aveu de son crime; puis on l’enivrait pour lui rendre moins cruelles les approches de la mort. Ainsi l’on voit dominer dans la procédure criminelle des Hébreux trois règles salutaires, encore inconnues chez plusieurs nations modernes, et introduites parmi les autres au milieu de sanglantes révolutions, savoir: la garantie contre les dangers du témoignage, la publicité des débats, et la liberté complète de la défense.

      Il existait une autre forme de juger en matière criminelle, connue sous le nom de jugement de zèle ; un Israélite commettait-il publiquement un attentat évidemment caractérisé ? soudain un murmure général s’élevait, le cri unanime du peuple devenait une décision