Histoire abrégée de la liberté individuelle chez les principaux peuples anciens et modernes. Louis Nigon De Berty. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Louis Nigon De Berty
Издательство: Bookwire
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Жанр произведения: Документальная литература
Год издания: 0
isbn: 4064066325930
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déposait à volonté ; les beys, à la tête des provinces et des armées, s’emparèrent de tout le pouvoir, et l’Egypte eut à subir vingt-quatre tyrans de plus. Dans le traité de Sélim, il n’était pas même question des intérêts du peuple; «Ne croirait-on pas voir, dit Savary , un » marchand vendant trois ou quatre millions » d’esclaves à vingt-quatre étrangers?» L’agriculture détruite, des impôts exorbitans levés avec violence, les gens de bien dépouillés ou massacrés, des séditions perpétuelles, tels furent les résultats de la république égyptienne.

      Plus tard, les pachas reprirent leur empire sur l’Egypte épuisée; quelques-uns même portèrent plus loin leur audace; en 1766, Aly-Bey conçut et réalisa le projet de secouer le joug de la Porte-Ottomane; Mohammed-Aly, pacha actuel, est parvenu à se rendre presqu’entièrement indépendant.

      Depuis la conquête des Arabes jusqu’au 19e siècle, la liberté individuelle a été indignement foulée aux pieds en Egypte ; quand un délit était commis, l’aga, ou le chef militaire, avait le droit d’arrêter le coupable, de le juger, et d’exécuter lui-même son jugement dans les vingt-quatre heures. Il serait difficile de retracer ici combien fut malheureuse la condition des indigènes; tour à tour victimes de leurs ennemis, de leurs chefs, de la guerre et de la peste, ces hommes dégénérés ne savaient que changer de tyrans. Terrible exemple des vicissitudes humaines! L’Egypte, qui fut la mère de la civilisation, le berceau des arts, dont les plus beaux génies vinrent étudier les lois, dont les pyramides semblent encore porter jusqu’au ciel les glorieux souvenirs, qui a vu combattre sur ses bords les plus grands conquérans, Alexandre, César, Tamerlan, Napoléon, demeura, durant douze siècles, la terre classique de l’ignorance et de l’esclavage.

      Aujourd’hui l’aurore d’un nouvel avenir parait luire sur cette célèbre contrée. Mohammed-Aly a profité de sa puissance pour préparer la régénération de ses sujets; il a ouvert des écoles, encouragé l’agriculture, favorisé l’industrie, fondé un journal, envoyé à Paris plusieurs jeunes gens puiser à la source de toutes les sciences; enfin il a réuni en 1829 une assemblée composée des principaux fonctionnaires et de 93 cheyks-beled ou chefs des villages, en qualité de députés des départemens, et soumis à sa décision les affaires de l’Etat; mais ce qu’il y a de plus remarquable dans un pays despotique, c’est là publication d’un code pénal rédigé dans un esprit d’humanité : il abolit la peine de mort pour tous les crimes autres que les délits politiques, et lui substitue les travaux forcés, dont la durée doit être proportionnée à la gravité des faits. Lorsqu’une plainte est rendue, si l’accusateur ne prouve pas la culpabilité dans l’espace de quinze jours, l’accusé est mis en liberté en présentant des cautions; mais si, après quelque tems, ce même homme est encore traduit devant les magistrats pour le même crime, et qu’il soit reconnu coupable, les cautions subissent une punition d’un an de galères; dans tous les cas, l’inculpé a le droit de se défendre. De semblables dispositions législatives annoncent évidemment l’intention de protéger la liberté individuelle.

      Sans doute ces changemens, commencés en 1826 , et d’ailleurs exécutés à l’aide de mesures oppressives, n’ont pas encore réellement amélioré le sort du peuple. Le mahométisme, la grossière ignorance et l’indolence des Egyptiens seront d’immenses obstacles au succès des généreux efforts du vieux pacha; mais si ces innovations se consolident, Mohammed-Aly aura acquis la plus utile des gloires, celle d’assurer, malgré eux, le bonheur de ses sujets.

       Table des matières

      DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE CHEZ LES JUIFS.

      LE peuple Juif sort de l’Egypte au milieu des prodiges; il adore sur la terre promise un Dieu inconnu aux autres nations, abandonne plusieurs fois son culte pour se prosterner devant des idoles, reçoit tour à tour le châtiment de ses infidélités et la récompense de son repentir, s’élève au plus haut degré de gloire et de prospérité sous le roi Salomon, retombe dans une dépendance avilissante sous ses successeurs, se laisse trainer tout entier en captivité à Babylone, retourne à Jérusalem, y reprend sa première splendeur, se rend coupable d’un déicide, et, dispersé depuis près de dix-huit siècles sur toutes les parties de l’univers, l’expie au sein des humiliations et du malheur.

      Telle a été la destinée extraordinaire de cette nation. Nous considérerons rapidement ses institutions: 1° sous les juges; 2° sous les rois; 3° depuis le retour de la captivité de Babylone jusqu’à la destruction du temple de Jérusalem; 4° depuis la dispersion des Juifs jusqu’à nos jours.

      Première période

      Sous les juges.

      Durant la première période, le gouvernement fut une théocratie pure; plusieurs peuples payens firent des Dieux de leurs rois, le souverain des Hébreux était le Dieu même qu’ils adoraient. Un chef gouvernait au nom de Jéhovah sous le titre de juge; le sénat, ( appelé aussi le conseil des anciens) composé des membres les plus distingués de chaque tribu, lui servait de conseil; dans les affaires importantes, les décisions du sénat étaient déférées à l’assemblée du peuple. Enfans d’Israël, s’écriaient les anciens, vous voici tous, délibérez entre vous et donnez votre avis , puis le peuple changeait par son approbation ces décisions en lois, et le chef les exécutait; ainsi c’est chez les Hébreux qu’on rencontre la première idée-du gouvernement représentatif que Montesquieu a cru découvrir dans les forêts de la Germanie.

      Sous un gouvernement théocratique, les prêtres auraient sans doute conquis un pouvoir aussi étendu qu’en Egypte sans la sage prévoyance de Moïse; ils appartenaient à la tribu de Lévi dont on avait disséminé les membres parmi les autres tribus, et ne pouvaient, dans aucun cas, devenir propriétaires; chaque Lévite trouvait dans la dîme qu’on lui payait ses moyens de subsistance. Dépositaires des lois, chargés de les enseigner, les prêtres se voyaient contraints par ces fonctions mêmes de donner l’exemple de l’obéissance.

      Chaque tribu possédait une administration particulière appuyée sur les mêmes bases que l’administration générale; ainsi chacune avait son conseil des anciens et ses assemblées du peuple. De cette façon, les douze tribus d’Israël formaient une sorte de république fédérative dans laquelle aucune résolution grave ne pouvait être prise sans l’assentiment de tous.

      Tant que la nation fut gouvernée par les Juges, elle jouit d’une grande liberté ; les divisions de castes, si marquées chez les Egyptiens, les priviléges de naissance, de terres et de profession lui demeurèrent inconnus; c’était plutôt une réunion de familles placées sous l’autorité paternelle de leurs chefs naturels, qu’une nation organisée . Les volontés individuelles se courbaient devant la loi, parce que chacun la regardait comme la volonté écrite de Jéhovah; Moïse d’ailleurs ne l’avait acceptée que du consentement exprès des Hébreux . Leur liberté consistait à faire tout ce que la loi ne défendait pas, à n’être forcé de faire que ce qu’elle commandait, sans être sujet aux ordres d’aucun homme en particulier ; si un chef quelconque prescrivait un acte contraire à la loi, il n’était pas obéi, attendu, disaient les anciens, que le commandement du serviteur doit passer après celui du maître . L’intérêt seul des Hébreux aurait dû les déterminer à observer la loi; lorsqu’ils s’y montraient fidèles, ils vivaient en sûreté et en liberté ; dès qu’ils la violaient, ils tombaient dans l’anarchie; malheureusement ils se laissèrent souvent emporter par leurs passions impétueuses, et ne purent guère profiter de la sagesse de leurs institutions.

      Deuxième période.

      Sous les rois.

      Inconstans par nature, les Hébreux désirèrent un roi à l’instar des nations voisines, et Samuel couronna Saül; mais ils s’aperçurent bientôt qu’ils s’étaient eux-mêmes