Le 30, à onze heures du soir, le général Serrurier ordonna au général Murat et à l'adjudant-général Vignolles, avec deux cents hommes, d'attaquer la droite du camp retranché des ennemis, dans le temps que le général Dallemagne, à la tête d'une bonne colonne, attaquait la gauche. Le chef de bataillon d'artillerie Andréossy, officier du plus grand mérite, avec cinq chaloupes canonnières qu'il avait armées, alla donner à l'ennemi une fausse alerte; et dans le temps qu'il attirait sur lui tous les feux de la place, les généraux Dallemagne et Murat remplissaient leur mission, et portaient dans les rangs ennemis le désordre et l'épouvante. Le chef de brigade du génie traça pendant ce temps à quatre-vingts toises l'ouverture de la tranchée sous le feu et la mitraille de l'ennemi. Au même instant les batteries de Saint-Georges, de Pradella et de la Favorite, les deux premières composées de six pièces de gros calibre, et à boulets rouges, de six gros mortiers; la dernière, de huit pièces, destinée à rompre la communication de la citadelle avec la ville, commencèrent à jouer contre la place. Dix minutes après, le feu se communiqua de tous côtés dans la ville. La douane, le Collorado et plusieurs couvens ont été consumés. À la pointe du jour, la tranchée n'était que faiblement tracée; l'ennemi réunissait une partie de ses forces et cherchait à sortir sous le feu terrible des remparts; mais nos intrépides soldats, cachés dans des ravins, derrière des digues, postés dans toutes les sinuosités qui pouvaient un peu les abriter de la mitraille, les attendaient de pied ferme sans tirer. Cette morne constance seule déconcerta l'ennemi, qui rentra dans ses murs.
La nuit suivante, on a perfectionné la tranchée, et dans la nuit de demain, j'espère que nos batteries seront armées et prêtes à tirer.
Je ne vous parlerai pas de la conduite de l'intrépide général Serrurier, dont la réputation militaire est établie, et à qui nous devons, entre autres choses, le gain de la bataille de Mondovi. Le chef de brigade Chasseloup, le chef de bataillon Samson, et le chef de bataillon Meuron donnent tous les jours des preuves de talens, d'activité, de courage, qui leur acquièrent des titres à la reconnaissance de l'armée et de la patrie.
Toutes les troupes montrent une patience, une constance et un courage qui donnent l'audace de concevoir les entreprises les plus hardies.
Le chef de bataillon Dussot, qui commande le brave cinquième bataillon de grenadiers, est le même qui a passé, le premier, le pont de Lodi.
Je vous enverrai incessamment la sommation que j'ai faite au gouverneur, et la réponse qu'il m'a faite.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 8 fructidor an 4 (25 août 1796).
Du même au directoire exécutif.
1°. La division du général Sahuguet bloque Mantoue.
Le 7, à trois heures du matin, nous avons à la fois attaqué le pont de Governolo et Borgo-Forte, pour faire rentrer la garnison dans ses murs. Après une vive canonnade, le général Sahuguet, en personne, s'est emparé du pont de Governolo, dans le temps que le général Dallemagne s'emparait de Borgo-Forte. L'ennemi a perdu cinq cents hommes tués, blessés ou prisonniers. La douzième demi-brigade et le citoyen Lahoz se sont distingués.
2°. La division du général Augereau est à Verone.
3°. Celle du général Masséna est à Rivoli. Celle du général Sauret, dont je viens de donner le commandement au général Vaubois, est à Storo, le général Sauret étant malade.
Il a été indispensable de donner quelques jours de repos aux troupes, de rallier les corps disséminés après un choc si violent, et de réorganiser le service des administrations absolument en déroute: il y a de ces messieurs qui ont fait leur retraite tout d'une traite sur le golfe de la Spezzia.
Le commissaire des guerres Salva abandonne l'armée; l'esprit frappé, il voit partout des ennemis; il passe le Pô et communique à tout ce qu'il rencontre la frayeur qui l'égare, il croit les houlans à ses trousses: c'est en vain qu'il court en poste deux jours et deux nuits, rien ne le rassure; criant de tous côtés: sauve qui peut, il arrive à deux lieues de Gênes: il meurt après vingt-quatre heures d'une fièvre violente, dans les transports de laquelle il se croit blessé de cent coups de sabre, et toujours par les terribles houlans. Rien n'égale cette lâcheté que la bravoure des soldats. Beaucoup de commissaires des guerres n'ont pas été plus braves. Tel est, citoyens directeurs, l'inconvénient de la loi qui veut que les commissaires des guerres ne soient que des agens civils, tandis qu'il leur faut plus de courage et d'habitudes militaires qu'aux officiers mêmes: le courage qui leur est nécessaire doit être tout moral; il n'est jamais le fruit que de l'habitude des dangers, J'ai donc senti dans cette circonstance combien il est essentiel de n'admettre à remplir les fonctions de commissaire des guerres, que des hommes qui auraient servi dans la ligne plusieurs campagnes, et qui auraient donné des preuves de courage. Tout homme qui estime la vie plus que la gloire nationale et l'estime de ses camarades, ne doit pas faire partie de l'armée française. L'on est révolté lorsqu'on entend journellement les individus des différentes administrations avouer et se faire presque gloire d'avoir eu peur.
Nous avons à l'armée quinze mille malades, il n'en meurt par jour que quinze ou vingt; mais on dit que le mois de septembre est le moment où les maladies sont plus dangereuses. Jusqu'à cette heure ce ne sont que des fièvres légères. Je viens de visiter les hôpitaux de Milan: j'ai été très-satisfait, ce qui est dû en partie au zèle et à l'activité du citoyen Burisse, agent principal de cette partie.
Je n'ai encore reçu aucune troupe venant de l'Océan; l'on nous a annoncé seulement trois mille hommes composant la sixième demi-brigade, qui arrivent à Milan le 15.
On ne m'a annoncé aucune troupe de la division du général Chateauneuf-Randon, seulement la dixième demi-brigade de ligne, forte de six cents hommes, est arrivée à Nice.
Si les six mille hommes que vous m'avez annoncés du général Chateauneuf-Randon et les treize mille hommes que l'on m'a annoncés depuis longtemps de l'armée de l'Océan étaient arrivés, mon armée se trouverait presque doublée, et j'aurais balayé devant moi l'armée autrichienne. Si ces renforts arrivent dans le courant du mois, nous continuerons à nous trouver dans une position respectable, et dans le cas même de mettre fin à l'extravagance de Naples; mais je crains que vos ordres sur le mouvement de ces troupes ne soient mal exécutés.
Nos demi-galères sont sorties de Peschiera, où elles ont pris dix grosses barques et deux pièces de canon appartenants aux ennemis.
Tout est ici dans une position satisfaisante. Nous attendons la première nouvelle du général Moreau pour nous avancer dans le Tyrol; cependant, si cela tarde encore quelques jours, nous nous avancerons provisoirement jusqu'à Trente. On m'assure que le général Wurmser est rappelé et remplacé par le général Dewins.
Le roi de Sardaigne ayant licencié ses régimens provinciaux, les barbets se sont accrus. Un chariot portant de l'argent a été pillé. Le général Dugard allant à Nice a été tué. J'ai organisé une colonne mobile avec un tribunal contre les barbets, pour en faire justice.
Je ne puis influer d'aucune manière sur les départemens du Var et du Rhône; mon éloignement est tel, que je reçois les lettres beaucoup plus tard que le ministre de la guerre.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 8 fructidor an 4 (18 août 1796).
Au chef de l'état-major.
Vous voudrez bien envoyer les ordres pour qu'il soit réuni, au village de Tende, une colonne mobile composée de cinquante gendarmes du département des Alpes-Maritimes; cinquante gendarmes du département du Var; trois mille deux cents hommes pris dans la division du général Casabianca; deux cents hommes pris à Antibes et aux îles Marguerite; cent cinquante hommes de la garde nationale des Alpes-Maritimes; deux cents hommes de la garde nationale du district de Grasse; deux pièces de canon.
Cette colonne mobile sera commandée par le général Casabianca.