Aventures extraordinaires d'un savant russe: Le Soleil et les petites planètes. H. de Graffigny. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: H. de Graffigny
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066084165
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ce cas, s'écria Fricoulet, employez le phosphore; c'est le procède le plus simple et aussi le plus rapide.

      —J'y pensais, répliqua sèchement Ossipoff.

      Il prit dans la boîte à réactifs un verre à pied qu'il remplit aux deux tiers d'eau distillée, puis, plongeant dans l'eau, il enfonça une éprouvette graduée et contenant exactement cent centimètres cubes d'air, après quoi, il fit passer dans l'éprouvette un long bâton de phosphore humide.

      Cela fait, il alla déposer l'appareil dans un coin et se mit à déballer les autres instruments.

      Alors le jeune comte, qui avait regardé curieusement cette opération, attira Fricoulet en arrière.

      —Explique-moi, lui chuchota-t-il à l'oreille.

      —Le bâton de phosphore que tu vois reluire dans l'ombre, répondit l'ingénieur à voix basse, absorbe l'oxygène de l'air ambiant et se combine avec lui; tout à l'heure, quand le phosphore ne sera plus entouré de fumées blanches et qu'il aura perdu tout son rayonnement, Ossipoff retirera l'éprouvette et, comme elle est graduée, il n'aura qu'à ramener le nouveau volume de gaz à la pression initiale, pour constater qu'une certaine partie en a disparu, absorbée par le phosphore.

      —C'est l'oxygène, n'est-ce pas? fit Gontran.

      —En effet; et le gaz, demeurant dans l'éprouvette, devra être de l'azote...

      —À moins cependant que l'atmosphère lunaire soit autrement composée que l'atmosphère terrestre, ainsi que je l'ai entendu dire à plusieurs reprises par M. Ossipoff.

      À ce moment, le vieillard poussa un cri et, désignant la bougie de Fricoulet:

      —Nous allons nous trouver dans l'obscurité, fit-il.

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      La mèche, en effet, se carbonisait et ne jetait plus que des lueurs vacillantes.

      —Ah! si l'on pouvait faire du gaz, soupira Gontran.

      Ossipoff frappa ses mains l'une contre l'autre:

      —Pourquoi pas? exclama-t-il, j'entends du gaz liquide; c'est très simple, puisque nous avons de l'alcool et de la térébenthine.

      Et pendant qu'il faisait le mélange dans un flacon de verre ordinaire, Fricoulet fabriquait, à l'aide d'une bande de coton, une mèche qui, plongée dans le liquide et allumée, s'enflamma aussitôt, répandant une lueur éclatante.

      Gontran était stupéfait.

      —Oh! ces hommes de science! pensa-t-il.

      Mais déjà Ossipoff était passé à une autre occupation, et tout en rangeant ses instruments, il disait:

      —Il ne faut pas nous en tenir à l'air; car l'eau doit également concourir à notre nutrition; vous avez été, tout comme moi, à même de remarquer que l'eau lunaire a un goût tout différent de l'eau des fleuves et mers terrestres... J'ai idée que l'analyse nous y fera découvrir quelque élément dont nous pourrons tirer parti... cette analyse, je vous propose de la faire par la pile électrique, laquelle nous donnera le rapport du volume des gaz, et ensuite, par l'évaporation qui laissera des résidus dont il nous sera facile de connaître la nature; hein! approuvez-vous cette manière de faire?

      Gontran, auquel cette question était plus spécialement posée, hocha la tête d'un air entendu.

      —Assurément, répondit-il; cette marche me paraît être celle qu'il faudrait suivre, si...

      —Si?...

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      —Si nous étions en possession de l'instrument indispensable, c'est-à-dire de la pile électrique.

      —Là n'est point l'obstacle, répliqua Fricoulet, car nous pouvons en construire une facilement.

      Et, au regard interrogateur du jeune comte, il répondit:

      —Le zinc qui double cette boîte, les sous que les uns et les autres nous avons dans nos poches, enfin un peu de drap emprunté à nos vêtements, ne voilà-t-il pas tous les éléments constitutifs d'une pile; nous la mouillerons d'eau additionnée d'un peu d'acide sulfurique, et le courant que nous obtiendrons sera plus que suffisant pour produire l'électrolyse du liquide...

      Et comme Gontran s'extasiait:

      —Ce procédé n'a rien de neuf, ajouta le jeune ingénieur; il date de l'an 1800 et fut employé par Nicholson et Carlisle pour faire la première analyse de l'eau terrestre.

      Tout en parlant, il avait découpé en rondelles un morceau du pan de sa redingote, pendant que Ossipoff en faisait autant du zinc arraché au couvercle de la boîte.

      Et M. de Flammermont les regardait monter la pile, en hochant la tête d'un air de doute.

      En dépit des explications qui lui avaient été fournies, il ne pouvait se faire à l'idée que de toutes ces manipulations sortirait quelque chose de nutritif et de stomachique.

      —Parbleu! pensait-il, s'il en était ainsi qu'ils le prétendent, l'expression terrestre «vivre de l'air du temps» se trouverait être juste!... et ce serait par trop bizarre.

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      Tout à coup il poussa une légère exclamation qui attira l'attention d'Ossipoff et de ses compagnons.

      —Qu'y a-t-il donc? demanda Fricoulet.

      —Le bâton de phosphore est éteint, répliqua M. de Flammermont.

      Le vieillard abandonna la pile aux mains de l'ingénieur et s'en fut chercher l'appareil.

      Après avoir retiré le phosphore de l'éprouvette et fait rapidement ses calculs, il s'écria triomphalement:

      —Hurrah!... je ne m'étais pas trompé dans mes suppositions.

      —Auriez-vous trouvé par hasard, un mouton dans cette éprouvette? demanda plaisamment le jeune comte.

      Ossipoff sourit et répliqua:

      —Non; mais quelque chose assurément qui pourrait peut-être remplacer la chair de ce quadrupède.

      Gontran ouvrit de grands yeux.

      —Il y a, poursuivit le père de Séléna, qu'au lieu d'être composé, comme sur la terre, de soixante-dix-neuf parties d'azote pour vingt-une parties d'oxygène, l'air que nous respirons est composé de volumes égaux de ces deux gaz!

      —Eh! s'écria Fricoulet, voilà pourquoi nous n'éprouvons aucune souffrance de la basse pression de l'air.

      Un instant après, Ossipoff et l'ingénieur demeuraient courbés sur le voltamètre, examinant en silence les bulles de gaz qui se dégageaient de la pile et remplissaient les éprouvettes.

      —C'est bizarre! murmura le vieillard à mi-voix.

      Fricoulet prit une goutte de l'eau soumise à l'analyse et l'étendit sur sa main.

      —Parbleu! exclama-t-il, j'en étais sûr.

      —De quoi étiez-vous sûr? demanda le vieux savant.

      L'ingénieur examina encore méticuleusement la goutte d'eau, et répondit:

      —Cette eau, pas plus que l'air lunaire, n'est composée de même que sur terre.

      —Que prétendez-vous donc?

      —Qu'elle contient deux fois autant d'oxygène que l'eau terrestre et qu'elle est composée de trois volumes de ce gaz pour un d'hydrogène.

      —Mais, en ce cas, fit Gontran, c'est