Aventures extraordinaires d'un savant russe: Le Soleil et les petites planètes. H. de Graffigny. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: H. de Graffigny
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066084165
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où cette force, diminuant constamment, deviendra absolument nulle. C'est pourquoi, représentant par v la vitesse de l'appareil et en le multipliant par L 189, intensité de la pesanteur à la surface lunaire, je les divise par V (Vénus), plus P (notre poids), j'en prends la racine carrée et j'arrive à ce résultat: à 980,400 kilomètres de la Lune, nous nous arrêterons.

      M. Ossipoff avait écouté, sans les interrompre, les calculs de l'ingénieur.

      Quand celui-ci eut fini, le vieillard demeura, quelques instants encore, plongé dans ses réflexions, puis enfin il murmura:

      —C'est juste... fort juste... mais alors...

      Il regarda alternativement ses deux compagnons et ajouta:

      —Il faudrait que l'un de nous demeurât ici pour alléger l'appareil.

      Fricoulet sourit:

      —En ce cas, fit-il, je ne vois que moi auquel puisse convenir ce rôle d'abandonné, car ni vous ni Gontran, l'un le père, l'autre le fiancé, ne pouvez vous dérober au devoir qui vous incombe de courir après le ravisseur de Séléna.

      —Je n'osais point vous le proposer, ajouta le vieillard, mais puisque vous reconnaissez vous-même qu'il n'y a pas moyen de faire autrement...

      Mais cette combinaison n'était nullement du goût de M. de Flammermont.

      Se séparer de Fricoulet! Fricoulet, son inspirateur, celui qui lui tendait la perche pour le sortir des bains dangereux dans lequel le plongeaient, à tous moments, les questions embarrassantes de M. Ossipoff.

      Autant renoncer tout de suite à Séléna.

      Non, cela ne pouvait être, cela ne serait pas: Fricoulet faisait partie de Gontran, l'ingénieur était la face scientifique du diplomate; les séparer l'un de l'autre, c'était détruire entièrement le Flammermont que connaissait M. Ossipoff et qui avait séduit le père de Séléna.

      —Eh bien! dit tout à coup le vieillard en remarquant la mine absorbée de son futur gendre, qu'avez-vous donc, on dirait que cette combinaison ne vous va pas?

      —Alcide est un ami d'enfance, répondit le jeune homme avec une émotion admirablement bien jouée, et vous devez comprendre que je ne puisse, de gaieté de cœur, l'abandonner.

      —Préféreriez-vous renoncer à Séléna? répliqua le savant non sans quelque aigreur.

      —À Dieu ne plaise! s'écria vivement le comte, mais puisque c'est la question de poids qui nous gêne, ne pourrait-on, au lieu de se séparer de Fricoulet, se séparer d'une partie de l'appareil.

      Le vieux savant eut un formidable haut-le-corps.

      —Se séparer de l'appareil! exclama-t-il, vous n'avez pas, je suppose, la prétention de vous envoler, comme un atome, dans un rayon lumineux.

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      —Cela serait-il bien impossible? riposta le jeune homme.

      Puis, sans laisser à Ossipoff, qui le considérait avec des yeux hagards d'étonnement, le temps de relever cette énormité, il poursuivit gravement:

      —Au surplus, une semblable audace ne m'est point venue à l'esprit; mais il me semble qu'en cherchant bien, on pourrait trouver un moyen d'alléger notre véhicule.

      Il parlait lentement, scandant ses mots, hachant ses phrases, surveillant du coin de l'œil Fricoulet qui, tout en paraissant réfléchir profondément, se livrait à une mimique expressive.

      Ossipoff répondit:

      —Comme Telingâ m'a affirmé que nous ne pourrions être prêts à partir avant quatre fois vingt-quatre heures, réfléchissez à ce que vous venez de me dire, et si vous trouvez le moyen dont vous me parlez, je serai le premier à l'adopter... vous ne doutez pas que je me résigne avec peine à me séparer de M. Fricoulet.

      Et, avec une grimace en opposition avec les paroles qu'il venait de prononcer, il serra les mains de l'ingénieur.

      —Mais, ajouta-t-il, au cas où, en dépit de tous vos efforts, l'appareil devrait rester tel qu'il est actuellement et où il faudrait nous alléger...

      —Alors, poursuivit Fricoulet en souriant, vous me jetterez pardessus bord, ni plus ni moins qu'un sac de lest.

      Ossipoff inclina la tête affirmativement et, tournant les talons, s'en fut rejoindre Telingâ en compagnie duquel il devait se rendre au wagon de Fédor Sharp, afin de s'y livrer à une minutieuse perquisition, en ce qui concernait tous les objets dont il pouvait avoir besoin, tels que: couvertures, vêtements de rechange, appareils scientifiques, armes, etc.

      À peine eut-il laissé seuls les deux jeunes gens, que M. de Flammermont s'écria:

      —Eh bien! tu es encore gentil, toi!... comment! tu sais que je n'entends pas un traître mot à toutes ces combinaisons de vitesse, de poids, etc., tu t'amuses à me faire jongler avec des chiffres, et tu me laisses le bec dans l'eau.

      L'ingénieur haussa les épaules.

      —Tu as un aplomb si surprenant, répondit-il, que je cherche toutes les occasions de te le voir déployer.

      —C'est fort bien, riposta Gontran d'un ton piqué, il n'en est pas moins vrai que tu m'as fait soulever un lièvre, et que ce lièvre, il faut que je le tue.

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      —Bast! tu le tueras, sois tranquille, ces machines-là, tu sais bien que ça me connaît; donne-moi seulement quelques heures et tu seras satisfait.

      —Moi, cela est indifférent, c'est Ossipoff qu'il s'agit de satisfaire.

      —Eh bien! il le sera.

      Sur ces mots, l'ingénieur, laissant M. de Flammermont surveiller les travaux, regagna le souterrain afin de pouvoir se livrer en paix à ses méditations et à ses recherches.

      Une heure ne s'était pas écoulée qu'il accourait triomphant auprès du comte:

      —Eh bien? dit celui-ci.

      —Eh bien! ça y est! vois plutôt.

      Et il étala, sous les yeux de son ami, un croquis rapide, en disant:

      —Étant établi que notre poids total était trop considérable pour que l'appareil pût nous faire franchir la distance qui nous sépare de Vénus, il fallait forcément diminuer ce poids, pour cela deux moyens se présentaient: soit vous débarrasser de moi, soit vous débarrasser de l'appareil, tu as opté pour le second de ces moyens, je n'attendais pas moins de ton amitié.

      —Pardon, pardon, s'écria Gontran, je n'ai jamais parlé de nous débarrasser de l'appareil.

      —Voilà où nous ne sommes pas d'accord, car c'est là-dessus qu'est basée ma combinaison.

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      —As-tu donc l'intention de nous faire voyager à cheval sur un courant électrique?

      —Tu plaisantes, moi je parle sérieusement et je vais t'en convaincre: Les nouveaux calculs auxquels je viens de me livrer établissent que l'appareil, tel qu'il est organisé, sera suffisant pour nous conduire jusqu'aux confins de la zone d'attraction lunaire; une fois là, par exemple, les ondes vibratoires seront sans influence sur lui, alors nous l'abandonnerons.

      —Tu en parles bien à ton aise! exclama Gontran, nous l'abandonnerons! mais qu'est-ce que nous devenons, nous?

      Fricoulet sourit de l'inquiétude de son ami.

      —Nous, poursuivit-il, nous restons où nous sommes, c'est-à-dire dans cette logette de trois mètres de haut sur trois mètres de large enclavée dans la partie supérieure