« Tu pourrais ne pas vouloir ce que je moi je désire » ajouta-t-il doucement.
Je souris. Il était difficile d’imaginer vouloir quelqu’un d’autre en ce moment. Mais c’était un homme, un vieil ami, et je me souvins de Federica.
« Et bien…, j’hésitai. Vraiment je… Je m’interrompis et le vis élargir les lèvres en un sourire candide et innocent.
— J’ai peut-être été trop présomptueux. Tu n’as peut-être pas envie d’en parler, dit-il en haussant les sourcils.
Je secouai la tête.
— Non, pas de problème. Mais je vois quelqu’un ces derniers jours.
Il m’étreignit encore plus fort.
— Elle te plaît ?
— Je pense que oui.
— Tu crois vraiment que si c’était le cas, tu arriverais à rester dans mes bras comme ça ? » Ses mains et ses propos continuaient à me transmettre de la chaleur.
Je le regardai droit dans les yeux et alors que nous commencions tous deux à sourire, je dis : « C’est possible.
Angelo m’embrassa sur les lèvres :
— Ne nous créons pas de problèmes. C’est tellement bon de pouvoir te tenir contre moi après tout ce temps que ce serait vraiment idiot de se poser des problèmes pour ça.
— Je suis d’accord, mais allons-y doucement. Je ris en reprenant contenance.
— Juste une chose cependant, ajouta Angelo avec une lueur malicieuse dans le regard tandis qu’il remontait mon jean.
— Quoi ?
— Tu devras me dire tout ce que tu sais sur cette fille.
Je levai la tête pour rencontrer de nouveau ses yeux.
— Pourquoi je devrais le faire ?
Il sourit et répondit :
— Parce que j’aurai plus de possibilités de gagner en connaissant l’adversaire.
Je ris de bon cœur.
— Je suis flatté, mais tu fais passer ça pour un étrange défi. Ce n’est pas un match de foot.
— Non, c’est absolument beaucoup plus important qu’un match. Mais sérieusement, le temps est passé et je ne sais plus quel type de femme t’attire. Il sourit et me passa un doigt sur le nez. Si je me souviens bien, nous avions des goûts très différents tous les deux.
— Évidemment. Tu les aimais belles et stupides ! dis-je en souriant avec sarcasme.
— Peut-être, répondit-il en me regardant fermer ma ceinture. Mais je les aimais.
— Mais bien sûr ! Tu ne les aimais pas du tout ! Tu aimais leur décolleté et tu aurais dit vouloir les épouser toutes juste pour avoir le triangle magique qu’elles tenaient caché entre leurs jambes. »
Nous explosâmes d’un rire retentissant, puis il se fit sérieux et s’approcha : « Et puis je t’en parlais et tu gâchais tout. C’est toi qui m’empêchais d’être sérieux avec les femmes. Je n’arrivais pas à penser à elles quand j’étais avec toi.
— Mais pas avec Agata, je répondis dans un sarcasme doux et voilé.
— Non, pas avec elle. »
Nous nous fixâmes en silence et je me demandai si l’attirance entre nous avait toujours été aussi forte, quoique réprimée et ignorée, et si les émotions et les pensées avaient toujours été celles que nous éprouvions à l’instant.
« Je crois que nous devrions y aller, il est temps de se remuer, dit-il soudain. Ses yeux étaient pénétrants alors qu’il s’approchait de nouveau. Ou bien on peut rester ici, toi et moi, et passer la journée ensemble.
— Ce serait trop facile, tu ne crois pas ? Je ne suis pas une jeune fille aux mœurs légères moi ! » Je le dis en imitant une voix féminine et mimant des gestes qui me rendaient gentiment efféminé.
Il sourit, mais son regard se fit sombre et triste : « Honnêtement, je ne sais pas si ça a été si facile de t’embrasser. Ça nous a pris toute une vie. Et je suis encore moins sûr que ce soit facile de te faire mien. Il fit une courte pause. Tant d’années sont passées. »
Je détournai les yeux des siens, ils étaient trop dangereux.
« Bien, je prends deux-trois affaires et je suis prêt. Allons-y. »
Je m’emparai d’un petit sac dans lequel j’avais mis quelque chose à manger. Nous sortîmes quelques minutes plus tard et, avec la voiture d’Angelo, une Saab rouge, prîmes l’autoroute qui menait à l’échangeur de Mondello.
Le voyage fut agréable. L’air de mai était doux et empreint du parfum des arbres, d’agrumes et de sel.
Alors que la voiture s’engageait dans le premier tunnel, à la hauteur d’Isola Delle Femmine, Angelo lança : « C’est mieux que tu te prépares.
— Me préparer à quoi, Angelo ? Tu sais à quel point je suis curieux.
Angelo secoua la tête.
— Parce que le Manoir de Mondello pourrait t’apparaître bien différent que dans ton souvenir. Tu n’y vas plus depuis combien de temps ?
— Oh mon Dieu, bonne question ! Laisse-moi réfléchir. Au moins douze ans, j’étais dans ma dernière année de lycée. Nous sommes allés y trouver mon grand-père avec mes parents cet été-là. C’est l’année où il nous a dit qu’il vendrait le domaine et qu’il avait déjà une offre d’un acquéreur potentiel. Il disait qu’il observerait la plus grande discrétion parce qu’il s’agissait d’un footballeur de l’unione sportiva Città di Palermo. Je fis une pause et regardai Angelo. Je me demande pourquoi il n’a jamais rien dit. Pourquoi garder secrète la propriété du Manoir de Mondello, tu le sais ?
Angelo esquissa un demi sourire :
— Giovanni aimait s’entourer de secrets. Mais je ne sais que ce que tu as lu dans son testament. Il ne l’a pas vendu à cause du décès de tes parents.
— Mais pourquoi garder le secret ? Pourquoi faire semblant de l’avoir vendu ?
Angelo me regarda un instant seulement, le regard fuyant de celui qui sait quelque chose et rit sous cape. Puis il soupira face à mon insistance et lâcha :
— Je ne sais pas si je dois et si je peux te le dire, vraiment.
— Tu te moques de moi ? J’étais furieux.
— Non, mais c’est une confidence que m’a faite Giovanni. N’oublie pas que j’étais son avocat et que j’ai été proche de lui jusqu’à sa mort.
— Et toi, n’oublie pas que je suis son petit-fils et que j’ai le droit de savoir.
— Laissons