Elle prit à droite dans une rue plus fréquentée, se faufila parmi les piétons qui marchaient lentement, retira sa veste et son bonnet en couleur afin de ne pas se faire repérer. Elle fourra les vêtements sous son bras, atteignit un autre croisement, jeta un coup d'œil derrière elle et prit de nouveau à gauche.
Elle n'avait pas été suivie mais il pouvait toujours la rattraper – pire, deviner où elle irait et l'attendre.
Une lueur d'espoir, un refuge, elle se trouvait devant la fameuse “Pensione” repérée précédemment. Nulle trace de Vadim.
Cassie s'y précipita, priant pour entrer et se mettre à l'abri, juste à temps.
La musique de l'auberge s'entendait depuis la rue, un portillon blanc peu robuste était entrouvert.
Cassie le poussa, un bruit sourd retentissait dans l'étroit escalier de bois. Des voix, des rires, de la fumée de cigarette montaient jusqu'à elle.
Elle jeta un coup d'œil derrière elle mais personne.
Il avait peut-être laissé tomber. Désormais en lieu sûr, elle se demandait si elle n'avait pas un peu exagéré. Cette camionnette n'était peut-être qu'une coïncidence. Vadim comptait peut-être simplement la ramener chez lui.
Quoiqu'il en soit, il n'avait pas tenu promesse, il avait essayé de l'enlever en la voyant hésiter. La peur s'empara d'elle, il s'en était fallu de peu.
Quelle idiote de tout déballer au premier venu, dire qu'elle était seule, que personne ne savait où elle était, qu'elle recherchait quelqu'un en pure perte. Cassie reprit son souffle, elle s'en voulait pour son épouvantable stupidité. Raconter l'histoire de Jacqui à un parfait inconnu qui ne la jugeait pas s'était avéré un réel soulagement. Elle n'avait pas réalisé ce qu'elle risquait de partager d'autre.
Le portillon de sécurité en haut des escaliers était fermé. Il donnait accès à un petit hall d'entrée inoccupé, un bouton sur le mur indiquait, en plusieurs langues, dont l'anglais “Sonnez.”
Cassie sonna, elle espérait qu'on entendrait la sonnette malgré la musique assourdissante.
Répondez, je vous en supplie.
La porte donnant sur le hall s'ouvrit, une rousse vénitienne de l'âge de Cassie s'avança, surprise de la voir.
"Buona sera."
"Vous parlez anglais ?" demanda Cassie, elle priait pour que la femme soit bilingue et comprenne qu'elle doive entrer au plus vite.
Au grand soulagement de Cassie, elle lui répondit en anglais avec un accent allemand.
"Que puis-je pour vous ?"
“J'ai besoin d'une chambre à tout prix. Vous avez de la place ?”
La rousse réfléchit un moment.
"Non," dit-elle en secouant la tête, Cassie était déçue au possible. Elle regarda derrière elle, elle craignait d'avoir entendu des pas dans l'escalier, il s'agissait certainement du martèlement de la musique provenant de la pension.
"Je peux entrer s'il vous plaît ?"
"Bien sûr. Ça va ?"
La femme ouvrit la porte. Cassie sentit le métal froid vibrer sous ses mains lors du déverrouillage, elle s'assura de bien refermer la porte derrière elle.
Elle était enfin en lieu sûr.
"J'ai fait une mauvaise rencontre. Un homme m'a proposé de m'accompagner jusqu'ici mais nous avons fini par prendre une autre direction. Il m'a attrapée par le bras quand je me suis rendu compte que quelque chose clochait, j'ai réussi à me libérer."
La femme était stupéfaite, visiblement sous le choc.
"Heureusement que vous vous en soyez sortie. Ce quartier de Milan n'est pas sûr le soir. Entrez au bureau. Je vous ai mal compris. Toutes les chambres individuelles sont réservées, je peux vous proposer un dortoir, si ça vous va."
"Merci infiniment. Ça ira."
Soulagée de ne pas devoir arpenter les rues sombres, Cassie suivit la femme dans le hall jusqu'à un petit bureau dont la porte indiquait "Direction."
Cassie régla sa chambre. Elle réalisa, une fois encore, que le tarif était horriblement élevé. Milan était une ville chère, vivre ici coûtait une blinde.
"Vous avez des bagages ?"
Cassie secoua la tête. "Je les ai laissés dans ma voiture, à des kilomètres."
À son grand étonnement la femme opina du chef, comme si c'était banal.
"Vous aurez besoin d'un nécessaire de toilette au dortoir."
La brosse à dents, le dentifrice, le savon et le t-shirt en coton lui sauvaient la vie, Cassie dû débourser quelques euros supplémentaires.
"Votre chambre est au bout du couloir. Votre lit est près de la porte, vous avez un casier."
"Merci."
"Le bar est par ici. Nous proposons à nos clients la bière la moins chère de Milan." Elle posa la clé du casier sur le comptoir en souriant.
"Je m'appelle Gretchen."
"Et moi Cassie."
Cassie se rappela la raison de sa présence et demanda "Vous avez un téléphone ? Internet ?"
Elle retint son souffle en attendant la réponse de Gretchen.
"Les clients peuvent téléphoner du bureau en cas d'urgence. Vous pouvez appeler et avoir accès à un ordinateur de plusieurs magasins à proximité. Ils sont indiqués sur le tableau d'affichage à côté de l'étagère, vous y trouverez également un plan."
"Merci."
Cassie jeta un coup d'œil derrière elle. Elle avait repéré le panneau d'affichage en entrant, près de l'étagère. Un grand tableau couvert de bouts de papier.
"Nous affichons également les offres d'emploi. Nous visitons les sites tous les jours et imprimons les annonces. Les gens nous contactent parfois directement quand ils ont besoin d'une aide à temps partiel, serveur, rangement, ménage par exemple. Ces emplois sont en général payés cash, à la journée."
Elle adressa un sourire compatissant à Cassie, comme si elle savait ce que ça faisait de se retrouver à l'étranger sans argent.
"La plupart des clients trouvent facilement du travail, si vous cherchez un emploi, dites-le-moi."
"Merci infiniment."
Elle fila droit vers le panneau d'affichage.
Une liste recensait cinq lieux à proximité avec téléphone et internet, Cassie retint son souffle en voyant indiqué Cartoleria, fraîchement barré d'un "Fermé".
Il y avait de l'espoir, Cassie décida de demander à Gretchen si elle pouvait vérifier le registre des clients. Elle se rendit au salon, la directrice venait d'ouvrir une bière et s'était assise sur un canapé parmi un groupe hilare.
"Tiens, une cliente."
Un homme grand et mince à l'accent anglais, plus jeune que Cassie, se leva et ouvrit le réfrigérateur.
"Je m'appelle Tim. Qu'est-ce que je te sers ?"
La voyant hésiter "Y'a une promo sur la Heineken."
"Merci."
Elle paya, il lui passa la bouteille glacée. Deux brunes, visiblement des jumelles, s'installèrent sur un des canapés pour lui faire de la place.
"Je suis venue dans l'espoir de retrouver ma sœur," dit-elle, légèrement nerveuse.
"L'un d'entre vous l'a peut-être connue, elle est peut-être descendue ici. Elle est blonde – du moins elle l'était la dernière fois que je l'ai vue.