Une Cour de Voleurs . Морган Райс. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Морган Райс
Издательство: Lukeman Literary Management Ltd
Серия: Un Trône pour des Sœurs
Жанр произведения: Героическая фантастика
Год издания: 0
isbn: 9781640292949
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      Sophia déglutit à cette idée. Elle ne s'était pas rendu compte du soin avec lequel elles avaient dissimulé les stigmates de sa torture sous le gris terne de sa robe fourreau. Une fois de plus, elle se mit à penser à des fermiers, même si, maintenant, il s'agissait plutôt de la sorte de maquignon qui pourrait teindre la robe de son cheval pour le vendre plus cher.

      Elles l'emmenèrent dans les couloirs de l'orphelinat. A ce moment-là, il n'y avait plus personne pour regarder. Elles ne voulaient pas que les enfants voient cette partie de l'histoire, probablement parce que cela leur rappellerait trop le destin qui les attendait. Cela les encouragerait à s'enfuir alors que la correction de la nuit dernière les avait probablement terrifiés et convaincus de ne jamais oser le faire.

      De toute façon, maintenant, elles se dirigeaient vers les sections de la Maison des Oubliés où les enfants n'allaient pas, vers les espaces réservés aux sœurs et à leurs visiteurs. Ils étaient dépouillés pour la plupart même si, çà et là, on voyait des traces de richesse, des chandeliers dorés ou l'éclat de l'argent sur le pourtour des masques de cérémonie.

      Pour l'orphelinat, la pièce où elles emmenèrent Sophia était quasiment somptueuse. Elle ressemblait un peu au salon de réception d'une maison noble avec ses chaises contre les murs, chacune accompagnée d'une petite table avec une coupe de vin et une assiette de friandises. Au bout de la pièce, il y avait une table derrière laquelle se tenait la sœur O’Venn, un parchemin en vélin plié à côté d'elle. Sophia devina que ce devait être le récapitulatif de son contrat synallagmatique. Allaient-elles lui communiquer le montant pour lequel elles allaient la vendre ?

      “La règle veut”, dit la sœur O’Venn, “que nous te demandions, avant de vendre ton contrat synallagmatique, si tu as les moyens de rembourser ta dette envers la déesse. Le montant est ici. Viens, misérable, et vois combien tu vaux réellement.”

      Sophia n'avait pas le choix; elles l'emmenèrent à la table et elle lut le montant. Elle ne fut pas étonnée de trouver tous les repas et toutes les nuit d'internat notés sur le parchemin. Le montant était si élevé que Sophia recula instinctivement.

      “As-tu les moyens de payer cette dette ?” répéta la sœur.

      Sophia la regarda fixement. “Vous savez que non.”

      Il y avait un tabouret au milieu de la salle, sculpté en bois dur et complètement incongru par rapport au reste de la salle. La sœur O’Venn le montra du doigt.

      “Alors, tu vas t'asseoir là et le faire avec humilité. Tu ne parleras que si on te le demande. Tu obéiras immédiatement à toutes les instructions. Si tu ne le fais pas, tu seras punie.”

      Sophia souffrait trop pour désobéir. Elle alla au tabouret et s'assit, gardant les yeux suffisamment baissés pour ne pas attirer l'attention des sœurs. Malgré cela, elle regarda quand des silhouettes entrèrent dans la pièce, des hommes et des femmes, tous visiblement riches. Cela dit, Sophia ne pouvait guère en voir plus parce qu'ils portaient des voiles qui ressemblaient à ceux des sœurs, probablement pour que personne ne sache qui voulait l'acheter comme une tête de bétail.

      “Merci d'être venus si vite”, dit la sœur O’Venn. Maintenant, sa voix avait l'onctuosité de celle d'un marchand qui vantait les mérites d'une soie ou d'un parfum de grande qualité. “J'espère que vous trouverez votre bonheur. Veuillez prendre le temps d'examiner la fille puis faites-moi vos offres.”

      Alors, ils encerclèrent Sophia et la fixèrent du regard comme un cuisinier aurait pu examiner une pièce de boucherie au marché en se demandant à quoi elle pourrait être bonne et en essayant de voir si elle portait des traces de moisissure ou si elle avait trop de nerfs. Une femme ordonna à Sophia de la regarder et Sophia fit de son mieux pour obéir.

      “Elle a un bon teint”, dit la femme, “et je suppose qu'elle pourrait être assez jolie.”

      “Dommage qu'on ne puisse pas la voir avec un garçon”, dit un gros homme avec un soupçon d'accent qui suggérait qu'il venait de l'autre rive du Knifewater. Ses soieries coûteuses étaient tachées d'une vieille sueur dont la puanteur était déguisée par un parfum qui aurait probablement mieux convenu à une femme. Il jeta un coup d’œil vers les sœurs comme si Sophia n'était pas là. “A moins que vous n'ayez changé d'avis, mes sœurs ?”

      “Ce lieu appartient encore à la Déesse”, dit la sœur O’Venn, et Sophia entendit une franche désapprobation dans sa voix. Il était étrange qu'elle refuse ce genre de chose, elle qui ne refusait presque rien d'autre, se dit Sophia.

      Elle essaya de se servir de son talent, de lire autant que possible dans les pensées des personnes présentes. Cela dit, elle ne savait pas ce qu'elle espérait accomplir parce qu'elle ne connaissait aucun moyen d'exercer une quelconque influence sur l'opinion qu'ils avaient d'elle d'une façon ou d'une autre. En fait, cela ne lui donnait que la possibilité de voir les mêmes cruautés, les mêmes buts violents, encore et encore. Tout ce qu'elle pouvait espérer, c'était la servitude. Le pire la faisait frissonner de peur.

      “Mmm, elle est vraiment belle quand elle frissonne comme ça”, dit un homme. “Elle est trop belle pour les mines, à mon avis, mais je vais quand même faire mon offre.”

      Il alla rejoindre la sœur O’Venn et lui murmura un montant. Un par un, les autres firent de même. Quand ils eurent terminé, la sœur O’Venn regarda dans la pièce.

      “Actuellement, c'est Maître Karg qui a fait l'offre la plus généreuse”, dit la sœur O’Venn. “Quelqu'un souhaite-t-il proposer plus ?”

      Deux ou trois personnes semblèrent envisager de le faire. La femme qui avait voulu regarder Sophia dans les yeux s'avança vers la sœur masquée et murmura probablement un autre montant.

      “Merci à tous”, dit finalement la sœur O’Venn. “Nous en avons terminé. Maître Karg, le contrat synallagmatique vous appartient, maintenant. Je dois vous rappeler que, s'il est remboursé un jour, cette fille sera libre de s'en aller.”

      Le gros homme laissa échapper un rire méprisant sous son voile, qu'il retira pour montrer un visage rougeaud avec beaucoup trop de mentons et enlaidi par la présence d'une moustache foisonnante.

      “Cela n'est jamais arrivé avec mes filles”, répliqua-t-il. Il tendit une main grassouillette. La sœur O’Venn prit le contrat et le lui tendit.

      Les autres personnes présentes produisirent de petits sons d'irritation mais Sophia entendit que plusieurs d'entre eux pensaient déjà à d'autres possibilités. La femme qui avait élevé son offre pensait que c'était dommage d'avoir perdu mais seulement comme si un de ses chevaux venait de perdre une course contre ceux de ses voisins.

      Pendant tout ce temps-là, Sophia resta assise, figée par l'idée que toute sa vie allait si facilement être confiée à quelqu'un d'autre qu'elle. Quelques jours auparavant, elle avait été sur le point d'épouser un prince et maintenant … maintenant, elle était sur le point de devenir la propriété de cet homme ?

      “Il reste juste le problème de l'argent à régler”, dit la sœur O’Venn.

      Le gros homme, Maître Karg, hocha la tête. “Je vais m'en occuper dès maintenant. Quand on a un navire à prendre, il vaut mieux payer en liquide qu'en promesse de banquier.”

      Un navire ? Quel navire ? Où cet homme prévoyait-il de l'emmener ? Qu'allait-il faire d'elle ? Les réponses à cette question étaient très faciles à trouver dans ses pensées et cette idée suffit à pousser Sophia à se lever à moitié, prête à s'enfuir.

      De fortes mains la saisirent. Une fois de plus, les sœurs lui immobilisèrent les bras. Maître Karg la regarda avec un mépris nonchalant.

      “Emmenez-la dans mon chariot, d'accord ? Je vais régler les choses ici et ensuite …”

      Et ensuite, Sophia vit que sa vie allait devenir une chose encore plus horrible. Elle voulait se battre mais, alors que les autres l'emmenaient, elle ne pouvait rien faire. Rien du tout.