â Très bien, dit Michael qui laissa passer un silence tout en sachant que Kane détestait encore plus la tactique du silence que la tentative d'une discussion. Il adorait avoir raison.
Kane s'avança jusqu'au bord du toit, rétablissant de la distance entre eux. Il avait oublié comment Michael pouvait s'approcher de quelqu'un sans faire le moindre bruit⦠ça faisait longtemps que ça n'était pas arrivé. Il lança :
â Raven semblait un peu déçu que son armée ne soit pas au complet dans l'entrepôt qui lui servait de planque... certains de ses sbires manquaient à l'appel. Ma théorie est que les vampires qui étaient absents de notre petite fête macabre avaient sûrement besoin d'un endroit où passer la journée, alors je vais aller faire un petit tour pour vérifier tout ça. »
Michael ne dit pas un mot lorsque Kane sauta à nouveau du toit pour atterrir sur le trottoir en-dessous. Alors qu'il s'apprêtait à imiter Kane en s'approchant du bord, quelque chose sur le toit de l'immeuble de l'autre côté de la rue retint son attention.
Jetant un coup dâÅil dans cette direction, Michael surprit le mouvement d'une ombre qui disparaissait de son champ de vision. Quelque chose dans cette ombre lui semblait familier mais il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus.
Kane était-il suivi ou était-ce lui la cible ? Essayant de mettre cette pensée de côté pour l'instant, il baissa les yeux et sourit triomphalement en se laissant tomber. Bien qu'il n'avait plus Kane sous les yeux, et qu'il connaissait le chemin menant à l'entrepôt, au lieu de suivre une route il choisit d'emprunter celle que traçait son propre sang dans les veines de Kane. Le temps d'arriver jusqu'à l'entrepôt, il entendit les cris des vampires que Kane avaient pris au dépourvu.
Il s'arrêta sur le seuil de l'entrée du bâtiment, employant sa vision pour voir dans l'obscurité de l'immense salle. Kane avait déjà deux vampires sur lui et il y en avait bien plus qui semblaient penser que la tactique de l'attaque collective était une bonne idée. Se faufilant à l'intérieur, Michael referma la porte derrière lui et s'avança dans la direction des échos que faisait la voix de Kane.
« Laisse-moi m'en occuper. Contente-toi de ne pas te laisser dépasser par les autres, dit un Kane un peu essoufflé pendant qu'il tordait le cou du vampire qui tentait de lui trancher la gorge. Il bondit lorsque des crocs s'enfoncèrent dans son épaule, lui faisant perdre sa prise sur son premier adversaire.
Michael haussa tellement les sourcils qu'ils disparurent sous sa tignasse fouettée par le vent, mais il retourna sur ses pas afin de s'adosser contre la porte.
â D'accord, si tu es sûr de toi.
Il croisa les bras sur sa poitrine et se laissa aller contre le métal.
â Bon, eh bien⦠je m'ennuie, là , dit-il après un moment avant de regarder les vampires sans âme qui ne s'étaient pas encore joints à la bataille. Je suppose que l'un d'entre vous ne me fera pas l'honneur de s'enfuir ? ajouta-t-il à leur intention.
Quand Kane entreprit de décapiter le premier vampire qu'il affrontait, l'une des lignes de touche se retourna pour faire exactement ce que Michael avait prévu, mais Kane allongea un bras et saisit son ami par la veste en cuir qu'il portait.
â Je ne crois pas, non, grommela-t-il en le faisant participer à la mêlée.
â Ta maman ne t'a donc jamais appris à partager ? répliqua Michael avec un sourire, en regardant Kane mettre le vampire à terre.
Il comprit que Kane avait besoin de la douleur pour l'aider à se sentir vivant en cet instant. Il ne doutait pas que Kane serait le dernier vampire encore debout et que ce lâcher de haine et de violence pourrait bien aider son ami à s'ouvrir à lui⦠Une thérapie idéale, en somme.
â Ma mère était une voleuse, répondit Kane, en faisant un bond et en poussant des deux pieds sur le torse d'un vampire qui lui fonçait dessus tête baissée. Le vampire vola dans les airs et Kane atterrit sur le dos. Lançant ses jambes vers l'avant, il retomba sur ses pieds en un instant. Elle ne croyait pas au partage, ajouta-t-il.
â Nous savons tous les deux que ta mère n'était pas une voleuse, le réprimanda Michael. C'était une dame de bonne famille.
Kane reçut un coup au visage et fut projeté en arrière. Michael suivit le mouvement alors que Kane le dépassait en volant et atterrissait dans le même amas de détritus où Kriss l'avait envoyé auparavant. Il soupira quand il remarqua que Kane devenait un bordel à lui tout seul. Kane se rua dans la mêlée derechef, taillant les monstres en pièce sur son passage.
â Besoin d'un peu d'aide ? demanda Michael par-dessus le bruit des os cassés et des bruits de pas dans des flaques de plus en plus importantes. Il se mit à rire quand Kane commença à marmonner un des sorts de Syn mais qu'il reçut un coup de poing dans la bouche avant d'avoir pu finir de le réciter.
â Non », grogna Kane en crachant du sang au visage de celui qui l'avait cogné si fort qu'il voyait des étoiles.
Arrachant un morceau de bois d'une chaise qu'ils avaient cassée dans la lutte, il le planta dans la bouche du vampire avec une telle force qu'il ressortit par l'arrière du cou de ce dernier.
Michael fit la grimace mais n'intervint pas. Il observait la scène de près, comptant trois vampires à terre et plus que quatre en état de se battre. Kane était un combattant courageux, bien plus en cet instant qu'avant de se retrouver enterré vivant. Ce qui rappela à Michael une question qu'il ne lui avait as encore posée : comment Kane avait-il réussi à briser le sortilège qui le liait sans avoir reçu le sang de son âme sÅur ?
Moins de vingt minutes plus tard, Kane tomba à genoux. Il regarda à travers la brume rouge qui troublait sa vision vers le bruit d'un claquement qui arrivait tout près. Il essuya le sang qui coulait de sa bouche et tenta de se relever du sol. Il éclata de rire quand il ne réussit pas sa manÅuvre, le sol glissant à cause des flaques de sang.
« Et le vainqueur remporte une centaine pansements et une bonne nuit de repos dans la maison de Michael, lança son ami.
Il se baissa et en passa un bras autour de la taille de Kane pour l'aider à se mettre sur ses jambes. Ils chancelèrent tous deux avant qu'il réussit à maintenir leur équilibre.
â Tu as une maison ? demanda Kane en espérant qu'en continuant de parler il ne s'évanouirait pas avant qu'ils atteignent leur destination. Il savait où Michael habitait, mais il ne voulait pas l'admettre parce que ça ne ferait que rappeler à Michael qu'il était en colère après Kane pour être resté en retrait. Il n'était pas vraiment content de lui à ce sujet mais il ressentait le besoin de garder ses distances.
â Ouais, je suis grand maintenant. De plus, les cercueils sont tellement "has been", ironisa-t-il. Il se crispa intérieurement en réalisant que Kane ne trouvait sûrement pas cette plaisanterie très drôle. C'est très grand. C'était une sorte de musée de style victorien dans le temps, jusqu'à ce qu'ils en construisent un autre en version améliorée à Beverly Hills. Peut-être que si tu emménageais avec moi, cette maison deviendrait plus chaleureuse.
â Je veux un chiot, lança Kane sans prévenir, alors occupé à poser un pied devant l'autre, choisissant la meilleure technique pour ne pas tomber.
â Tu veux un quoi ? demanda Michael.
â Si nous emménageons ensemble, alors il faut que je me trouve un chien. »
Michael sourit à son vieil ami. Il lui semblait que l'amour de Kane