Le plan général de Nuremberg affecte la forme d'un trapèze arrondi aux angles, possédant un point culminant près de l'un des angles, occupé par un ancien château. Une double enceinte des XIV et XVe siècles avec tours carrées flanquantes et large fossé extérieur plein d'eau, avec contrescarpe, entourait entièrement la cité, traversée par une rivière dans sa largeur. À chaque angle, Albert Dürer éleva une grosse tour, et une cinquième auprès du château, sur le point culminant de la ville. Des portes sont percées dans le voisinage des quatre tours, lesquelles sont protégées par des ouvrages avancés. Du haut de chacune des cinq tours, on découvre les quatre autres. Celles de l'enceinte protégent les saillants, flanquent deux fronts, commandent les portes, enfilent les lices entre les deux enceintes, et découvrent la campagne par-dessus les boulevards des portes. Ces tours ont environ 20 mètres de diamètre à 5 mètres du sol, sont bâties en fruit par assises de grès dur, avec bossages en bas et près du sommet. Au rez-de-chaussée elles possèdent une chambre voûtée, mais tracée de manière à laisser à la maçonnerie une épaisseur considérable du côté extérieur (voyez le plan, fig. 36 111).
L'intérieur de la ville est en A; en B sont les lices, entre la porte de l'enceinte extérieure et celle C de l'enceinte intérieure; la poterne D permet de descendre dans le fossé. En a est pratiqué un large mâchicoulis qui défend l'entrée dans la salle basse, et en b un oeil carré, ouvert dans la voûte, met le premier étage, également voûté, en communication avec ce rez-de-chaussée. On ne monte à la plate-forme supérieure que par un escalier pris dans l'épaisseur du mur et partant du niveau du chemin de ronde des courtines. En d sont deux chambres avec embrasures pour des pièces d'artillerie.
La figure 37 donne la vue perspective de cette tour 112. Les remparts datent du XVe siècle; Albert Dürer n'a bâti, dans cet ouvrage, que la tour et la porte qui s'y réunit. La salle du premier étage était destinée à loger le poste, car elle ne possède aucune embrasure.
Sa voûte épaisse porte la plate-forme circulaire supérieure entourée d'un masque de gros bois de charpente, avec créneaux à volets 113 pour du canon. Un blindage, également de charpente, reçoit la toiture conique qui autrefois était surmontée d'une guette 114. En A nous avons tracé le profil de cette plate-forme supérieure.
Ces commandements élevés furent rarement adoptés en France à dater de la fin du XVe siècle. Les ingénieurs français cherchaient plutôt à élargir les fronts, à étendre le champ de tir, qu'à obtenir des commandements considérables. Ils préféraient les batteries à barbette à ces batteries blindées où le service était gêné et où l'on était étouffé par la fumée, comme dans l'entrepont d'un vaisseau de guerre. D'ailleurs, en supposant ces tours battues par de l'artillerie, même à grande distance, les feux convergents de l'ennemi devaient promptement détruire ces masques de bois qui, pareils à des bordages de gros vaisseaux, n'avaient pas l'avantage de la mobilité que donne la mer et servaient de points de mire. Si longue que fût la portée des pièces mises en batterie sur la plate-forme, ces pièces ne pouvaient opposer qu'un tir divergent à l'artillerie de l'assiégeant et recevaient dix projectiles pour un qu'elles envoyaient 115.
Quelques tentatives en ce genre furent cependant faites de ce côté-ci du Rhin, mais les tours françaises du commencement du XVIe siècle ont un plus grand diamètre, moins de hauteur et étaient couronnées par des batteries à barbette avec gabionnades, ou par des caponnières, comme celle présentée dans l'exemple précédent. Le plus souvent on fit de ces tours de véritables porte-flancs, c'est-à-dire qu'on leur donna, en plan horizontal, la forme d'un fer à cheval, et leurs batteries supérieures ne dépassèrent guère le niveau de la crête des courtines (fig. 38).
Il y a toujours un avantage cependant, pour l'assiégé, à obtenir des commandements élevés, ou tout au moins des guettes qui permettent de découvrir au loin les travaux d'approche de l'assiégeant, à établir sur les bastions retranchés des réduits à cheval sur le fossé du retranchement, de manière à rendre l'occupation du bastion difficile. C'est ce besoin qui explique pourquoi on maintint si tard les vieilles tours des places du moyen âge en arrière des bastions ou des demi-lunes; pourquoi Vauban, dans sa troisième manière, tenta de revenir à ces tours dominant les bastions, et pourquoi aussi Montalembert fit de ces tours dominantes en capitales un des principes de son système défensif. De nos jours et depuis les progrès merveilleux de l'artillerie, la question est de nouveau posée, d'autant que ces tours peuvent servir de traverses pour garantir les défenseurs des coups de revers et défier les effets du tir en ricochet. La difficulté est de recouvrir ces tours d'une cuirasse capable de résister aux projectiles modernes, car, si épaisse que soit leur maçonnerie, celle-ci serait bientôt bouleversée par les gros boulets creux de notre artillerie, et un de ces projectiles pénétrant dans une casemate y causerait de tels désordres, que la défense deviendrait impossible. Ce n'est donc pas seulement la cuirasse qu'il s'agit de trouver, mais aussi, pour les embrasures, un masque qui arrête complétement le projectile de l'ennemi, tout en permettant