Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Техническая литература
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ont été rétablis à leur ancienne place, ou sont reproduits dans l'Album de feu Percier.

      Nous donnons ici (3) une portion du dallage de la chapelle Sainte-Osmane. La marche de l'autel, dont notre planche laisse voir une portion en A, représente les quatre Vertus, avec un encadrement d'ornements très-délicats composés de quatre-feuilles contenant des animaux fantastiques.

      Autour de cette marche, relevée de 0,14 c. au-dessus du pavé de la chapelle, se développent des sujets dans des médaillons circulaires représentant les travaux et plaisirs des douze mois de l'année (voy. ZODIAQUE). Cet encadrement, relevé par des fonds noirs, se détache sur un fond plus simple composé de grands quatre-feuilles avec rosettes, entre lesquels sont gravés des animaux symboliques, des chasses entremêlées de feuillages. Une fine bordure B encadre l'ensemble de cette composition. On remarquera combien l'aspect décoratif de ce riche dallage est délicat, sans être confus; l'artiste a eu le soin de faire les ornements de la marche de l'autel sur une échelle beaucoup plus petite que ceux du fond du dallage, afin de donner à cette marche relevée quelque chose de particulièrement précieux. À distance, le dessin général se comprend, et de près il attire les yeux par la combinaison gracieuse des gravures, qui sont toutes remplies de mastic noir. Quelquefois, comme dans la chapelle de Saint-Pérégrin de la même église, le dallage se compose d'un dessin uniforme entouré d'une bordure ou d'une inscription (4).

      Ce dallage, dont nous donnons ci-contre un fragment au quart de l'exécution, est de même en liais. Le fond des fleurs de lis est noir, le fond des rosaces vert olive, les rosettes rouges ainsi que l'inscription; de petits cubes de verre dorés incrustés en A égayent l'ensemble de la coloration un peu sombre 6.

      Les dessins des dallages de Saint-Denis sont d'une grande pureté; les figures sont tracées de main de maître et d'un style très-remarquable. Tous ces dallages appartiennent aux restaurations commandées par saint Louis dans l'ancienne abbatiale; c'est dire qu'ils datent du milieu du XIIIe siècle. Les gravures sont faites dans du liais (cliquart) fort dur, intaillées de cinq millimètres environ et remplies de mastics noir, rouge, vert sombre, bleu glauque et brun. Par places sont incrustées des plaques de verre coloré ou blanc verdâtre, peint et doré par-dessous en manière de fixés, ou encore de ces petits cubes de pâte dorée comme dans la figure précédente. Quelques-uns de ces beaux dallages ont été réparés et remis en place; leur effet est celui produit par un tapis d'un ton très-doux et harmonieux.

      Il existe encore, dans l'église de Saint-Remy de Reims, une portion du dallage qui autrefois couvrait l'aire du choeur de l'église de Saint-Nicaise de la même ville. Ce dallage date des premières années du XIVe siècle et représente des scènes de l'Ancien Testament, inscrites dans des compartiments carrés (5). Chaque dalle porte un sujet, et celui que nous avons choisi figure Moïse, Aaron et Hur, pendant la bataille livrée par Israël contre Amalech 7. Là les traits gravés sont remplis de plomb sans autre coloration. Il n'est pas besoin de dire que ces sortes de dallages coûtaient fort cher, et qu'on ne pouvait les placer que dans des églises riches, dans les sanctuaires et quelques chapelles privilégiées. Souvent on se contentait de dallages unis ou composés de carreaux noirs et blancs. Alors les dessins sont variés, les carreaux à l'échelle du monument et généralement de petite dimension.

      La cathédrale d'Amiens conserve encore presque tout son dallage du XIIIe siècle, qui ne consiste qu'en petites dalles carrées de 0,32 c. (un pied) de côté, noires et blanches, formant à chaque travée un dessin différent. Voici (6) une de ces combinaisons. Pour juger de l'effet de ce dallage, fort détérioré aujourd'hui, il faut monter dans les galeries et le regarder de haut et à distance; les compartiments sont très-heureusement combinés; dans la nef, ils étaient interrompus par un grand labyrinthe également formé de carreaux noirs et blancs (voy. LABYRINTHE). Ces dallages, d'une date ancienne, sont assez peu communs. On en trouve des débris d'une époque plus récente dans beaucoup de petites églises trop pauvres pour avoir pu remplacer ces anciens pavés.

      L'église d'Orbais (Marne) possède un dallage du XVe siècle (7), composé de petits carreaux de marbre noir de 0,14 c. de côté et de dalles barlongues blanches posées de façon à figurer une sorte de natte d'un bon effet. Ces dessins, si simples qu'ils soient, ne sont jamais vulgaires. Les dallages étaient employés non-seulement dans les édifices publics, mais aussi dans les habitations privées. La plupart des grand'salles des châteaux, des évêchés, des hôtels de ville étaient pavées en grandes dalles de pierre dure. Souvent même, dans les châteaux, ces dallages étaient décorés d'incrustations de pierres de couleur ou de mastics, ou encore les dalles alternaient avec les stucs peints.

      Dans un compte de la construction du château de Bellver, dans l'île Mayorque 8, il est question des pavages de cette habitation seigneuriale, «faits de stucs composés de chaux vive, de plâtre et de grandes pierres mélangées de couleur; le tout si bien poli qu'on eût pu croire ces aires composées de marbre et de porphyre.» Les anciens avaient compris l'importance des pavages comme moyen de décorer les intérieurs des édifices, et le moyen âge ne fit que suivre et perpétuer cette tradition. En effet, il faut avoir perdu le sens décoratif, dirons-nous, pour souffrir, dans un intérieur décoré de sculptures, de peintures et de vitraux colorés, des dallages gris, uniformes de ton, qui, par la surface étendue qu'ils occupent, prennent une valeur telle que toute ornementation des parements, si riche qu'elle soit, est détruite, ou tout au moins refroidie. Les dallages colorés sont une des plus splendides et plaisantes décorations qu'on puisse imaginer. En France comme en Italie, le moyen âge ne manqua jamais d'employer cette sorte de décoration trop rarement appliquée aujourd'hui 9.

       DALLAGE employé comme couverture. Lorsqu'on eut l'idée de remplacer les charpentes qui couvraient les salles et les vaisseaux par des voûtes, on pensa d'abord à protéger l'extrados de ces voûtes par des dalles ou de grandes tuiles posées à bain de mortier; ce système de couverture s'appliquait parfaitement d'ailleurs sur les voûtes en berceau plein cintre ou composées d'arcs brisés. Dans le midi de la France, en Provence, sur les bords du Rhône et dans le Centre, on voit encore des nefs d'église dont les voûtes sont ainsi couvertes par des dalles superposées (8).

      Mais on reconnut bientôt que, si bien exécutés que fussent ces dallages, et si bonnes que fussent les pierres employées, ces pierres cependant, par l'effet de la capillarité, absorbaient une grande quantité d'eau et maintenaient sur les voûtes une humidité permanente; on reconnut aussi que, du moment que les dalles étaient isolées de l'extrados, l'effet de la capillarité cessait, ou du moins que l'humidité ne se communiquait plus aux voûtes. On songea donc, vers le commencement du XIIIe siècle, à poser les dallages sur des arcs au-dessus des voûtes, de manière à laisser l'air circuler entre le dessous des dalles et l'extrados des voûtes, et à combiner ces dallages de manière à éviter autant que possible les joints découverts. Les constructeurs reconnurent aussi que les dallages ayant une pente assez faible, il était nécessaire d'activer l'écoulement des eaux pluviales sur leur surface pour éviter les détériorations de la pierre sur laquelle la pluie ne s'écoule pas rapidement. En conséquence, ils eurent le soin de tailler la surface extérieure des dalles en forme de cuvette (9).

      Par ce moyen, l'eau réunie au milieu de chaque dalle se trouvait former un volume assez considérable pour produire un écoulement rapide, même pendant ces pluies fines qui, bien plus que les ondées, pénètrent


<p>6</p>

Ces cubes de verre sont fabriqués comme ceux que l'on trouve dans toutes les mosaïques italiennes du XIIIe siècle (dites byzantines), c'est-à-dire que la feuille d'or posée sur une pâte est garantie par une couverte très-mince en verre.

<p>7</p>

Voy. Saint-Remy de Reims, dalles du XIIIe siècle, pub. par M. P. Tarbé. Reims, 1847.

<p>8</p>

Ce compte commence au 1er avril 1309 et se termine à la fin de décembre de la même année. (Voy. les Mélanges géog. et hist. de Jovellanos; édit. de 1845. Madrid, t. III.)

<p>9</p>

Ce n'est que depuis le dernier siècle que l'on a cessé d'employer les dallages colorés dans les édifices, et, sous Louis XIV encore, de magnifiques pavages ont été exécutés; nous citerons entre autres ceux de la grande chapelle de Fontainebleau et du choeur de la cathédrale de Paris: ce dernier est un chef-d'oeuvre. Il est restauré et replacé.