Le Mariage forcé. Жан-Батист Мольер. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Жан-Батист Мольер
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная драматургия
Год издания: 0
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un mal aujourd'hui qui attaque beaucoup de gens, mais notre mariage vous dissipera tout cela. Adieu. Il me tarde déjà que je n'aie des habits raisonnables, pour quitter vite ces guenilles. Je m'en vais de ce pas achever d'acheter toutes les choses qu'il me faut, et je vous enverrai les marchands.

      Scène V. – Géronimo, Sganarelle.

      – Géronimo -

      Ah! seigneur Sganarelle, je suis ravi de vous trouver encore ici; et j'ai rencontré un orfèvre qui, sur le bruit que vous cherchiez quelque beau diamant en bague pour faire un présent à votre épouse, m'a fort prié de venir vous parler pour lui, et de vous dire qu'il en a un à vendre, le plus parfait du monde.

      – Sganarelle -

      Mon Dieu! cela n'est pas pressé.

      – Géronimo -

      Comment, que veut dire cela? Où est l'ardeur que vous montriez tout à l'heure ?

      – Sganarelle -

      Il m'est venu, depuis un moment, de petits scrupules sur le mariage. Avant que de passer plus avant, je voudrais bien agiter à fond cette matière, et que l'on m'expliquât un songe que j'ai fait cette nuit, et qui vient tout à l'heure de me revenir dans l'esprit. Vous savez que les songes sont comme des miroirs, où l'on découvre quelquefois tout ce qui nous doit arriver. Il me semblait que j'étais dans un vaisseau, sur une mer bien agitée, et que…

      – Géronimo -

      Seigneur Sganarelle, j'ai maintenant quelque petite affaire qui m'empêche de vous ouïr. Je n'entend rien du tout aux songes; et quant au raisonnement du mariage, vous avez deux savants, deux philosophes, vos voisins, qui sont gens à vous débiter tout ce qu'on peut dire sur ce sujet. Comme ils sont de sectes différentes, vous pouvez examiner leurs diverses opinions là-dessus. Pour moi, je me contente de ce que je vous ai dit tantôt, et demeure votre serviteur.

      – Sganarelle -

      Il a raison. Il faut que je consulte un peu ces gens-là sur l'incertitude où je suis.

      Scène VI. – Pancrace, Sganarelle.

      – Pancrace -

      (se tournant du côté où il est entré, et sans voir Sganarelle.)

      Allez, vous êtes un impertinent, mon ami, un homme [ignare de toute bonne discipline], bannissable de la république des lettres.

      – Sganarelle -

      Ah! bon. En voici un fort à propos.

      – Pancrace -

      (de même, sans voir Sganarelle.)

      Oui, je te soutiendrai par vives raisons3, [je te montrerai par Aristote, le philosophe des philosophes,] que tu es un ignorant, [un] ignorantissime, ignorantifiant et ignorantifié, par tous les cas et les modes imaginables.

      – Sganarelle -

      (à part.)

      Il a pris querelle contre quelqu'un.

      (A Pancrace.)

      Seigneur…

      – Pancrace -

      (de même, sans voir Sganarelle.)

      Tu veux te mêler de raisonner, et tu ne sais pas seulement les éléments de la raison.

      – Sganarelle -

      (à part.)

      La colère l'empêche de me voir.

      (A Pancrace.)

      Seigneur…

      – Pancrace -

      (de même, sans voir Sganarelle.)

      C'est une proposition condamnable dans toutes les terres de la philosophie.

      – Sganarelle -

      (à part.)

      Il faut qu'on l'ait fort irrité.

      (A Pancrace.)

      Je…

      – Pancrace -

      (de même, sans voir Sganarelle.)

      "Toto coelo, tota via aberras."4

      – Sganarelle -

      Je baise les mains à monsieur le docteur.

      – Pancrace -

      Serviteur.

      – Sganarelle -

      Peut-on…

      – Pancrace -

      (se retournant vers l'endroit par où il est entré.)

      Sais-tu bien ce que tu as fait? un syllogisme "in balordo".

      – Sganarelle -

      Je vous…

      – Pancrace -

      (de même.)

      La majeure en est inepte, la mineure impertinente, et la conclusion ridicule.

      – Sganarelle -

      Je…

      – Pancrace -

      (de même.)

      Je crèverais plutôt que d'avouer ce que tu dis; et je soutiendrai mon opinion jusqu'à la dernière goutte de mon encre.

      – Sganarelle -

      Puis-je…

      – Pancrace -

      (de même.)

      Oui, je défendrai cette proposition, "pugnis et calcibus, unguibus et rostro"5.

      – Sganarelle -

      Seigneur Aristote, peut-on savoir ce qui vous met si fort en colère ?

      – Pancrace -

      Un sujet le plus juste du monde.

      – Sganarelle -

      Et quoi, encore ?

      – Pancrace -

      Un ignorant m'a voulu soutenir une proposition erronée, une proposition épouvantable, effroyable, exécrable.

      – Sganarelle -

      Puis-je demander ce que c'est ?

      – Pancrace -

      Ah! seigneur Sganarelle, tout est renversé aujourd'hui, et le monde est tombé dans une corruption générale. Une licence épouvantable règne partout; et les magistrats, qui sont établis pour maintenir l'ordre dans cet État, devraient mourir de honte, en souffrant un scandale aussi intolérable que celui dont je veux parler6.

      – Sganarelle -

      Quoi donc ?

      – Pancrace -

      N'est-ce pas une chose horrible, une chose qui crie vengeance au ciel, que d'endurer qu'on dise publiquement la forme d'un chapeau ?

      – Sganarelle -

      Comment ?

      – Pancrace -

      Je soutiens qu'il faut dire la figure d'un chapeau, et non pas la forme; d'autant qu'il y a cette différence entre la forme et la figure, que la forme est la disposition extérieure des corps qui sont animés, et la figure la disposition extérieure des corps qui sont inanimés: et puisque le chapeau est un corps inanimé, il faut dire la figure d'un chapeau, et non pas la forme.

      (Se retournant encore du côté par où il est entré.)

      Oui, ignorant que vous êtes, c'est comme il faut parler, et ce sont les termes exprès d'Aristote dans le chapitre de la qualité.

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      Текст


<p>3</p>

Tous les passages placés entre deux crochets ne se trouvent que dans l'édition de 1682.

<p>4</p>

Pancrace rassemble ici en une seule phrase deux expressions proverbiales qu'Érasme a recueillies dans ses "Adages", l'une de Térence, "tota errare via"; l'autre de Macrobe, "toto coelo errare", et qui toutes deux veulent dire, donner dans la plus grande des erreurs, être à mille lieues de la vérité. Rabelais a traduit littéralement "toto coelo errare": "Qui aultrement la nomme erre par tout le ciel". (A.)

<p>5</p>

Des poings, des pieds, des ongles et du bec.

<p>6</p>

Cet appel à la sévérité des magistrats fait allusion aux efforts sérieux de l'Université pour obtenir la confirmation de l'arrêt de 1624, lequel condamnait au banissement les nommés Villon, Bitault et de Claves, pour avoir pensé autrement qu'Aristote.