Le Mariage forcé. Жан-Батист Мольер. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Жан-Батист Мольер
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная драматургия
Год издания: 0
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C'est un mariage qui doit se conclure ce soir; et j'ai donné ma parole.

      – Géronimo -

      Oh! mariez-vous donc. Je ne dis plus un mot.

      – Sganarelle -

      Je quitterais le dessein que j'ai fait! Vous semble-t-il, seigneur Géronimo, que je ne sois plus propre à songer à une femme? Ne parlons point de l'âge que je puis avoir; mais regardons seulement les choses. Y a-t-il homme de trente ans qui paraisse plus frais et plus vigoureux que vous me voyez? N'ai-je pas tous les mouvements de mon corps aussi bons que jamais; et voit-on que j'ai besoin de carosse ou de chaise pour cheminer? N'ai-je pas encore toutes mes dents les meilleures du monde ?

      (Il montre ses dents.)

      Ne fais-je pas vigoureusement mes quatre repas par jour, et peut-on voir un estomac qui ait plus de force que le mien ?

      (Il tousse.)

      Hem, hem, hem. Eh! qu'en dites-vous ?

      – Géronimo -

      Vous avez raison, je m'étais trompé. Vous ferez bien de vous marier.

      – Sganarelle -

      J'y ai répugné autrefois; mais j'ai maintenant de puissantes raisons pour cela. Outre la joie que j'aurai de posséder une belle femme, qui me fera mille caresses, qui me dorlotera, et me viendra frotter lorsque je serai las; outre cette joie, dis-je, je considère qu'en demeurant comme je suis, je laisse périr dans le monde la race des Sganarelles; et qu'en me mariant, je pourrai me voir revivre en d'autres moi-même; que j'aurai le plaisir de voir des créatures qui seront sorties de moi, de petites figures qui me ressembleront comme deux gouttes d'eau, qui se joueront continuellement dans la maison, qui m'appelleront leur papa quand je reviendrai de la ville, et me diront de petites folies les plus agréables du monde. Tenez, il me semble déjà que j'y suis, et que j'en vois une demi-douzaine autour de moi.

      – Géronimo -

      Il n'y a rien de plus agréable que cela; et je vous conseille de vous marier le plus vite que vous pourrez.

      – Sganarelle -

      Tout de bon, vous me le conseillez ?

      – Géronimo -

      Assurément. Vous ne sauriez mieux faire.

      – Sganarelle -

      Vraiment, je suis ravi que vous me donniez ce conseil en véritable ami.

      – Géronimo -

      Eh! quelle est la personne, s'il vous plaît, avec qui vous allez vous marier ?

      – Sganarelle -

      Dorimène.

      – Géronimo -

      Cette jeune Dorimène, si galante et si bien parée ?

      – Sganarelle -

      Oui.

      – Géronimo -

      Fille du seigneur Alcantor ?

      – Sganarelle -

      Justement.

      – Géronimo -

      Et soeur d'un certain Alcidas, qui se mêle de porter l'épée ?

      – Sganarelle -

      C'est cela.

      – Géronimo -

      Vertu de ma vie !

      – Sganarelle -

      Qu'en dites-vous ?

      – Géronimo -

      Bon parti! Mariez-vous promptement.

      – Sganarelle -

      N'ai-je pas raison d'avoir fait ce choix ?

      – Géronimo -

      Sans doute. Ah! que vous serez bien marié! Dépêchez-vous de l'être.

      – Sganarelle -

      Vous me comblez de joie de me dire cela. Je vous remercie de votre conseil, et je vous invite ce soir à mes noces.

      – Géronimo -

      Je n'y manquerai pas; et je veux y aller en masque, afin de les mieux honorer.

      – Sganarelle -

      Serviteur.

      – Géronimo -

      (à part.)

      La jeune Dorimène, fille du seigneur Alcantor, avec le seigneur Sganarelle, qui n'a que cinquante-trois ans! O le beau mariage! ô le beau mariage !

      (Ce qu'il répète plusieurs fois en s'en allant.)

      Scène III. – Sganarelle.

      – Sganarelle -

      Ce mariage doit être heureux, car il donne de la joie à tout le monde, et je fais rire tous ceux à qui j'en parle. Me voilà maintenant le plus content des hommes.

      Scène IV. – Dorimène, Sganarelle.

      – Dorimène -

      (dans le fond du théâtre, à un petit laquais qui la suit.)

      Allons, petit garçon, qu'on tienne bien ma queue, et qu'on ne s'amuse pas à badiner.

      – Sganarelle -

      (à part, apercevant Dorimène.)

      Voici ma maîtresse qui vient. Ah! qu'elle est agréable! Quel air, et quelle taille! Peut-il y avoir un homme qui n'ait, en la voyant, des démangeaisons de se marier ?

      (à Dorimène.)

      Où allez-vous, belle mignone, chère épouse future de votre époux futur ?

      – Dorimène -

      Je vais faire quelques emplettes.

      – Sganarelle -

      Eh bien! ma belle, c'est maintenant que nous allons être heureux l'un et l'autre. Vous ne serez plus en droit de me rien refuser; et je pourrai faire avec vous tout ce qu'il me plaira, sans que personne s'en scandalise. Vous allez être à moi depuis la tête jusqu'aux pieds, et je serai maître de tout: de vos petits yeux éveillés, de votre petit nez fripon, de vos lèvres appétissantes, de vos oreilles amoureuses, de votre petit menton joli, de vos petits tetons rondelets, de votre… Enfin, toute votre personne sera à ma discrétion, et je serai à même de vous caresser comme je voudrai. N'êtes-vous pas bien aise de ce mariage, mon aimable pouponne ?

      – Dorimène -

      Tout à fait aise, je vous jure. Car enfin la sévérité de mon père m'a tenue jusques ici dans une sujétion la plus fâcheuse du monde. Il y a je ne sais combien que j'enrage du peu de liberté qu'il me donne, et j'ai cent fois souhaité qu'il me mariât, pour sortir promptement de la contrainte où j'étais avec lui, et me voir en état de faire ce que je voudrai. Dieu merci, vous êtes venu heureusement pour cela, et je me prépare désormais à me donner du divertissement, et à réparer comme il faut le temps que j'ai perdu. Comme vous êtes un fort galant homme, et que vous savez comme il faut vivre, je crois que nous ferons le meilleur ménage du monde ensemble, et que vous ne serez point de ces maris incommodes qui veulent que leurs femmes vivent comme des loups-garous. Je vous avoue que je ne m'accommoderais pas de cela, et que la solitude me désespère. J'aime le jeu, les visites, les assemblées, les cadeaux2, et les promenades; en un mot, toutes les choses de plaisir: et vous devez être ravi d'avoir une femme de mon humeur. Nous n'aurons jamais aucun démêlé ensemble, et je ne vous contraindrai point dans vos actions, comme j'espère que, de votre côté, vous ne me contraindrez point dans les miennes; car, pour moi, je tiens qu'il faut une complaisance mutuelle, et qu'on ne se doit point marier pour se faire enrager l'un l'autre. Enfin, nous vivrons, étant mariés, comme deux personnes qui savent leur monde: aucun soupçon jaloux ne nous troublera la cervelle; et c'est assez que vous serez assuré de ma fidélité, comme je serai assuré de la vôtre. Mais qu'avez-vous? je vous vois tout changé de visage.

      – Sganarelle


<p>2</p>

Donner un "cadeau" signifiait autrefois "donner un repas". Le P. Bouhours fait venir ce mot de "cadendo", parce que, dit-il, les buveurs chancellent et tombent et que c'est ordinairement comme finissent les "cadeaux".