La San-Felice, Tome 03. Dumas Alexandre. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Dumas Alexandre
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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on pense que c'est avec cette petite main-là qu'il a donné le fameux coup de sabre au beccaïo; car vous lui avez donné un fameux coup de sabre, allez!

      Salvato sourit.

      Michele regarda autour de lui.

      – Que cherches-tu? demanda Luisa.

      – Je cherche le sabre, maintenant que j'ai vu la main; ce doit être une fière arme.

      – Il t'en faudrait un comme celui-là quand tu seras colonel, n'est-ce pas, Michele? dit en riant Luisa.

      – M. Michele sera colonel? demanda Salvato.

      – Oh! ça ne peut plus me manquer maintenant, répondit le lazzarone.

      – Et comment cela ne peut-il plus te manquer? demanda Luisa.

      – Non, puisque la chose m'a été prédite par la vieille Nanno, et que tout ce qu'elle t'a prédit, à toi, se réalise.

      – Michele! fit la jeune femme.

      – Voyons: ne t'a-t-elle pas prédit qu'un beau jeune homme qui descendait du Pausilippe courait un grand danger, qu'il était menacé par six hommes, et que ce serait un grand bonheur pour toi s'il était tué par ces six hommes, attendu que tu devais l'aimer et que cet amour serait cause de ta mort?

      – Michele! Michele! s'écria la jeune femme en écartant son fauteuil du lit, tandis que Giovannina avançait sa tête pâle derrière le rideau rouge de la fenêtre.

      Le blessé regarda attentivement Michele et Luisa.

      – Comment! demanda-t-il à Luisa, on vous a prédit que je serais cause de votre mort?

      – Ni plus ni moins! dit Michele.

      – Et, ne me connaissant pas, ne pouvant par conséquent prendre aucun intérêt à moi, vous n'avez pas laissé les sbires faire leur métier?

      – Ah bien, oui! dit Michele répondant pour Luisa, quand elle a entendu les coups de pistolet, quand elle a entendu le cliquetis des sabres, quand elle a vu que moi, un homme, et un homme qui n'a pas peur, je n'osais pas aller à votre secours parce que vous aviez affaire aux sbires de la reine, elle a dit: «Alors, c'est à moi de le sauver!» Et elle s'est élancée dans le jardin. Si vous l'aviez vue, Excellence! elle ne courait pas, elle volait.

      – Oh! Michele! Michele!

      – Tu n'as pas fait cela, petite soeur? tu n'as pas dit cela?

      – Mais à quoi bon le redire? s'écria Luisa en se cachant la tête entre ses deux mains.

      Salvato étendit le bras et écarta les mains dans lesquelles la jeune femme cachait son visage rouge de honte et ses yeux humides de larmes.

      – Vous pleurez! dit-il; avez-vous donc regret maintenant de m'avoir sauvé la vie?

      – Non; mais j'ai honte de ce que vous a dit ce garçon; on l'appelle Michele le Fou, et, à coup sûr, il est bien nommé.

      Puis, à la camériste:

      – J'ai eu tort, Nina, de te gronder de ne point l'avoir laissé entrer; tu avais bien fait de lui refuser la porte.

      – Ah! petite soeur! petite soeur! ce n'est pas bien, ce que tu fais là, dit le lazzarone, et, cette fois, tu ne parles pas avec ton coeur.

      – Votre main, Luisa, votre main! dit le blessé d'une voix suppliante.

      La jeune femme à bout de forces, brisée par tant de sensations différentes, appuya sa tête au dossier du fauteuil, ferma les yeux et laissa tomber sa main frissonnante dans la main du jeune homme.

      Salvato la saisit avec avidité; Luisa poussa un soupir: ce soupir confirmait tout ce qu'avait dit le lazzarone.

      Michele regardait cette scène à laquelle il ne comprenait rien, et qu'au contraire comprenait trop Giovannina debout, les mains crispées, l'oeil fixe, et pareille à la statue de la Jalousie.

      – Eh bien, sois tranquille, mon garçon, dit Salvato d'une voix joyeuse, c'est moi qui te donnerai ton sabre de colonel; pas celui avec lequel j'ai houspillé les drôles qui m'attaquaient, ils me l'ont pris, mais un autre et qui vaudra celui-là.

      – Eh bien, voilà qui va pour le mieux, dit Michele; il ne me manque plus que le brevet, les épaulettes, l'uniforme et le cheval.

      Puis, se retournant vers la camériste:

      – N'entends-tu pas, Nina? on sonne à arracher la sonnette!

      Nina sembla s'éveiller.

      – On sonne? dit-elle; et où cela?

      – A la porte, il faut croire.

      – Oui, à celle de la maison, dit Luisa.

      Puis, rapidement et tout bas à Salvato:

      – Ce n'est pas mon mari, ajouta-t-elle, il rentre toujours par celle du jardin. Va, dit-elle à Nina, cours! je n'y suis pas, tu entends?

      – Petite soeur n'y est pas, tu entends, Nina? répéta Michele.

      Nina sortit sans répondre.

      Luisa se rapprocha du blessé; elle se sentait, sans savoir pourquoi, plus à l'aise sous la parole du bavard Michele que sous le regard de la muette Nina; mais cela, nous le répétons, instinctivement, sans qu'elle eût rien scruté des bons sentiments de son frère de lait, ou des mauvais instincts de sa camériste.

      Au bout de cinq minutes, Nina rentra, et, s'approchant mystérieusement de sa maîtresse:

      – Madame, lui dit-elle tout bas, c'est M. André Backer, qui demande à vous parler.

      – Ne lui avez-vous pas dit que je n'y étais point? répliqua Luisa assez haut pour que Salvato, s'il n'avait point entendu la demande, pût au moins entendre la réponse.

      – J'ai hésité, madame, répondit Nina toujours à voix basse, d'abord parce que je sais que c'est votre banquier, et ensuite parce qu'il a dit que c'était pour une affaire importante.

      – Les affaires importantes se règlent avec mon mari, et non point avec moi.

      – Justement, madame, continua Giovannina sur le même diapason; mais j'ai eu peur qu'il ne revînt quand M. le chevalier y serait; qu'il ne dit à M le chevalier qu'il n'avait point trouvé madame, et, comme madame ne sait pas mentir, j'ai pensé qu'il valait mieux que madame le reçût.

      – Ah! vous avez pensé?.. dit Luisa regardant la jeune fille.

      Nina baissa les yeux.

      – Si j'ai eu tort, madame, il est encore temps; mais cela lui fera bien de la peine, pauvre garçon!

      – Non, dit Luisa après un instant de réflexion, mieux vaut en effet que je le reçoive, et tu as bien fait, mon enfant.

      Puis, se tournant vers Salvato, qui s'était écarté voyant que Giovannina parlait bas à sa maîtresse:

      – Je reviens dans un instant, lui dit-elle; soyez tranquille, l'audience ne sera pas longue.

      Les jeunes gens échangèrent un serrement de main et un sourire, puis Luisa se leva et sortit.

      A peine la porte fut-elle refermée derrière Luisa, que Salvato ferma les yeux, comme il avait l'habitude de le faire quand la jeune femme n'était plus là.

      Michele, croyant qu'il voulait dormir, s'approcha de Nina.

      – Qui était-ce donc? demanda-t-il à demi-voix, avec cette curiosité naïve de l'homme à demi sauvage dont l'instinct n'est point soumis aux convenances de la société.

      Nina, qui avait parlé très-bas à sa maîtresse, haussa la voix d'un demi-ton et de manière que Salvato, qui n'avait point entendu ce qu'elle disait à sa maîtresse, entendit ce qu'elle disait à Michele.

      – C'est ce jeune banquier si riche et si élégant, dit-elle; tu le connais bien!

      – Bon! répliqua Michele, voilà que je connais les banquiers, moi!

      – Comment! tu ne connais pas M. André Backer?

      – Qu'est-ce