A Steyer, le 25 décembre 1800 (4 nivose an 9).
L'armée resta dans ses positions jusqu'à la ratification de la paix de Lunéville, signée le 9 février 1801. Elle évacua, en exécution de ce traité, les états héréditaires, dans les dix jours qui suivirent la ratification, et l'empire dans l'espace de 30 jours après l'échange desdites ratifications.
§ IX
Plan de campagne. Le plan de campagne adopté par le premier consul, réunissait tous les avantages. Les armées d'Allemagne et d'Italie étaient chacune dans une seule main; l'armée gallo-batave devait être indépendante, parce qu'elle n'était qu'un corps d'observation, qui ne devait pas se laisser séparer de la France, et devait toujours se tenir en arrière de la gauche de la grande armée, pour permettre au général Moreau de concentrer toutes ses divisions et de réunir d'assez grandes forces, pour pouvoir manœuvrer, indépendamment des bons ou mauvais succès de ce corps d'observation.
L'armée des Grisons, deuxième armée de réserve, menaçait à la fois le Tyrol allemand et italien. Elle fixa toute l'attention des généraux Hiller et Davidowich, et permit au général Moreau d'attirer à lui sa droite, et au général Brune d'attirer à lui sa gauche. Il importait qu'elle fût aussi indépendante, parce qu'elle devait réaccorder les armées d'Allemagne et d'Italie, menacer la gauche de l'armée de l'archiduc, et la droite de celle du maréchal Bellegarde.
Ces deux corps d'observation, qui n'étaient ensemble que de 35,000 hommes, occupèrent l'armée mayençaise et les corps de Simbschen, Klenau, Reuss et Davidowich, 70,000 hommes; lorsque, par un effet opposé, ils permirent aux deux grandes armées françaises, qui étaient destinées à entrer dans les états héréditaires, de tenir réunies toutes leurs forces.
Augereau. Le général Augereau a rempli le rôle qui lui avait été assigné. Ses instructions lui ordonnaient de se tenir toujours en arrière, afin de ne pas s'exposer à être attaqué par un détachement de l'armée de l'archiduc. Au reste, son combat de Burg-Eberach, le 3 décembre, jour même de la bataille de Hohenlinden, est fort honorable, ainsi que les combats qu'il a soutenus plus tard en avant de Nuremberg, où il a eu à lutter contre des forces supérieures. Mais s'il se fût mieux pénétré du rôle qu'il avait à remplir, il eût évité des engagements; ce qui lui devenait facile, en ne passant pas la Rednitz. Cependant son ardeur a été utile, puisqu'elle a obligé l'archiduc à détacher le corps de Klenau, pour soutenir l'armée mayençaise.
Moreau. La marche du général Moreau sur l'Inn est défectueuse; il ne devait pas aborder cette rivière sur six points et sur une ligne de quinze à vingt lieues. Lorsque l'armée, qui vous est opposée, est couverte par un fleuve, sur lequel elle a plusieurs têtes de pont, il ne faut pas l'aborder de front. Cette disposition dissémine votre armée, et vous expose à être coupé. Il faut s'approcher de la rivière que vous voulez passer, par des colonnes en échelons, de sorte qu'il n'y ait qu'une seule colonne, la plus avancée, que l'ennemi puisse attaquer sans prêter lui-même le flanc. Pendant ce temps, vos troupes légères borderont la rive; et lorsque vous serez fixé sur le point où vous voulez passer, point qui doit toujours être éloigné de l'échelon de tête, pour mieux tromper votre ennemi, vous vous y porterez rapidement et jetterez votre pont. L'observation de ce principe était très-importante sur l'Inn, le général français ayant fait de Munich son point de pivot. Or, il n'y a de Munich à l'endroit le plus près de cette rivière, que dix lieues; elle court obliquement, en s'éloignant toujours davantage de cette capitale, de sorte que, lorsque l'on veut jeter un pont plus bas, on prête le flanc à l'ennemi. Aussi le général Grenier se trouva-t-il fort exposé dans le combat du 1er décembre; il fut obligé de lutter deux jours, un contre trois.
Si le général français voulait occuper les hauteurs d'Ampfingen, il ne le pouvait faire qu'avec toute son armée. Il fallait qu'il y réunît les trois divisions de Grenier, les trois divisions de la réserve, et la cavalerie du général d'Hautpoult, plaçant Lecourbe en échelons sur la droite. Ainsi rangée, l'armée française n'aurait couru aucun risque; elle eût battu et précipité dans l'Inn l'archiduc. Avec une armée, qui eût été même supérieure en nombre, les dispositions prises eussent été dangereuses. C'est de Landshut qu'il faut partir, pour marcher sur l'Inn.
Pendant que le sort de la campagne se décidait aux champs d'Ampfingen et de Hohenlinden, les trois divisions de Sainte-Suzanne et les trois divisions de Lecourbe, c'est-à-dire la moitié de l'armée, n'étaient pas sur le champ de bataille. A quoi bon avoir des troupes, lorsqu'on n'a pas l'art de s'en servir dans les occasions importantes? L'armée française était de 140,000 hommes sur le champ d'opérations; celle de l'archiduc de 80,000 hommes, parce qu'elle était affaiblie des deux détachements qu'elle avait faits contre l'armée gallo-batave et celle des Grisons. Néanmoins, l'armée autrichienne se trouva égale en nombre sur le champ de Hohenlinden, et triple au combat d'Ampfingen.
La bataille de Hohenlinden a été une rencontre heureuse; le sort de la campagne y a été joué sans aucune combinaison. L'ennemi a eu plus de chances de succès que les Français; et cependant ceux-ci étaient tellement supérieurs en nombre et en qualité, que, menés sagement et conformément aux règles, ils n'eussent eu aucune chance contre eux. On a dit que Moreau avait ordonné la marche de Richepanse et de Decaen sur Altenpot, pour prendre en flanc l'ennemi! cela n'est pas exact; tous les mouvements de l'armée française, pendant la journée du 3, étaient défensifs. Moreau avait intérêt à rester, le 3, sur la défensive, puisque, le 4, le général Lecourbe devait arriver sur le champ de bataille, et que, le 5, il devait recevoir un autre puissant renfort, celui de Sainte-Suzanne. Le but de ce mouvement de Decaen et de Richepanse,