Mémoires pour servir à l'Histoire de France sous Napoléon, Tome 1. Baron Gaspard Gourgaud. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Baron Gaspard Gourgaud
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Жанр произведения: История
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l'armée française: le général, commandant de l'artillerie, dirigeait les opérations; ce qui le sauva de comparaître à la barre de la convention.

      § XI

      Napoléon, faisant son inspection à Marseille, fut interpelé par le représentant..... qui lui fit connaître que les sociétés populaires voulaient piller les magasins à poudre. Le général d'artillerie lui remit un plan pour construire une petite muraille crénelée sur les ruines des forts Saint-Jacques et Saint-Nicolas: ces deux forts avaient été démolis par les Marseillais, au commencement de la révolution. C'était un objet de peu de dépense; quelques mois après, il y eut un décret qui appela à la barre de la convention le commandant d'artillerie de Marseille, comme ayant présenté un projet de rétablir les forts Saint-Jacques et Saint-Nicolas, contre les patriotes.

      Le décret désignait le commandant d'artillerie de Marseille, et Napoléon était général d'artillerie de l'armée d'Italie. Le colonel Sugny, que cela regardait textuellement, se rendit, suivant la lettre du décret, à Paris.

      Arrivé à la barre, il prouva que le plan et les mémoires n'étaient pas de sa main, et que cette affaire lui était étrangère: le tout s'éclaircit, et l'on revint à Napoléon; mais les représentants près de l'armée d'Italie, qui avaient besoin de lui pour la direction des affaires de cette armée, écrivirent à Paris, et donnèrent des explications à la convention, qui s'en contenta.

      § XII

      Les Français se rendirent de Loano à Bardinetto, où l'on passa les gorges de la Bormida; et, le 26 septembre, ils vinrent sur Balestrino, d'où ils descendirent sur Cairo ou le Cair. On rencontra alors un corps de 12 à 15,000 Autrichiens manœuvrant dans la plaine, et qui, à la vue de l'armée française, se mit aussitôt en retraite et se porta sur Dego. Les Français l'y attaquèrent bientôt; et après un combat d'arrière-garde, où les Autrichiens perdirent quelques prisonniers, ceux-ci se retirèrent sur Acqui. Maîtres de Dego, les Français s'arrêtèrent; leur but était atteint: ils avaient pris plusieurs magasins et reconnu que l'on n'avait rien à craindre de l'expédition des Autrichiens. La marche des Français jeta l'alarme dans toute l'Italie. L'armée revint sur Savone, en traversant Montenotte supérieure et Montenotte inférieure.

      La droite de l'armée fut portée de Loano sur les hauteurs de Vado, afin de rester maîtresse de cette rade qui est la meilleure et la plus importante qui soit dans ces mers, et d'empêcher les corsaires anglais d'y venir mouiller. La ligne de l'armée française passait alors par Settipani, Melogno, Saint-Jacques, et gagnait Bardinetto et le col de Tende.

      Le reste de l'année 1794 se passa à mettre en état de défense les positions occupées par l'armée, principalement Vado. La connaissance que Napoléon acquit, dans ces circonstances, de toutes les positions de Montenotte, lui fut bientôt utile, lorsqu'il vint commander en chef la même armée, et lui permit de faire la manœuvre hardie qui lui valut les succès de la bataille de Montenotte, à l'ouverture de la campagne d'Italie, en 1796. Au mois de mai 1795, Napoléon quitta le commandement de l'armée d'Italie, et se rendit à Paris: il avait été placé sur la liste des généraux destinés à servir dans l'armée de la Vendée. On lui avait donné le commandement d'une brigade d'infanterie: il refusa cette destination, et réclama.

      § XIII

      Cependant le commandement de l'armée d'Italie avait été confié à Kellermann: ce général était brave de sa personne: mais, n'ayant pas l'habitude des grands commandements, il ne fit que de mauvaises dispositions, et, à la fin de juin, l'armée perdit les positions de Vado, de Saint-Jacques et de Bardinetto. Le général Kellermann menaça même d'évacuer la rivière de Gênes, et jeta l'alarme dans le comité de salut public, où on avait réuni tous les représentants qui avaient été aux armées d'Italie, pour les consulter. Ils désignèrent Napoléon, comme connaissant parfaitement les localités; le comité le fit appeler, et le mit en réquisition. Il se trouva attaché au comité topographique; il prescrivit à l'armée d'Italie la ligne de Borghetto, ligne tellement forte, qu'il ne fallait, pour la garder, qu'une armée moitié moins considérable que la nôtre; elle sauva l'armée française, et lui conserva la rivière de Gênes. Les ennemis l'attaquèrent plusieurs fois avec de grandes forces; ils furent toujours repoussés, et y perdirent un monde considérable.

      A la fin de l'année, le gouvernement, convaincu de l'incapacité du général Kellermann, le remplaça, dans son commandement, par le général Schérer.

      Le 22 novembre, ce général, ayant reçu quelques renforts de l'armée des Pyrénées, attaqua le général ennemi Devins, à Loano, s'empara de ses lignes, fit beaucoup de prisonniers, prit un nombre considérable de canons; et, s'il eût été entreprenant, il aurait fait la conquête de l'Italie. Il ne pouvait y avoir un meilleur moment: mais Schérer était incapable d'une opération aussi importante; et, loin de chercher à profiter de ces avantages, il retourna à Nice, et fit entrer ses troupes dans les quartiers d'hiver.

      Les généraux ennemis, après avoir rallié les leurs, prirent également des quartiers d'hiver.

      MÉMOIRES DE NAPOLÉON

DIX-HUIT BRUMAIRE

      Arrivée de Napoléon en France. – Sensation qu'elle produit. – Napoléon à Paris. – Les directeurs Roger-Ducos, Moulins, Gohier, Siéyes. – Conduite de Napoléon. Rœdérer, Lucien et Joseph, Talleyrand, Fouché, Réal. – État des partis. Ils s'adressent tous à Napoléon. – Barras. – Napoléon d'accord avec Siéyes. – Esprit des troupes de la capitale. – Dispositions adoptées pour le 18. – Journée du 18 brumaire. Décret du conseil des anciens, qui transfère à Saint-Cloud le siège du corps-législatif. – Napoléon aux anciens. – Séance orageuse à Saint-Cloud. – Ajournement des conseils, à trois mois.

      Lorsqu'une déplorable faiblesse et une versatilité sans fin se manifestent dans les conseils du pouvoir; lorsque cédant tour à tour à l'influence de partis contraires, et vivant au jour le jour, sans plan fixe, sans marche assurée, il a donné la mesure de son insuffisance, et que les citoyens les plus modérés sont forcés de convenir que l'état n'est plus gouverné; lorsqu'enfin, à sa nullité au dedans, l'administration joint le tort le plus grave qu'elle puisse avoir aux yeux d'un peuple fier, je veux dire l'avilissement au dehors, alors une inquiétude vague se répand dans la société, le besoin de sa conservation l'agite, et promenant sur elle-même ses regards, elle semble chercher un homme qui puisse la sauver.

      Ce génie tutélaire, une nation nombreuse le renferme toujours dans son sein; mais quelquefois il tarde à paraître. En effet, il ne suffit pas qu'il existe, il faut qu'il soit connu; il faut qu'il se connaisse lui-même. Jusque-là toutes les tentatives sont vaines, toutes les menées impuissantes; l'inertie du grand nombre protège le gouvernement nominal, et, malgré son impéritie et sa faiblesse, les efforts de ses ennemis ne prévalent point contre lui. Mais que ce sauveur, impatiemment attendu, donne tout à coup un signe d'existence, l'instinct national le devine et l'appelle, les obstacles s'applanissent devant lui, et tout un grand peuple volant sur son passage semble dire: Le voilà!

      § Ier

      Telle était la situation des esprits en France, en l'année 1799, lorsque le 9 octobre (16 vendémiaire an VIII), les frégates la Muiron, la Carrére, les chebecks la Revanchae et la Fortune, vinrent à la pointe du jour mouiller dans le golfe de Fréjus.

      Dès qu'on eut reconnu des frégates françaises, on soupçonna qu'elles venaient d'Égypte. Le desir d'avoir des nouvelles de l'armée fit accourir en foule les citoyens sur le rivage. Bientôt la nouvelle se répandit que Napoléon était à bord. L'enthousiasme fut tel que même les soldats blessés sortirent des hôpitaux malgré les gardes, pour se rendre au rivage. Tout le monde pleurait de joie. En un moment la mer fut couverte de canots. Les officiers des batteries, les douaniers, les équipages des bâtiments mouillés dans la rade, enfin tout le peuple, assaillirent les frégates. Le général Pereymont qui commandait sur la côte, aborda le premier. C'est ainsi qu'elles eurent l'entrée; avant l'arrivée des préposés de la santé, la communication avait eu lieu avec toute la côte.

      L'Italie