Annette Laïs. Féval Paul. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Féval Paul
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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libéralisme!

      – Si j'avais autant d'esprit que mon oncle Bélébon, répliqua Renotte, je serais ceci ou cela; mais la politique, je m'en moque! L'église de Landevan n'est pas encore fermée, et je ne m'embarrasse que du bon Dieu. Fourre à Gérard, ma grosse, ça te regarde. Je parle au père et à la mère, je parle à l'abbé aussi, pour qu'il donne un bon conseil. Veut-on faire du chevalier un pataud comme mon neveu Vincent, sauf le respect: Alors, qu'on me le dise: je le mettrai à la charrue.»

      Il y eut un moment de silence, après lequel mon oncle Bélébon dit avec rancune.

      «Vincent n'a pas l'opulence en partage, mais il n'a jamais rien demandé à sa tante Renotte.

      – Et il a eu raison! interrompit la bonne femme; car la tante Renotte ne lui aurait rien donné. La tante Renotte est de la campagne; elle n'en sait pas long, mais par tout pays les cabarets ont la même odeur que Vincent. Je préfère n'avoir pas tant d'esprit et voir plus loin que le bout de mon nez. J'aime ceux d'ici, moi; mon petit avoir est pour eux. Si j'en demande trop, qu'on me dise: Tais-toi. Je voudrais savoir ce que sera le chevalier René de Kervigné.

      – Ce qu'il voudra, parbleu! répliqua mon oncle Bélébon.

      – Ce qu'il voudra!» répétèrent l'une et l'autre Kerfily.

      Ma mère caressait les deux petits. Je ne crois pas qu'elle eût donné à l'incident toute l'attention désirable. Mon père cligna de l'œil en regardant tout autour de la table, et me demanda:

      «Voyons, René, saperbleure! que veux-tu être, mon bonhomme?»

      On me prenait sans vert: je n'en savais rien du tout.

      Je n'étais pas sans m'être fait cette question une fois ou l'autre, le soir en me couchant, mais, je ne me sentais aucune vocation arrêtée. Mon opinion personnelle est que je tiens de ma mère une grande paresse d'esprit. J'ai reçu d'elle la faculté de sentir poussée à un degré presque maladif. Je suis bien réellement, et Dieu me préserve de m'en vanter, un de ces cœurs sensibles dont parlent les romans traduits de l'allemand. Au mois de juin 1842, cette qualité sommeillait encore. Je devais, à cet égard, m'éveiller tout d'un coup, en un sursaut véritablement terrible.

      J'avais fait mes études; j'étais bachelier ès lettres depuis deux ans. Mon goût, pendant que j'étais au collége, m'aurait porté vers la marine; mais mon oncle Bélébon avait nettement déclaré à cette époque que je ne possédais point la capacité nécessaire pour entrer à l'école de Brest. On venait de marier ma sœur; on avait battu monnaie un peu; les préliminaires de l'éducation du marin coûtent cher: l'oncle Bélébon fut écouté. Depuis lors, je n'avais plus manifesté aucun désir, car, par le fait, je regrettais peu la mer. Dans mon idée, je me disais parfois: je serai comme mon père.

      Or, mon père n'était rien, sinon propriétaire. Et à la manière dont les choses allaient chez nous, ma sœur ayant été avantagée par contrat de mariage, mon frère devant l'être selon toute apparence à la prochaine occasion, je risquais fort d'être un propriétaire sans propriété. Cela m'inquiétait peu. J'avais passé ces deux années à la pêche et à la chasse: deux passions en moi. On m'avait équipé à cet égard très convenablement, et j'étais heureux comme un roi.

      Je n'étais ni ambitieux ni romanesque. La lecture, qui met en fermentation la tête des jeunes gens de province, me manquait. Les seuls romans que j'eusse parcourus étaient ceux de ma tante Bel-Œil, et les aventures des cœurs sensibles qui les remplissaient m'avaient prodigieusement ennuyé.

      Je n'étais pas tout-à-fait étranger au monde de Vannes. J'allais dans les salons du petit-faubourg Saint-Germain morbihannais. Je regardais avec le mépris convenable la porte grande ouverte de la préfecture où aucune personne comme il faut n'eût daigné se fourvoyer, et qui en était réduite à donner des bals aux épouses de ses employés. Je savais danser et dire à ma danseuse, comme le gendarme de Nadaud: «Le temps est beau pour la saison.» C'était à peu près tout.

      Ma sœur la marquise avait dit une fois en parlant de moi:

      «Le chevalier sera toute sa vie sage comme une image!»

      Cela ne m'avait point blessé, quoique ce fût blessant, dans l'idée de ma sœur la marquise.

      Ma sœur la marquise était très fière de la jeunesse orageuse de son mari. Elle avait une sincère piété, sa réserve frisait un peu la pruderie, mais pour ce qui regardait la jeunesse orageuse de M. de Tréfontaines, elle racontait en souriant des histoires à faire dresser les cheveux.

      Quand on vit que j'hésitais à répondre, tous les yeux se tournèrent vers moi avec une expression de moquerie. Assurément, je n'avais pourtant point là d'ennemis.

      «Eh bien! chevalier? me dit ma sœur.

      – Allons, ajouta mon beau-frère, que veux-tu être, mon ami René?

      – Que veux-tu être?» répéta la voix d'oiseau de ma tante Nougat.

      Et tous ensemble:

      «Que veux-tu être? que veux-tu être?»

      Le rouge me montait au front. Plus on m'interrogeait, moins je savais.

      «Saperbleure! dit mon père à ma tante Renotte, voilà! On ne peut pourtant pas deviner!

      – Il veut être amiral! piqua mon oncle Bélébon.

      – Ou maréchal de France! copia Bel-Œil.

      – Ou garde des sceaux?» enchérit Nougat.

      Dans cette voie de facile imitation, chacun dit son mot plus ou moins obtus.

      «Chevalier, demanda Julie, ne pencherais-tu point plutôt pour un évêché?

      – Bravo! s'écria Renotte vaillamment. Voilà un beau bout d'oreille, ma petite!»

      Julie devint plus rouge que moi et ne dit plus rien.

      «Qu'y a-t-il donc? interrogea enfin ma mère.

      – Toi, ma bonne, lui répondit Renotte, tu reviens de Pontoise, selon ton habitude. Il y a que je passe ici pour folle, selon mon habitude aussi. Mais, M. l'abbé n'a encore rien dit; je tiendrais à voir un peu la couleur de ses paroles.»

      M. Raffroy n'aimait pas beaucoup à se prononcer; son plaisir était d'être d'accord avec tout le monde, mais quand on l'acculait au pied du mur, il parlait toujours en honnête homme.

      «Ma foi, dit-il, je suis d'avis que chacun ici a la même envie; le bien de notre jeune ami. Cause-t-on sérieusement? Mme la comtesse m'a entretenu souvent du sujet qui nous occupe. A dix-neuf ans, selon moi, il est grand temps de se décider.

      – Assurément, assurément,» murmura ma mère.

      Elle eût peut-être ajouté quelque chose, mais les enfants s'emparèrent d'elle de nouveau.

      «Assurément, assurément, répéta ma tante Renotte, moi, ma bonne, je dis que, si Julie te donne une troisième poupée, tu perdras la tête tout à fait, et qu'il n'y aura plus de place pour René à la maison. M'écoutes-tu, monsieur de Kervigné?

      – Parbleu! repartit mon père.

      – Tu fais bien. Il y a donc que l'an dernier, les Kervigné de Paris ont pris les bains de mer à Lorient. Il faisait froid: la présidente est venue me voir pour passer au moins un jour sans grelotter dans la vase. Elle a trouvé mon petit manoir gentil, à ce qu'il paraît, car elle a fait venir son président, et ils sont restés chez moi six semaines. Quant à ça, je les ai traités de mon mieux. Le président est brave homme, la présidente est encore jolie et coquette à faire pitié, mais bonne femme. Tâche d'écouter, mon Bélébon; l'esprit est de se taire quand quelqu'un parle; toi, Nougat, à ton assiette?

      – Elle est d'un commun? eut le malheur de murmurer Bel-Œil.

      – Tu dis? s'écria ma tante Renotte. Ton petit zieu n'est pas commun, toi, ni ton grand non plus. Garde-m'en de la graine, s'ils fleurissent. Ça vaudra cher à Landevan? Je sais bien que personne ne s'intéresse à mon grand nigaud de René, mais c'est égal, j'en ferai quelque chose toute seule, c'est décidé. Il