Le Bossu Volume 4. Féval Paul. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Féval Paul
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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de mon pauvre Philippe, on dit que je n'ai qu'une vertu, c'est l'oubli de l'injure… Et cela est vrai: la pensée de la vengeance naît et meurt en moi à la même minute… Mais moi aussi, je fis un serment, quand on vint me dire: Philippe est mort… A l'heure qu'il est, je conduis l'État… Punir l'assassin de Nevers ne sera plus vengeance, mais justice!

      Le bossu s'inclina en silence. Philippe d'Orléans reprit:

      – Il me reste plusieurs choses à savoir… Pourquoi ce Lagardère a-t-il tardé si longtemps à s'adresser à moi?

      – Parce qu'il s'était dit: Au jour où je me dessaisirai de ma tutelle, je veux que mademoiselle de Nevers soit femme, et qu'elle puisse connaître ses amis et ses ennemis.

      – Il a les preuves de ce qu'il avance?

      – Il les a, sauf une seule.

      – Laquelle?

      – La preuve qui doit confondre l'assassin.

      – Il connaît l'assassin?

      – Il croit le connaître… et il a une marque certaine pour vérifier ses soupçons.

      – Cette marque ne peut servir de preuve?

      – Votre Altesse Royale en jugera… Quant à la naissance et à l'identité de la jeune fille, tout est en règle.

      Le régent réfléchissait.

      – Quel serment avait fait ce Lagardère? demanda-t-il après un silence.

      – Il avait promis d'être le père de l'enfant, répondit le bossu.

      – Il était donc là au moment de la mort?

      – Il était là… Nevers mourant lui confia la tutelle de sa fille.

      – Ce Lagardère tira-t-il l'épée pour défendre Nevers?

      – Il fit ce qu'il put… Après la mort du duc, il emporta l'enfant, bien qu'il fût seul désormais contre vingt…

      – Je sais qu'il n'y a point au monde de plus redoutable épée, murmura le régent. Mais il y a de l'obscurité dans vos réponses, monsieur… Si ce Lagardère assistait à la lutte, comment dites-vous qu'il a seulement des soupçons au sujet de l'assassin…?

      – Il faisait nuit noire. L'assassin était masqué. Il frappa par derrière.

      – Ce fut donc le maître lui-même qui frappa?

      – Ce fut le maître… Et Nevers tomba sur le coup en criant: Ami, venge-moi!

      – Et ce maître, poursuivit le régent avec une hésitation visible, n'était-ce point M. le marquis de Caylus-Tarrides?

      – M. le marquis de Caylus-Tarrides est mort depuis des années, répliqua le bossu; l'assassin est vivant… Votre Altesse Royale n'a qu'un mot à dire: Lagardère le lui montrera cette nuit.

      – Alors, fit le régent avec vivacité, ce Lagardère est à Paris?

      Le bossu se mordit la lèvre.

      – S'il est à Paris, ajouta le régent qui se leva, il est à moi!

      Sa main agita une sonnette, et il dit au valet qui entra:

      – Que M. de Machault vienne ici sur-le-champ!

      M. de Machault était le lieutenant de police.

      Le bossu avait repris son calme.

      – Monseigneur, dit-il en regardant sa montre, à l'heure où je vous parle, M. de Lagardère m'attend, hors de Paris, sur une route que je ne vous indiquerai point, dussiez-vous me donner la question. Voici onze heures de nuit qui vont sonner. Si M. de Lagardère ne reçoit de moi aucun message avant onze heures et demie, son cheval galopera vers la frontière. Il a des relais… Votre lieutenant de police n'y peut rien.

      – Vous serez otage! s'écria le régent.

      – Oh! moi, fit le bossu qui se prit à sourire; pour peu que vous teniez à me garder prisonnier, je suis en votre pouvoir!

      Il croisa ses bras sur sa poitrine. Le lieutenant de police entrait. Il était myope, et ne voyant point le bossu, il s'écria avant qu'on ne l'interrogeât:

      – Voici du nouveau!.. Votre Altesse Royale verra si l'on peut user de clémence envers de pareils brouillons! Je tiens la preuve de leurs intelligences avec Alberoni… Cellamare est là dedans jusqu'au cou… et M. de Villeroy… et M. de Villars et toute la vieille cour qui est avec le duc et la duchesse du Maine…

      – Silence! fit le régent.

      M. de Machault apercevait justement le bossu. Il s'arrêta tout interdit.

      Le régent fut une bonne minute avant de reprendre la parole. Pendant ce temps, il regarda plus d'une fois le bossu à la dérobée. Celui-ci ne sourcillait pas.

      – Machault, dit enfin le régent, je vous avais précisément appelé pour vous parler de M. le prince de Cellamare… et d'autres… Allez m'attendre, je vous prie, dans le premier cabinet.

      Machault lorgna curieusement le bossu et se dirigea vers la porte.

      Comme il allait franchir le seuil, le régent ajouta:

      – Faites-moi passer, je vous prie, un sauf-conduit tout scellé et contre-signé en blanc.

      Avant de sortir, M. de Machault lorgna encore.

      Le régent ne pouvait être bien longtemps si sérieux que cela.

      – Où diable va-t-on prendre des myopes pour les mettre à la tête de l'affût? grommela-t-il.

      Puis il ajouta:

      – M. le chevalier de Lagardère traite avec moi de puissance à puissance. Il m'envoie des ambassadeurs et me dicte lui-même, dans sa dernière missive, la teneur du sauf-conduit qu'il réclame… Il y a là-dessous, probablement, quelque intérêt en jeu… Ce chevalier de Lagardère exigera sans doute une récompense?..

      – Votre Altesse Royale se trompe, repartit le bossu; – M. de Lagardère n'exigera rien… Il ne serait pas au pouvoir du régent de France lui-même de récompenser le chevalier de Lagardère!

      – Peste! fit le duc – il faudra bien que nous voyions ce mystérieux et romanesque personnage… Il est capable d'avoir un succès fou à la cour, et de ramener la mode perdue des chevaliers errants!.. Combien de temps nous faudra-t-il l'attendre?

      – Deux heures.

      – C'est au mieux!.. Il servira d'intermède entre le ballet indien et le souper sauvage… Cela n'est point dans le programme…

      Le valet entra. Il apportait le sauf-conduit, contre-signé par le ministre Le Blanc et M. de Machault.

      Le régent remplit lui-même les blancs et signa.

      – M. de Lagardère, – reprit-il tout en écrivant, – n'avait point commis de ces fautes qu'on ne puisse pardonner. Le feu roi était sévère à l'endroit des duels; il avait raison. Les mœurs ont changé, Dieu merci! depuis ce temps, et les rapières tiennent mieux dans le fourreau… La grâce de M. de Lagardère sera enregistrée demain, et voici le sauf-conduit.

      Le bossu avança la main. Le régent ne lâcha point encore l'acte.

      – Vous préviendrez M. de Lagardère que toute violence de sa part rompra l'effet de ce parchemin.

      – Le temps de la violence est passé, prononça le bossu avec une sorte de solennité.

      – Qu'entendez-vous par là, monsieur?

      – J'entends que le chevalier de Lagardère n'aurait pu accepter cette clause, il y a deux jours.

      – Parce que?.. fit le duc d'Orléans avec défiance et hauteur.

      – Parce que son serment le lui eût interdit.

      – Il avait donc juré autre chose que de servir de père à l'enfant?

      – Il avait juré de venger Nevers…

      Le