Le comte de Moret. Dumas Alexandre. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Dumas Alexandre
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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pour savoir si M. Souscarrières parti, il me sera permis d'aller passer le reste de la nuit à la maison; voilà huit jours, ou plutôt huit nuits que je ne suis rentré à la maison.

      – Et vous êtes fatigué de veiller.

      – Non, monseigneur, mais Mme Cavois est fatiguée de dormir.

      – Elle est donc toujours amoureuse, Mme Cavois.

      – Oui, monseigneur, seulement c'est de son mari qu'elle est amoureuse.

      – Bel exemple à suivre pour ces dames; Cavois, vous passerez cette nuit avec votre femme.

      – Ah! merci, monseigneur.

      – Je vous autorise à l'aller chercher.

      – A aller chercher Mme Cavois?

      – Oui, et à l'amener ici.

      – Ici, monseigneur, y pensez-vous?

      – J'ai à lui parler.

      – A parler à ma femme! s'écria Cavois au comble de l'étonnement.

      – J'ai un cadeau à lui faire en dédommagement des nuits blanches que je lui fais passer.

      – Un cadeau!

      – Faites entrer M. Souscarrières, Cavois, et tandis que je causerai avec lui, allez chercher votre femme.

      – Mais elle sera couchée, monseigneur.

      – Vous la ferez lever.

      – Elle ne voudra pas venir.

      – Prenez deux gardes avec vous.

      Cavois se mit à rire.

      – Eh bien, soit, monseigneur, dit-il, je vais vous l'amener, mais je vous préviens qu'elle a la langue bien pendue, Mme Cavois.

      – Tant mieux, j'aime ces langues-là; elles sont rares à la cour, elles disent ce qu'elles pensent.

      – Ainsi, c'est sérieux ce que Monseigneur a dit?

      – Il n'y a rien de plus sérieux, Cavois.

      – Monseigneur va être obéi.

      Cavois sorti, le cardinal alla vivement au placard, et l'ouvrit.

      A la même place où il avait mis la demande, il trouva la réponse.

      Elle était rédigée avec le même laconisme que la demande.

      La voici:

      «Le comte de Moret est l'amant de Mme de la Montagne, et le seigneur de Souscarrières de Mme de Maugiron. Amant malheureux, le marquis de Pisani.»

      – C'est étonnant, murmura le cardinal en refermant le placard, comme les choses s'enchaînent ce soir; je commence à croire, comme cet imbécile de du Tremblay, qu'il y a une providence.

      En ce moment, le valet de chambre, Charpentier, ouvrait la porte et annonçait:

      – Messire Pierre de Bellegarde, marquis de Montbrun, seigneur de Souscarrières!

      CHAPITRE XIII.

      OU Mme CAVOIS DEVIENT L'ASSOCIÉE DE M. MICHEL

      Celui qui se faisait annoncer avec ce pompeux étalage de titres, n'était autre, nos lecteurs le savent, que le duelliste Souscarrières, dont nous avons raconté les prouesses au commencement de ce volume.

      Souscarrières entra d'un air dégagé et salua Son Eminence avec une désinvolture que, dans sa position, on pourrait qualifier d'effronterie.

      Le cardinal eut l'air de chercher des yeux, comme si Souscarrières avait amené une suite avec lui.

      – Pardon, monseigneur, dit Souscarrières en allongeant galamment le pied et en arrondissant le bras droit, avec lequel il tenait son chapeau, mais Votre Eminence paraît chercher quelque chose?

      – Je cherche les personnes que l'on a annoncées avec vous, M. Michel.

      – Michel, répéta Souscarrières faisant l'étonné, qui donc se nomme ainsi, monseigneur?

      – Mais vous, mon cher monsieur, ce me semble.

      – Oh! monseigneur commet une grave erreur, dans laquelle je ne voudrais pas le laisser; je suis le fils reconnu de messire Roger de Saint-Lary, duc de Bellegarde, grand écuyer de France; mon illustre père vit encore, et l'on peut s'informer à lui. Je suis seigneur de Souscarrières, d'un bien que j'ai acquis; j'ai été fait marquis par Mme la duchesse Nicole de Lorraine, à propos de mon mariage avec noble demoiselle Anne de Rogers.

      – Mon cher monsieur Michel, reprit Richelieu, permettez-moi de vous raconter votre histoire, je la sais mieux que vous, elle vous instruira.

      – Je sais, dit Souscarrières, que les grands hommes comme vous ont, après les journées de fatigue, besoin d'une heure d'amusement; heureux ceux qui peuvent, même à leurs dépens, donner cette heure de distraction à un si grand génie.

      Et Souscarrières, enchanté du compliment qu'il venait de trouver, s'inclina devant le cardinal.

      – Vous vous trompez du tout au tout, monsieur Michel, continua le cardinal, s'entêtant à lui donner ce nom: je ne suis pas fatigué, je n'ai pas besoin d'une heure d'amusement, et je ne veux pas prendre cette heure à vos dépens; seulement, comme j'ai une proposition à vous faire, je veux bien vous prouver que je ne suis pas, comme tout le monde, dupe de vos noms et de votre titre, et que c'est à cause de votre mérite personnel que je vous la fais.

      Et le cardinal accompagna cette dernière phrase d'un de ces fins sourires qui, dans ses moments de bonne humeur, lui étaient particuliers.

      – Je n'ai qu'à laisser parler Votre Eminence, dit Souscarrières, un peu déferré du tour que prenait la conversation.

      – Je commence donc, n'est-ce pas, monsieur Michel?

      Souscarrières s'inclina en homme qui ne peut opposer aucune résistance.

      – Vous connaissez la rue des Bourdonnais, n'est-ce pas, monsieur Michel? demanda le cardinal.

      – Il faudrait être du Cathay, monseigneur, pour ne la point connaître.

      – Eh bien, vous avez connu aussi dans votre jeunesse un brave pâtissier qui tenait l'auberge des Carneaux et qui traitait par tête; ce digne homme, qui faisait d'excellente cuisine, et chez lequel j'ai mangé maintes fois, quand j'étais évêque de Luçon, s'appelait Michel et avait l'honneur d'être M. votre père.

      – Je croyais avoir déjà dit à Votre Eminence que j'étais le fils reconnu de M. le duc de Bellegarde, insista, mais avec moins de confiance, le seigneur de Souscarrières.

      – Rien n'est plus vrai, répliqua le cardinal, je vais même vous dire comment cette reconnaissance s'est faite. Ce digne pâtissier avait une femme fort jolie, à qui tous les seigneurs fréquentant l'auberge des Carneaux faisaient leur cour. Un beau jour, elle se trouva grosse et accoucha d'un fils; ce fils c'était vous, mon cher monsieur Michel; car, comme vous êtes né pendant le mariage et du vivant de M. votre père, ou, si vous voulez, du mari de votre mère, vous ne pouvez porter un autre nom que celui de M. votre père et de Mme votre mère; il n'y a que les rois, ne l'oubliez pas, mon cher monsieur Michel, qui aient le droit de légitimer les enfants adultérins.

      – Diable! diable! murmura Souscarrières.

      – Arrivons à notre reconnaissance; après avoir été un joli enfant, vous devîntes un beau jeune homme, adroit à tous les exercices du corps, jouant à la paume comme Fontenay, et faisant filer une carte comme personne. Arrivé à ce degré de perfection, vous résolûtes de faire servir ces divers talents à votre fortune, et, pour commencer la susdite fortune, vous passâtes en Angleterre, et vous y fûtes si heureux à toute sorte de jeux, que vous en revîntes avec 500,000 francs; est-ce bien cela?

      – A quelques centaines de pistoles près, oui, monseigneur?

      – Ce fut alors que vous eûtes, un beau matin, la visite d'un nommé Lalande, qui a été le maître de paume de S. M. notre sire le roi; or voilà ce qu'il