Or, les districts d’Athabaska et du Mackenzie, champ d’action des missionnaires dont nous avons à raconter les travaux, se trouvaient les derniers dans l’échelle des districts. C’est donc à leur tête qu’il fallait s’attendre à trouver les hommes les plus décidés au succès.
3
Fervents chrétiens avant tout, les découvreurs français du Canada firent aller de pair la colonisation et l’évangélisation. François Ier, sur le rapport de Jacques Cartier, voulut «convertir les sauvages à la foi, et établir ses sujets au milieu d’eux». Champlain, que sa grande âme de catholique et de patriote a fait appeler «le véritable fondateur de la Nouvelle-France», réalisa le désir de Jacques Cartier et du roi de France, en obtenant les premiers missionnaires. Après lui, tous les explorateurs furent accompagnés, sinon précédés, par le prêtre.
Les Récollets arrivèrent en 1615, les Jésuites en 1625, les Sulpiciens en 1657. En 1659, le vicariat apostolique de Québec, plus vaste que l’Europe, fut érigé. Deux cent soixante ans plus tard, le 2 avril 1918, S. Ex. Mgr Stagni, quatrième nonce apostolique au Canada, pouvait écrire, dans sa lettre d’adieu à S. Em. le cardinal Bégin, archevêque de Québec, et aux 43 archevêques et évêques de la Puissance du Canada et de Terre-Neuve:
«Votre nation, dont l’univers entier vante la culture intellectuelle et les progrès matériels, s’est acquis une réputation plus invincible encore dans le domaine religieux. La hiérarchie catholique, laquelle n’y remonte même pas à trois siècles, se pare chaque jour d’une gloire et d’un éclat nouveau, tant par le nombre que par l’éminence des vertus de ses membres.»
On ne pouvait, en moins de mots, ni avec plus d’autorité, exprimer la rapidité du jeune continent à passer de l’état primitif à l’état d’une nation complètement européenne, au prestige mondial et au catholicisme florissant.
4
Trois autres grandes tribus dénées se trouvent dans la Colombie Britannique: les Porteurs, les Chilcotines, les Babines. Ils ont été évangélisés, eux aussi, par les Oblats de Marie Immaculée. Le R. P. Morice, O. M. I., en a savamment traité en divers ouvrages: Au Pays de l’Ours Noir, Essai sur l’Origine des Dénés, Histoire de l’Eglise catholique dans l’Ouest Canadien (4 vol.), etc…
5
Nous transcrivons quelques observations du Père Petitot:
Les divisions les plus considérables – en nombre, mais non en qualité – de la race dénée sont «dans le sud des Etats-Unis, où elles sont connues sous le nom de Navajos et d’Apaches. Ces tribus ont dû être séparées de celles de l’Extrême-Nord, à l’époque des guerres générales entre les Indiens.»
Outre les tribus que nous avons énumérées, il y a, dans le Mackenzie, les Sékanais, les Mauvais-Monde, les Gens de la Montagne, etc. Nous les rencontrerons plus tard; mais ce ne sont que des fragments, distincts de nom plus que de réalité, des tribus sus-mentionnées.
«Chaque tribu dénée parle son dialecte; mais la souche mère n’a point été trouvée en Amérique. Les dialectes sont à cette souche perdue ce que sont à notre latin le français, l’italien, l’espagnol, le provençal.
«Les langues dénées rentrent évidemment par leur caractère général dans les idiomes américains dont la tendance est d’accumuler une multitude d’idées dans un seul mot. C’est ce que de Humboldt a appelé agglutination, et Duponceau polysynthétisme. Le Déné, en effet, n’analyse point ses impressions, il les groupe en idées complexes. Il n’a point du tout conscience d’une analyse logique. La synthèse gouverne tellement toutes les formes du langage qu’elle se reflète même dans son écriture: toutes les lettres ne présentent qu’une enfilade de caractères placés à la suite les uns des autres, sans solution de continuité. Le discours revêt même cette forme, et les idées les plus incompatibles y sont liées entre elles sans aucune transition. C’est comme le jeu d’une navette qui ne s’arrête pas pour tisser une étoffe multicolore… Même agglutination dans les mots que dans les phrases, agglutination qui comporte des élisions très embarrassantes lorsqu’il s’agit de distinguer la racine de ce qui n’est qu’accidentel.
«La langue des Dénés présente cependant cette particularité qu’elle est, en partie, monosyllabique ou inorganique, comme l’est par exemple le chinois, et probablement toute langue primitive. Tous les mots racines ne sont que des monosyllabes. J’en ai déjà réuni 745 (en 1867), dont 233 sont dépouillés de toute particule. De ces monosyllabes dériveront tous les autres mots.
«Comme dans la langue chinoise encore, le ton, l’inflexion de la voix changeront du tout au tout la signification de certains mots dénés, qui s’écrivent de la même manière. La prononciation de ces mots et d’une infinité d’autres exige une grande délicatesse d’articulation, une grande précision dans l’intonation et dans l’observance de la quantité prosodique.
«Cette prononciation comporte, en outre, presque toutes les difficultés des langues connues. Elle a des chuintantes, des clappantes, des dentales et des hiatus qui ont fait le désespoir de bien des gens.
«Chose remarquable aussi, il y a peu d’emploi des labiales: le jeu des lèvres est presque nul. Un Déné, les lèvres légèrement entr’ouvertes et sans desserrer les dents, parlera avec une vélocité étonnante et fera entendre les sons les plus heurtés.»
Les langues du Nord, comme les autres, furent apprises par les premiers missionnaires, au seul moyen de leurs observations personnelles. Ils en ont rédigés les dictionnaires et les grammaires. Parmi les maîtres en langues dénées, il faut citer Mgr Grouard, Mgr Breynat, les Pères Petitot, Laurent Legoff, Morice.
Un ministre protestant, M. Evans, inventa, pour l’écriture du langage, un système de caractères syllabiques, hiéroglyphiques, qui fut universellement adopté.
Spécimen d’écriture Syllabique
AVE MARIA EN LANGUE MONTAGNAISE
Par toi je laisse aller mon esprit (à la joie) Marie, très-bien Celui qui-a-fait-la-terre t’aime, ton cœur près-de il est, toutes femmes par dessus tu-es grande, et Jésus, il-a-été dans-ton-sein. Lui seul est grand.
Sainte Marie, Le-Puissant sa mère tu es, nous-sommes-mauvais, quand même pour nous prie maintenant et quand nous mourrons à la veille.
Très bien c’est ainsi si c’était.
6
Il est curieux de constater que tous ceux qui se servent de chiens ne leur parlent que français. Et ces mots sont quelquefois les seuls que les Anglais et les Indiens connaissent de notre langue. Nouvelle trace évidente des coureurs-des-bois français.
7
Destinés à mûrir, disons-nous. C’est que malgré la chaleur continuelle, ils n’en ont pas toujours le temps. Le sol, dont aucun été n’a jamais amolli les profondeurs glacées, refroidit les racines; et il est nécessaire que pendant la courte saison chaude, ni la sécheresse, ni les orages ne viennent retarder une croissance qui ne résisterait pas aux gelées précoces, qui suivent pas