Les Merveilles de la Locomotion. Ernest Deharme. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Ernest Deharme
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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ferait sortir de notre sujet et n'a d'ailleurs rien que de très-facile à expliquer.

      Les anciens avaient bien compris tout l'intérêt que peuvent offrir de bonnes voies de communication. Ils employaient à leur construction les peuples vaincus, et les établissaient avec une telle solidité qu'on en retrouve encore aujourd'hui quelques-unes en parfait état de conservation. Les voies romaines étaient remarquables par leur beauté et leur solidité. Elles étaient formées de blocs énormes de pierre de taille, parfois superposés, reposant sur une couche épaisse de béton, c'est-à-dire de pierres cassées réunies entre elles par un ciment très-résistant. Si nos pères ne connaissaient pas les causes de l'hydraulicité des chaux et des ciments révélées par Vicat, ils connaissaient du moins les mélanges capables d'acquérir par le temps une dureté comparable à celle de la pierre la plus résistante.

      Les plus célèbres voies qui nous restent de l'antiquité sont celles qu'on connaît sous les noms de voies Appienne, Aurélienne, Flaminienne, etc. La première doit son nom au censeur Appius Claudius (311 avant J. – C.), qui la prolongea jusqu'au delà de Capoue, pendant environ 142 milles. La voie Flaminienne allait de Rome à Ariminum (aujourd'hui Rimini). Elle avait 360 milles de longueur. Commencée par le consul Flaminius, en 222 avant J. – C., elle fut prolongée ensuite jusqu'à Aquilée, au fond de l'Adriatique.

      Dans le nord de la France, en Belgique et en Bourgogne, on rencontre encore de belles chaussées, auxquelles on a donné le nom de Brunehaut, mais dont la construction remonte sans doute aux Romains. Il est peu probable que cette reine, à travers les troubles qui ont agité son règne, ait pu donner ses soins à l'exécution des grands travaux qu'on lui attribue.

      Ce qui est certain, c'est que les chaussées dont nous venons de parler, dues ou non à Brunehaut, remontent à une date très-ancienne. Leur existence actuelle ne fait que mieux prouver l'excellence de leur construction.

      Mais ce que pouvaient faire les Romains, grâce aux armées dont ils disposaient et malgré des moyens d'exécution grossiers, est devenu après eux, et pour longtemps, tout à fait impossible. À la fin du douzième siècle, Philippe Auguste améliora les rues et les routes du royaume.

      Plus tard, Colbert créa de nouveaux moyens de communication. Il s'occupa de la réparation des routes existantes et de la construction de voies nouvelles. C'est lui, rappelons-le en passant, qui fit construire le célèbre canal du Languedoc et projeta celui de Bourgogne.

      À cette époque, le corps des ponts et chaussées était déjà créé. Sa fondation remonte à Louis XIII, mais c'est seulement à dater de 1739, époque de son organisation par Trudaine et Perronnet, que les travaux de viabilité reçurent une impulsion considérable: les grands ponts de Neuilly, de Mantes et d'Orléans furent construits. Toutefois, le corps des ponts et chaussées ne reçut sa constitution définitive qu'à dater du décret impérial du 7 fructidor, an XII (25 août 1804), complété par les décrets des 13 octobre 1851 et 17 juin 1854.

      Dès lors, on s'occupa de la construction de ces routes magnifiques, à chaussée entièrement pavée, mesurant, y compris les accotements destinés aux piétons, jusqu'à 14 mètres de largeur.

      À côté des routes nationales, réparties en trois classes, selon qu'elles unissent Paris à un État voisin ou à un port militaire, – à une des principales villes de France, – ou qu'elles établissent une communication transversale entre plusieurs départements, – se placent les routes départementales construites et entretenues avec les fonds votés par les conseils généraux des départements, – puis, les chemins vicinaux, qui relient les routes aux villages ou les villages entre eux, et enfin les chemins ruraux destinés à faciliter les travaux de l'agriculture et entretenus, comme les précédents, par les communes intéressées. Nous comptons:

      La circulation sur les routes nationales a été l'objet de comptages qui permettent d'en apprécier l'importance. Elle est de 3,200 millions de colliers à 1 kilomètre, ce qui signifie qu'elle est représentée par 5,200 millions de chevaux, ayant parcouru 1 kilomètre ou par environ 1,800,000 tonnes transportées à la même distance.

      Quant au nombre des inspecteurs généraux, ingénieurs en chef, ingénieurs ordinaires et élèves-ingénieurs, chargés des travaux de construction et d'entretien des routes nationales, il est de 575. Indépendamment du service des routes nationales, ces ingénieurs ont encore celui des rivières, des canaux, des ports et des travaux maritimes, etc., et sont, d'ordinaire, chargés des travaux à exécuter pour les routes départementales.

      On peut se faire une idée des sacrifices que fait l'État pour la construction et l'entretien des voies de communication, par les sommes énormes qu'il consacre à l'enseignement du personnel auquel il confie la direction des travaux. Un ingénieur des ponts et chaussées, à sa sortie de l'école, se trouve avoir coûté à l'État 10,000 francs; un ingénieur des mines plus du triple: 61,000 francs1.

      Les voies de terre perdant de leur importance, depuis l'impulsion donnée à la construction des voies ferrées, les ingénieurs des ponts et chaussées passent au service des compagnies et contribuent avec les ingénieurs sortis de l'École Centrale et de quelques autres écoles à la construction et à l'exploitation de ces nouvelles voies.

      Le personnel qui appartient aux compagnies de chemins de fer est considérable. Peu de personnes s'en font une idée exacte. Voici, à cet égard, les renseignements, que nous extrayons de l'ouvrage de M. Jacqmin, directeur de l'exploitation du chemin de fer de l'Est.

      Le seul personnel de l'exploitation de la Compagnie de l'Est se composait, au 31 décembre 1865, de:

      Ce chiffre étant pris comme base, le nombre des agents attachés à l'exploitation des voies ferrées, en France, est de 43,000 environ.

      II. – DE LA LOCOMOTION SUR L'EAU

La feuille, la branche, le tronc d'arbre et le bateau. – Rivières, fleuves, canaux, lacs, mers, océan. – Les ondulations. Les marées, les courants et les vents. – Les vagues, la tempête et les navires transatlantiques. – Le réseau des voies navigables en France

      La sécurité de la locomotion sur le sol, sur cette terre, qui est notre élément, cesse au moment où nous l'abandonnons pour nous lancer sur l'eau. Nous n'avons plus cette base ferme et solide sur laquelle nos pieds, malgré leur faible étendue, trouvaient un appui suffisant, et, pour nous soutenir sur l'eau, nous devons nous développer de tout notre corps et fournir la plus grande surface possible.

      Encore ne nous éloignons-nous jamais du rivage auquel nos forces épuisées nous rappellent bientôt. Pour tenter de longs voyages, nous devons emprunter un véhicule et nous demandons à nos bras, au flot lui-même, au vent, à la vapeur, enfin, un secours indispensable. Il est impossible de dire, avec Gessner, quel fut le «premier navigateur.» Le premier homme qui tenta l'aventure vit-il une feuille tombée dans l'eau, emportée par le vent, ou bien une branche, un roseau peut-être, ou un tronc d'arbre entraîné par un courant, et l'idée lui vint-elle de faire comme la fourmi sur la feuille ou l'oiseau sur la branche? On ne sait; mais bientôt il creusa l'arbre pour le rendre plus léger, se fit une voile d'un morceau de toile, imagina la rame et le gouvernail.

      Qui saurait dire ce que le sombre gouffre a englouti de victimes et de combien de vies a été payé chaque progrès accompli dans l'art de la navigation!

      Les rivières, les fleuves et encore moins les canaux n'offrent, eu égard à leur faible largeur et à leur faible profondeur, aucun danger sérieux dont la navigation ne se soit rendue maîtresse depuis longtemps. Un cours plus ou moins rapide, un lit plus ou moins profond, pas plus de vent que sur la terre et un abordage presque toujours facile à tout moment du parcours, telles sont les conditions générales de la navigation fluviale, qui n'a d'autre inconvénient que sa lenteur; telles sont aussi les conditions de la navigation sur les lacs, à cela près que, sur quelques-uns d'entre eux, le vent soulève parfois des bourrasques, devant lesquelles les légères embarcations doivent fuir


<p>1</p>

Compte rendu de la société des ingénieurs civils. – Séance du 8 janvier 1869.