La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1. Alcide de Beauchesne. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Alcide de Beauchesne
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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rel="nofollow" href="#n41" type="note">41 n'attendaient pas à cet égard l'exemple ou le signal des évêques. Tous les corps civils et militaires de l'État, les villes, les tribunaux, les chapitres, les ordres religieux, toutes les communautés, toutes les confréries, toutes les classes de citoyens manifestèrent par des prières publiques des sentiments au fond desquels peut-être il eût été facile de trouver moins de regret pour le prince qui n'était plus, que de vœux pour le couple royal qui, sans force et sans expérience, venait d'être chargé de veiller sur la fortune publique.

      LIVRE PREMIER

      ÉDUCATION DE MADAME ÉLISABETH. – MARIAGE DE MADAME CLOTILDE

      13 MARS 1764 – 28 AOÛT 1777

      Mulierem fortem quis inveniet?

      procul, et de ultimis finibus pretium ejus.

Proverbes, XXXI.

Naissance de Madame Élisabeth. – Sa complexion délicate. – Madame Clotilde et Madame Élisabeth élevées par madame de Marsan. – Différence d'humeur et de caractère des deux sœurs. – Élisabeth malade soignée par Clotilde. – Première communion de Clotilde. – Madame de Mackau nommée sous-gouvernante des Enfants de France. – Amélioration qui se produit progressivement dans l'éducation d'Élisabeth. – Mademoiselle de Mackau devient l'amie de Madame Élisabeth. – Cercle des jeunes princesses. – Compiègne et Fontainebleau. – M. Leblond. – Plutarque expurgé par madame de la Ferté-Imbault et apprécié par Dumouriez. – Opinion de madame de Genlis sur les livres qu'il convient de mettre dans les mains des jeunes personnes. – L'abbé de Montégut enseigne l'Évangile à Madame Élisabeth et développe en elle le sentiment religieux. – Madame de Marsan la conduit à Saint-Cyr; intérêt et charme qu'elle y rencontre. Sentiment de la Reine pour les jeunes filles élevées dans cette maison. – Deux cent mille livres remises par ordre de Louis XVI aux curés de Paris pour être distribuées aux pauvres. – M. Machault d'Arnouville, M. de Choiseul, M. de Maurepas. – Lettre du jeune Roi à celui-ci. – Maurepas jugé par Marmontel. – Mesdames Adélaïde, Victoire et Sophie atteintes de la maladie du feu Roi, leur père. – La jeune famille royale quitte aussitôt Choisy et se rend à la Muette. – La foule, dès le lever du jour, encombre les grilles du château. – Enthousiasme populaire. – Tabatières de deuil: la consolation dans le chagrin; les quesaco; les poufs au sentiment. – Les bonnets à grands papillons. – Une plaisanterie d'une des dames de la Reine est cause que cette princesse est mal jugée par les vieilles douairières qui viennent faire les révérences de deuil. – Inondations et désastres à l'avénement du Roi comme à son mariage. – Troubles à Weimar; émeute; incendie. – Premier conseil des dépêches tenu par le roi Louis XVI au château de la Muette. – Madame Élisabeth, avec la famille royale, dans l'église des Carmélites de Saint-Denis. – Le jeudi 2 juin, jour de la Fête-Dieu, la jeune princesse avec toute la Cour accompagne à pied le saint sacrement à l'église paroissiale de Passy. – Le premier acte de l'autorité royale est de faire remise du droit de joyeux avénement. – Les du Barry s'éloignent. – La comtesse se retire dans l'abbaye du Pont-aux-Dames. – Le duc d'Aiguillon; le comte du Muy; le comte de Vergennes. – Le parlement; la chambre des comptes; la cour des monnaies. – Gresset, directeur de l'Académie française, harangue le Roi et la Reine. – Durosoy. – Retour à Versailles. – L'abbé de Vermond. – Soufflot. – Archevêques et évêques. – Inoculation, à Marly, du Roi, du comte et de la comtesse de Provence, du comte et de la comtesse d'Artois. – Le parti du progrès: Turgot. – Le prince Louis de Rohan. – Buffon. – Delille. – Madame Clotilde et Madame Élisabeth à la Muette. – La Cour quitte Marly et se rend à Compiègne, où elle emmène les deux jeunes princesses. – Réception faite au Roi. – Arrivée de Mesdames. – Fête de l'Assomption; vœu de Louis XIII; procession religieuse où figurent Clotilde et Élisabeth. – Arrivée en France de l'archiduc Maximilien-François. – Audience donnée par Louis XVI au comte de Viry, ambassadeur de Sardaigne, et au comte de Vergennes, ministre des affaires étrangères: déclaration du mariage de Madame Clotilde avec le prince de Piémont

      Pour initier le lecteur à la connaissance de l'époque qui précéda immédiatement celle qui sert de cadre à la vie que nous avons entrepris de raconter, nous avons dû esquisser à grands traits le mouvement des idées et des faits des dix dernières années du règne de Louis XV. Le berceau et la première enfance de Madame Élisabeth tinrent si peu de place dans ces dix années, que nous avons eu à peine l'occasion de la nommer dans cette introduction. Au moment d'ouvrir le récit de sa vie, nous devons grouper dans leur ordre chronologique le petit nombre de faits relatifs à cette princesse qui précédèrent l'avénement de son frère le roi Louis XVI.

      Élisabeth-Philippine-Marie-Hélène de France, fille de Louis, Dauphin, et de Marie-Joséphine de Saxe, était née à Versailles le jeudi 3 mai 1764, à deux heures du matin. Dans la journée, le duc de Berry, le comte de Provence, le comte d'Artois, se rendirent à la chapelle du château, immédiatement après la messe du Roi, pour la cérémonie du baptême de la princesse nouvellement née. Le Roi et la Reine, Monsieur le Dauphin, Madame Adélaïde, Mesdames Victoire, Sophie et Louise, le duc d'Orléans, le duc de Chartres, le prince de Condé, le prince de Conty, la princesse de Conty, la comtesse de la Marche, le comte de Clermont, le comte d'Eu, le duc de Penthièvre et le prince de Lamballe, assistèrent à cette cérémonie. La petite princesse fut tenue sur les fonts par le jeune duc de Berry, au nom de l'infant don Philippe, et par Madame Adélaïde, au nom de la reine d'Espagne douairière. Le baptême fut administré par l'archevêque de Reims, grand aumônier du Roi, en présence de M. Allant, curé de la paroisse du château. Plusieurs dignitaires de la cour assistaient à la cérémonie, ainsi que les ambassadeurs d'Espagne et de Naples.

      Madame Élisabeth, en venant au jour, était d'une complexion si délicate que son existence, pendant les premiers mois, donna lieu à des inquiétudes continuelles. Ceux qui se plaisent à tirer l'horoscope des princes, disaient que cette princesse était trop faible pour saisir les belles destinées qui s'offraient à elle: ils ne se doutaient pas qu'au contraire ses destinées seraient terribles, qu'elle aurait la force de les supporter, et qu'il viendrait des temps mauvais où les maîtres de la France trouveraient trop longue et abrégeraient cette vie qu'on appréhendait alors de voir s'éteindre trop tôt.

      La petite orpheline, après la mort de Madame la Dauphine, fut entièrement livrée aux soins de madame la comtesse de Marsan42, gouvernante des Enfants de France, qui déjà voyait croître sous sa direction une autre princesse, la jeune Clotilde, destinée au trône de Sardaigne, dont elle devait être l'amour et l'édification. Il y avait entre l'âge des deux sœurs un intervalle de quatre ans et huit mois. La différence d'humeur et de caractère était encore plus grande: Clotilde était née avec les plus heureuses dispositions, il suffisait de les suivre et de les aider; chez Élisabeth, au contraire, il fallait souvent contrarier la nature, toujours la diriger. Fière, inflexible, emportée, il y avait chez elle à dompter des défauts très-regrettables dans un rang inférieur, intolérables dans une princesse de sang royal. Madame de Marsan avait rempli la première moitié de sa tâche avec zèle et bonheur, mais aussi sans difficulté: la jeune Clotilde était douée des qualités les plus aimables: la crainte d'affliger celle qui prenait soin de son enfance la rendait attentive aux paroles de madame de Marsan et docile à ses leçons; elle cherchait à deviner dans ses regards le moindre de ses désirs, et ce désir lui devenait un devoir. L'application qu'elle apportait à ses travaux attestait le goût qu'elle y prenait, et promettait d'avance le succès qui couronna cette éducation donnée avec tant d'intelligence et reçue avec une docilité si empressée. La bonté de son cœur répondait à l'élévation de son esprit, et elle se faisait aimer sans efforts de tous ceux qui l'approchaient.

      La seconde partie de la tâche de madame de Marsan était autrement difficile. L'opiniâtreté de Madame Élisabeth rappelait celle du duc de Bourgogne, l'aîné de ses frères, avant que l'éducation l'eût assouplie; fière de sa naissance, elle exigeait auprès d'elle des instruments souples de sa volonté; elle disait qu'elle n'avait pas besoin


<p>42</p>

Marie de Rohan-Soubise, née en 1721, seule fille du prince de Soubise, mariée en juin 1736 à Gaston-Jean-Baptiste-Charles de Lorraine, comte de Marsan, brigadier des armées du Roi, né comme elle en 1721, et mort à Strasbourg en 1743 (1er mai), dans sa vingt-troisième année.