Œuvres complètes de lord Byron, Tome 7. George Gordon Byron. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: George Gordon Byron
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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flancs les éclats d'une redoutable tempête. Voulez-vous donc quitter le palais?

SARDANAPALE

      La tempête, dis-tu!

MIRRHA

      Oui, mon cher seigneur.

SARDANAPALE

      Pour ma part, je ne serais pas fâché de rompre la monotonie de la scène, et de contempler les élémens en guerre; mais ce plaisir contrasterait avec les vêtemens de soie et les figures paisibles de nos joyeux amis. Dis-moi, Mirrha, es-tu de ceux qui craignent le grondement des nuages?

MIRRHA

      Dans mon pays, nous respectons leurs voix, comme les augures de Jupiter.

SARDANAPALE

      Jupiter! – Ah! oui, votre Baal. – Le nôtre a du crédit aussi sur le tonnerre; et, de tems en tems, quelque éclat témoigne sa divinité, et même vient parfois briser ses propres autels.

MIRRHA

      Ce serait un sinistre présage.

SARDANAPALE

      Oui, – pour les prêtres. Eh bien! cette nuit, nous ne sortirons pas du palais: nous banquetterons à l'intérieur.

MIRRHA

      Jupiter en soit donc loué! il a exaucé la prière que tu n'avais pas voulu entendre. Les dieux ont pour toi plus de tendresse que toi-même; et s'ils ont soulevé cette tempête entre toi et tes ennemis, c'est pour te protéger contre eux.

SARDANAPALE

      S'il y a du péril, mon enfant, il est, je crois, le même dans ces murs et sur les bords du fleuve.

MIRRHA

      Non, non; ces murs sont élevés, forts, et d'ailleurs garnis de gardes. Pour y pénétrer, la trahison doit franchir une foule de détours et de portes massives: mais dans le pavillon, elle ne trouvera aucune défense.

SARDANAPALE

      Non, s'il y a trahison; mais ni dans le palais, ni dans la forteresse, ni sur les sommets, séjour des orages, où l'aigle repose au milieu d'impraticables rochers. La flèche sait atteindre le roi des airs: et celui de la terre n'est pas à l'abri du poignard meurtrier. Mais, calme-toi: innocens ou coupables, les hommes que tu crains sont bannis et déjà loin.

MIRRHA

      Ils vivent encore?

SARDANAPALE

      Quoi, si cruelle aussi!

MIRRHA

      Je ne puis frémir de la juste exécution d'un châtiment mérité, sur ceux qui menacent votre vie: s'il en était autrement, je ne mériterais pas de conserver la mienne. D'ailleurs, vous avez le conseil du noble Salemènes.

SARDANAPALE

      Ma surprise est extrême: l'indulgence et la sévérité se réunissent contre moi pour me forcer à la vengeance.

MIRRHA

      C'est là une de nos vertus en Grèce.

SARDANAPALE

      Elle n'en est pas plus royale. – Je ne l'observerai pas; ou si je m'y laisse entraîner, ce sera à l'égard des rois: – de mes égaux.

MIRRHA

      Mais ces hommes cherchent à devenir tels.

SARDANAPALE

      Mirrha, cela est trop de ton sexe; c'est la peur qui t'inspire.

MIRRHA

      Oui, pour vous.

SARDANAPALE

      Peu importe: – c'est toujours la peur. J'ai étudié les femmes; une fois soulevées par le ressentiment, elles aspirent, par suite de leur timidité, à la vengeance, avec une persévérance que je ne veux pas prendre pour modèle. Je vous croyais, vous autres Grecques, exemptes de cette faiblesse, aussi bien que de la puérile mollesse des femmes asiatiques.

MIRRHA

      Mon seigneur, je n'aime pas à faire parade de mon amour ni de mes qualités; j'eus part à votre splendeur, je partagerai, quoi qu'il arrive, votre destinée. Un jour peut venir où vous trouverez dans une esclave plus de dévouement que dans les innombrables sujets de votre empire. Mais puissent les dieux ne le pas permettre! J'aime mieux être aimée sur la foi de ce que j'éprouve moi-même, que de vous en donner jamais la preuve au milieu de peines que mes tendres soins pourraient ne pas assez adoucir.

SARDANAPALE

      La peine ne saurait pénétrer où existe le parfait amour; ou, si elle se présente, c'est pour le rendre encore plus vif, et s'évanouir loin de ceux qu'elle ne saurait atteindre. Rentrons. – L'heure approche; et il faut nous préparer à recevoir les hôtes qui doivent embellir notre fête.

(Ils sortent.)FIN DU DEUXIÈME ACTE

      ACTE III

SCÈNE PREMIÈRE(La salle du palais illuminée. – Sardanapale et ses hôtes sont à table. Une tempête au dehors, et de tems en tems le tonnerre.)SARDANAPALE

      Remplis la coupe! Nous sommes ici dans l'ordre: c'est ici mon vrai royaume, entre de beaux yeux et des figures aussi heureuses que belles! Ici, le chagrin ne saurait pénétrer.

ZAMES

      Ni partout ailleurs: – où est le roi, brille aussitôt le plaisir.

SARDANAPALE

      Cela ne vaut-il pas mieux que les chasses de Nemrod, ou les courses de ma fière grand'-mère à la recherche de royaumes qu'elle n'aurait pu gouverner, si elle en eût fait la conquête?

ALTADA

      Quelque grands qu'ils fussent, et comme le fut toute la royale race, nul de ceux qui ont précédemment régné n'a pourtant atteint la gloire de Sardanapale, qui mit toute sa joie dans la paix, la plus solide des gloires.

SARDANAPALE

      Et dans le plaisir, cher Altada, vers lequel la gloire n'est qu'un chemin. Que recherchons-nous? le plaisir. Nous devons abréger la route qui y conduit; nous ne la poursuivons pas à travers les cendres de l'humanité, et nous évitons de signaler par autant de tombeaux chacun de nos pas.

ZAMES

      Non; tous les cœurs sont heureux; toutes les voix s'accordent pour bénir le roi de paix, qui tient l'univers en joie.

SARDANAPALE

      En es-tu bien sûr? J'ai ouï parler différemment; quelques-uns parlent de traîtres.

ZAMES

      Sire, les traîtres sont ceux qui parlent ainsi2. Cela est impossible. Dans quel but?

SARDANAPALE

      Dans quel but? tu as raison: – Remplis la coupe; nous n'y songerons plus. Il n'y a pas de traîtres: ou s'il en est, ils sont partis.

ALTADA

      Amis, faites-moi raison! Vidons tous, à genoux, une coupe à la santé du roi, – du monarque, dis-je, du dieu Sardanapale!

ZAMES et les hôtes s'agenouillent, et s'écrient:

      Au roi plus puissant que Baal son père, au dieu Sardanapale! (Le tonnerre interrompt leur toast, quelques-uns se relèvent effrayés.) Pourquoi vous relever, mes amis? Ses ancêtres divins expriment, par cette éclatante voix, leur consentement à nos vœux.

MIRRHA

      Dis plutôt leurs menaces. Souffriras-tu, roi, cette ridicule impiété?

SARDANAPALE

      Impiété! – Eh bien! si mes aïeux et prédécesseurs sont des dieux, je ne déshonorerai pas leur lignée. Mais levez-vous, mes pieux amis; réservez votre dévotion pour le maître du tonnerre: mes vœux sont d'être aimé, et non pas déifié.

ALTADA

      Vous êtes l'un et l'autre; – et vous le serez toujours par vos fidèles sujets.

SARDANAPALE

      Le tonnerre semble redoubler: voilà une horrible nuit.

MIRRHA

      Oh! oui, pour les dieux qui n'ont pas de palais où puissent être à l'abri leurs adorateurs.

SARDANAPALE

      Il est vrai, Mirrha; et si je pouvais transformer mon royaume en un vaste asile pour les malheureux, je le ferais.

MIRRHA

      Tu n'es donc pas dieu, puisque tu ne peux exécuter le grand et noble vœu que tu formes.

SARDANAPALE

      Et vos dieux donc, que sont-ils? eux qui le peuvent et ne le font pas?

MIRRHA

      Ne parle


<p>2</p>

Ces mots (pourquoi? je l'ignore) me rappellent ceux de la fameuse dernière adresse de 1830, au roi Charles X. «Sire, entre ceux qui méconnaissent une nation si fidèle, si dévouée, si soumise, et nous, que votre majesté prononce.» – La réponse de Zames est, comme on le voit, très-respectueuse.(N. du Tr.)