Les nuits mexicaines. Aimard Gustave. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Aimard Gustave
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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n'hésiterais pas à vous en faire part, monsieur Olivier; mais de ce côté là tout va bien.

      L'aventurier le regarda fixement.

      – Il y a donc quelque chose qui va mal d'un autre côté? fit-il.

      – Je ne dis pas cela, monsieur, balbutia le vaquero avec embarras.

      Olivier hocha la tête.

      – Souvenez-vous, Loïck, lui dit-il sévèrement, des conditions que je vous ai imposées, lorsque je vous accordai votre pardon.

      – Oh! Je ne les oublie pas, monsieur.

      – Vous n'avez pas parlé?

      – Non.

      – Ainsi Dominique se croit toujours…

      – Oui, toujours, répondit il en baissant la tête, mais il ne m'aime pas.

      – Qui vous fait supposer cela?

      – Je n'en suis que trop certain, monsieur, depuis que vous l'avez emmené dans les prairies, son caractère est complètement changé, les dix ans qu'il a passés loin de moi, l'ont rendu complètement indifférent.

      – Peut-être est-ce un pressentiment, murmura sourdement l'aventurier.

      – Oh! Ne dites pas cela, monsieur! s'écria-t-il avec épouvante, la misère est mauvaise conseillère; j'ai été bien coupable, mais si vous saviez combien je me suis repenti de mon crime.

      – Je le sais, et voilà pourquoi je vous ai pardonné. Justice sera faite, un jour, du véritable coupable.

      – Oui, monsieur, et je tremble, moi, misérable, d'être mêlé à cette sinistre histoire dont le dénouement sera terrible.

      – Oui, fit avec une énergie concentrée l'aventurier, bien terrible en effet! Et vous y assisterez, Loïck.

      Le vaquero poussa un soupir qui n'échappa pas à son interlocuteur.

      – Je n'ai pas vu Dominique, dit-il, en changeant subitement de ton; est-ce qu'il dort encore?

      – Oh! Non, vous l'avez trop bien instruit, monsieur; il est toujours le premier levé de nous autres.

      – Comment se fait-il qu'il ne soit pas ici, alors?

      – Ah! dit avec hésitation le vaquero, il est sorti; dam, il est libre de ses actions, maintenant qu'il a vingt-deux ans!

      – Déjà! murmura l'aventurier d'une voix sombre. Puis, secouant brusquement la tête:

      – Déjeunons! dit-il.

      Le repas commença sous d'assez tristes auspices, mais grâce aux efforts de l'aventurier, bientôt la gaîté première reparut, et la fin du déjeuner fut aussi joyeuse qu'on pouvait le souhaiter.

      Tout à coup López entra brusquement dans le rancho.

      – Señor Loïck, dit-il, voici votre fils; je ne sais ce qu'il amène, mais il vient à pied et conduit son cheval par la bride.

      Chacun se leva de table et sortit du rancho. A une portée de fusil dans la plaine, on apercevait en effet un homme conduisant un cheval par la bride; un fardeau assez volumineux était attaché sur le dos de l'animal.

      La distance empêchait de distinguer de quelle sorte était ce fardeau.

      – C'est étrange, murmura Olivier à voix basse, après avoir pendant quelques minutes attentivement examiné l'arrivant, serait-ce lui? Oh! Je veux m'en assurer sans retard.

      Et après avoir fait signe à López de le suivre, l'aventurier se précipita par les degrés, laissant abasourdis le vaquero et les deux femmes qui l'aperçurent bientôt courant, suivi de López, à travers la plaine, à la rencontre de Dominique.

      Celui-ci avait aperçu les deux hommes et s'était arrêté pour les attendre.

      VIII

      LE BLESSÉ

      Un calme profond régnait dans la campagne; la brise nocturne s'était éteinte. Nul autre bruit que le susurrement continu des infiniment petits, qui travaillent sans cesse au labeur inconnu pour lequel ils ont été créés par la providence, ne troublait le silence de la nuit; le ciel d'un bleu sombre n'avait pas un nuage; une douce et pénétrante clarté tombait des étoiles, et les rayons lunaires inondaient le paysage de lueurs crépusculaires qui donnaient aux arbres et aux monticules dont ils allongeaient démesurément les ombres tranchées, des apparences fantastiques; des reflets bleuâtres semblaient filtrer dans l'atmosphère dont la pureté était telle, qu'on distinguait facilement le vol lourd et saccadé des coléoptères qui tournaient en bourdonnant autour des branches; çà et là des lucioles fuyaient comme des farfadets dans les hautes herbes qu'elles illuminaient au passage de lueurs phosphorescentes.

      C'était, en un mot, une de ces tièdes et pures nuits américaines, ignorées dans nos froids climats moins favorisés du ciel, et qui plongent l'âme dans de douces et mélancoliques rêveries.

      Tout à coup une ombre surgit à l'horizon, grandit rapidement et dessina bientôt la silhouette noire et indécise encore d'un cavalier; le bruit des sabots d'un cheval, frappant à coups hâtifs la terre durcie, ne laissa bientôt plus de doute à cet égard.

      Un cavalier s'approchait effectivement; il suivait la direction de Puebla; à demi assoupi sur sa monture, il lui tenait la bride assez lâche, et la laissait à peu près se diriger à sa guise, lorsque celle-ci arrivée à une espèce de carrefour, au milieu duquel s'élevait une croix, fit subitement un écart et sauta de côté en dressant les oreilles et en reculant avec force.

      Le cavalier, brusquement tiré de son sommeil ou ce qui est plus probable de ses réflexions, bondit sur la selle et aurait été désarçonné, si, par un mouvement instinctif, il n'avait pas ramené son cheval en pesant fortement sur la bride.

      – ¡Hola! s'écria-t-il en relevant vivement la tête et en portant la main à sa machette, tout en regardant avec inquiétude autour de lui; que se passe-t-il donc ici? Allons, Moreno, mon bon cheval, que signifie cette frayeur? Là, là calme-toi, mon ami, personne ne songe à nous.

      Mais bien que son maître le flattât en lui parlant, et que tous deux parussent vivre en fort bonne intelligence, cependant l'animal continuait à renâcler et à donner des marques de frayeur de plus en plus vives.

      – Voilà qui n'est pas naturel, ¡vive Dios! Tu n'as pas coutume de t'effrayer ainsi pour rien; mon bon Moreno, voyons, qu'y a-t-il?

      Et le voyageur regarda de nouveau autour de lui, mais cette fois plus attentivement et en abaissant son regard vers le sol.

      – Eh! fit-il tout à coup en apercevant un corps étendu sur le chemin, Moreno a raison; il y a quelque chose là, le cadavre de quelque hacendero sans doute, que les salteadores auront tué pour le dépouiller plus à leur aise, et qu'ils auront abandonné ensuite, sans s'en soucier davantage; voyons donc cela.

      Tout en se parlant ainsi à demi-voix, le cavalier avait mis pied à terre.

      Mais comme notre homme était prudent et, selon toutes probabilités, accoutumé de longue date à parcourir les routes de la confédération mexicaine, il arma son fusil et se tint prêt à l'attaque comme à la défense, au cas où l'individu qu'il voulait secourir, s'aviserait de se lever à l'improviste, pour lui demander la bourse ou la vie, éventualité fort dans les mœurs du pays et contre laquelle il fallait avant tout se mettre en garde.

      Il s'approcha donc du cadavre, et il le considéra un instant avec la plus sérieuse attention.

      Il ne lui fallut qu'un coup d'œil pour acquérir la certitude qu'il n'avait rien à redouter du malheureux qui gisait à ses pieds.

      – Hum! reprit-il en hochant la tête à plusieurs reprises, voilà un pauvre diable qui me semble être bien malade; s'il n'est pas mort, il n'en vaut guère mieux. Enfin! Essayons toujours de le secourir, bien que je craigne que ce soit peine perdue.

      Après ce nouvel aparté, le voyageur, qui n'était autre que Dominique le fils du