Le sergent Simplet. Paul d'Ivoi. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Paul d'Ivoi
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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facile de vous confondre?

      Le négociant grimaça:

      – Pour l’éloigner uniquement. Ce à quoi j’ai réussi. Si bien que je puis sans crainte vous conduire à Diego-Suarez et vous remettre aux mains des autorités.

      – Lesquelles, continua Dalvan, nous renverront en France où l’on nous emprisonnera comme voleurs, complices d’évasion, etc.

      – Précisément!

      – Très bien imaginé, monsieur Canetègne.

      – N’est-ce pas? Les choses se passeront comme vous le dites, à moins…

      – À moins… cher monsieur Canetègne?

      – Que Mlle Ribor ne consente à m’accorder sa main.

      – Vous pensez encore à cela?

      – Toujours. Dans ce cas, j’arriverais à étouffer l’affaire et tout le monde serait content.

      – Excepté ma sœur de lait.

      – Oh! vous savez, je l’aime beaucoup. Elle serait heureuse et…

      – Malheureusement, monsieur Canetègne, elle préfère sa liberté…

      – La seule chose que je ne puisse lui offrir.

      – Oh! que si.

      – Oh! que non.

      – La preuve est que vous allez la lui donner.

      – Moi? Si je vois cela…

      – Pas de propos téméraires. Asseyez-vous, cher monsieur Canetègne, et prêtez-moi, – pas d’argent, c’est trop cher chez vous, – simplement un peu d’attention.

      Dominé, l’Avignonnais obéit. Quant à Yvonne, elle paraissait stupéfaite. Ses regards allaient de Marcel au négociant; elle pensait rêver. Comment! c’était son frère de lait qui parlait ainsi, qui se faisait écouter?

      – Cher monsieur, reprit Simplet, vous raisonnez faux, parce que votre point de départ est faux. Vous nous considérez comme vos prisonniers.

      – Mais il me semble, hasarda le commissionnaire ahuri…

      – Il vous semble mal, voilà tout. C’est vous qui êtes mon prisonnier.

      – Moi?

      Yvonne leva les yeux au ciel. Le sous-officier lui paraissait s’enferrer.

      – Vous même, continua celui-ci, et vous allez être de mon avis.

      – Pour cela, non.

      – Supposez que j’appelle les soldats sakalaves qui m’ont arrêté, que je leur dise, – par l’organe de mon ami Claude, il parle le malgache, – à quelle opération vous vous livriez quand nous vous avons aperçu.

      Canetègne ne répondit pas:

      – Il est aisé de prouver. Votre compagnon – la tête de pain d’épice – a le sac d’argent. On vous arrête tous deux. Vous êtes jugés, condamnés pour violation de sépulture. Votre cas est plus grave que le nôtre; vous avez plus à perdre que nous. Donc, c’est vous qui êtes en notre pouvoir.

      – Bravo! souligna Claude.

      – Mais c’est qu’il a raison, murmura Mlle Ribor. Qui l’aurait cru capable de trouver cela?

      – Monsieur Canetègne, fit Marcel d’une voix insinuante, vos soldats ont serré les cordes qui me lient les bras et les jambes; déliez-moi.

      Et comme le commissionnaire, maté par son raisonnement, s’empressait de le satisfaire, le sous-officier ricana:

      – Ça me rappelle la Tour de Nesle. Buridan enchaîné et… Oh! non, vrai, il n’a rien de Marguerite de Bourgogne!

      Puis, plus gracieusement encore:

      – Rendez donc le même service à mes amis.

      Le négociant eut un geste de révolte. Cela l’ennuyait d’être joué.

      – Violation de sépulture! susurra Simplet.

      L’Avignonnais s’exécuta puis, rouge de colère:

      – Enfin, où voulez-vous en venir?

      – C’est bien simple, cher monsieur Canetègne. – Le jeune homme lança un coup d’œil à Yvonne; elle n’avait pas sourcillé cette fois en entendant la locution favorite de son frère de lait. – C’est bien simple, nous pouvons réciproquement nous faire emprisonner; il est moins bête de nous rendre mutuellement la liberté. Expliquez à vos Sakalaves qu’il y a erreur, que nous sommes des gens paisibles. Nous tirons de notre côté, emportant le secret dangereux pour vous.

      Les poings du négociant se crispèrent. Il était pris dans la logique du jeune homme, comme la mouche dans la toile de l’araignée. Mais si sa raison rendait pleine justice à celle de l’adversaire, le sentiment de son impuissance le rendait furieux. Après tout, il n’y avait pas à hésiter.

      – Soit, dit-il. Mais vous garderez le silence?

      – À une condition cependant.

      – Encore?

      – Vous ne nous dénoncerez pas, j’en suis certain. Seulement, votre complice serait peut-être moins bienveillant. Je tiens à le connaître et à le tenir.

      – Cela se peut. Vous vous livreriez en nous livrant; aussi j’ai confiance. Mon associé est le général hova Ikaraïnilo, commandant la garde de la léproserie d’Antananarivo.

      – Bien.

      Le négociant fit un pas vers les soldats qui assistaient de loin à la conférence. Marcel l’arrêta:

      – Un petit mot.

      – Dites vite.

      – Vous avez éloigné Antonin Ribor. Vous l’avouiez tout à l’heure?

      – Oui.

      – Soyez assez complaisant pour m’indiquer où vous l’avez expédié.

      Un instant Canetègne garda le silence, puis un sourire étrange flotta sur ses lèvres.

      – Cela, non. Vous comprendrez les motifs de ma réserve. Tout ce que je puis vous apprendre, c’est qu’il a quitté Diego-Suarez, qu’il s’est rendu à Antananarivo, et que maintenant il navigue vers une colonie où il espère retrouver sa sœur.

      – Vous l’avez saturé de mensonges. Ce bon monsieur Canetègne! Cela suffit. Faites que nous nous séparions, notre rencontre a trop duré.

      Sans relever l’impertinence du sous-officier, l’Avignonnais rejoignit ses compagnons et, après une courte conférence, s’éloigna avec sa troupe, laissant les jeunes gens seuls dans la clairière.

      Mais tout en marchant, il racontait au général ce qui venait de se passer.

      – Tu es puissant à Antananarivo, conclut-il. Je leur ai désigné cette ville dans l’espoir que tu m’aiderais à les écraser. Je pars avec toi.

      – Tu as bien fait, répondit tranquillement le Hova. Dans notre capitale ils trouveront la mort.

      Et sur un signe interrogateur:

      – Tu es lié à moi par notre crime commun. Je n’ai rien à te cacher. Nous sommes las de la domination française. Dans un mois, nos guerriers seront armés, grâce à nos amis d’Angleterre, et alors pas un de nos maîtres n’échappera à notre vengeance.

      – Bigre! interrompit le commissionnaire, je ne t’accompagne plus.

      – Non. Tu sais et tu dois par conséquent rester auprès de moi. Tu n’as rien à craindre d’ailleurs, je te protège.

      Tandis que Ikaraïnilo faisait planer sur les Français cette menace de soulèvement, Marcel et ses amis tenaient conseil. Se rendre à Diego-Suarez, maintenant était inutile. Autant gagner Antananarivo. Le résident, installé dans