L'archéologie égyptienne. Gaston Maspero. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Gaston Maspero
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
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cartouches flanqués d’uraeus, remplacent les côtes et se partagent l’espace conquis. L’abaque ne se dissimule pas comme dans la colonne campaniforme : il déborde hardiment et reçoit la légende du roi fondateur.

      3° La colonne hathorique. – On en a des exemples aux temps anciens, dans le temple de Déir-el-Baharî ; mais c’est par les monuments d’époque ptolémaïque, par Contra-Latopolis, par Philae, par Dendérah surtout, qu’on la connaît le mieux. Le fût et la base ne présentent aucun caractère spécial : c’est le fût et la base de la colonne campaniforme. Le chapiteau a deux étages. Au plus bas, un bloc carré, sur chaque face duquel une tête de femme, à oreilles pointues de génisse, se détache, en haut relief ; la coiffure, maintenue sur le front par trois bandelettes verticales, passe derrière les oreilles et tombe le long du cou. Chaque tête porte une corniche cannelée, sur laquelle s’élève un naos encadré entre deux volutes ; un mince dé carré couronne le tout.

      La colonne a donc pour chapiteau quatre têtes d’Hathor. Aperçue de loin, elle rappelle immédiatement à l’esprit un des sistres que les bas-reliefs nous montrent entre les mains des reines et des déesses. C’est un sistre en effet, mais où les proportions normales des diverses parties ne sont pas observées : le manche est gigantesque, tandis que la moitié supérieure de l’instrument est réduite outre mesure. Ce motif plut tellement qu’on n’hésita pas à le combiner avec des éléments empruntés à d’autres ordres. Les quatre têtes d’Hathor, mises par-dessus un chapiteau campaniforme, fournirent le type composite que Nectanébo employa au pavillon de Philae.

      Je ne saurais dire que le mélange soit très satisfaisant : vue en place, la colonne est moins disgracieuse qu’on ne serait tenté de le croire d’après les gravures. Les supports ne sont pas soumis à des règles fixes de proportions et d’agencement. L’architecte pouvait attribuer, si cela lui plaisait, une hauteur égale à des supports de diamètre très différent, et en dessiner chacun des éléments à l’échelle qui lui convenait le mieux, sans autre souci que d’une certaine harmonie générale : les dimensions du chapiteau n’étaient pas en rapport immuable avec celles du fût, et la hauteur du fût ne dépendait nullement du diamètre de la colonne. À Karnak, les colonnes campaniformes de la salle hypostyle ont 3 mètres de haut pour le chapiteau, un peu moins de 17 pour le fût, 3 m 57 de diamètre inférieur ; à Louxor, 3 m 50 pour le chapiteau, 15 pour le fût, 3 m 45 au bulbe ; au Ramesséum, 11 mètres pour le chapiteau et pour le fût et 2 mètres au bulbe. L’étude des colonnes lotiformes nous amène à des résultats semblables. À Karnak, sur les bas côtés de la salle hypostyle, elles ont 3 mètres de haut pour le chapiteau, 10 pour le fût, 2 m 08 de diamètre sur le socle ; au Ramesséum,1m,70 pour le chapiteau, 7m,50 pour le fût, 1m,78 de diamètre sur le socle.

      Même irrégularité dans la disposition des architraves : rien n’en détermine l’élévation que le caprice du maître ou les nécessités de la construction. Même irrégularité dans les entre-colonnements : non seulement la largeur en diffère beaucoup de temple à temple et de chambre à chambre, mais parfois, comme dans la première cour de Médinét-Habou, ils sont inégaux pour un même portique. Voilà pour les types employés séparément. Quand on les associait dans un seul édifice, on ne s’astreignait pas à leur donner des proportions fixes par rapport l’un à l’autre. Dans la salle hypostyle de Karnak les colonnes à campanes soutiennent la travée la plus haute, et les colonnes en bouton de lotus sont reléguées aux bas côtés.

      Il y a des salles du temple de Khonsou, où c’est la colonne lotiforme qui est la plus élevée, d’autres où c’est la colonne campaniforme. À Médamout, lotiformes et campaniformes ont partout la même hauteur dans ce qui subsiste de l’édifice. L’Égypte n’a jamais eu d’ordres définis comme en a possédé la Grèce. Elle a essayé toutes les combinaisons auxquelles se prêtaient les éléments de la colonne, sans jamais en chiffrer aucune avec assez de précision pour qu’étant donné un des membres, on puisse en déduire, même approximativement, les dimensions de tous les autres.

      2. Le temple

      La plupart des sanctuaires célèbres, Dendérah, Edfou, Abydos, avaient été fondés avant Minì par les serviteurs d’Hor ; mais, vieillis ou ruinés au cours des âges, ils avaient été restaurés, remaniés, reconstruits l’un après l’autre sur des devis nouveaux. Nul débris ne nous est resté de l’appareil primitif pour nous montrer ce que l’architecture égyptienne était à ses commencements. Les temples funéraires bâtis par les rois de la IVe dynastie ont laissé plus de traces. Celui de la seconde pyramide, à Gizéh, était assez bien conservé encore dans les premières années du XVIIIe siècle, pour que de Maillet y ait vu quatre gros piliers debout. La destruction est à peu près complète aujourd’hui ; mais cette perte a été compensée, vers 1853, par la découverte d’un temple situé à quarante mètres environ au sud du Sphinx.

      La façade ne paraît pas, cachée qu’elle est sous le sable ; l’extérieur seul a été déblayé en partie. Le noyau de la maçonnerie est en calcaire fin de Tourah. Le revêtement, les piliers, les architraves, la couverture, étaient en blocs d’albâtre ou de granit gigantesques. Le plan est des plus simples. Au centre (À), une grande salle en forme de T, ornée de seize piliers carrés, hauts de cinq mètres ; à l’angle nord-ouest, un couloir étroit, en plan incliné (B) par lequel on pénètre aujourd’hui dans l’édifice ; à l’angle sud-ouest, un retrait qui contient six niches superposées deux à deux (C). Une galerie oblongue (D), ouverte à chaque extrémité sur un cabinet rectangulaire enseveli sous les décombres (E, E), complète cet ensemble. Point de porte monumentale, point de fenêtre, et le corridor d’entrée était trop long pour amener la lumière ; elle ne pénétrait que par des fentes obliques ménagées dans la couverture, et dont les traces sont visibles encore à la crête des murs (e, e), de chaque côté de la pièce principale. Inscriptions, bas-reliefs, peintures, ce qu’on est habitué à rencontrer partout en Égypte manque là, et pourtant ces murailles nues produisent sur le spectateur un effet aussi puissant que les temples les mieux décorés de Thèbes. L’architecte est arrivé à la grandeur et presque au sublime rien qu’avec des blocs de granit et d’albâtre ajustés, par la pureté des lignes et par l’exactitude des proportions.

      Quelques ruines éparses en Nubie, au Fayoum, au Sinaï, ne nous permettent pas de décider si les temples de la XIIe dynastie méritaient les éloges que leur prodiguent les inscriptions contemporaines. Ceux des rois thébains, des Ptolémées, des Césars, subsistent encore, plusieurs intacts, presque tous faciles à rétablir, le jour où on les aura étudiés consciencieusement sur le terrain. Rien de plus varié, au premier abord, que les dispositions qu’ils présentent : quand on les regarde de près, ils se ramènent aisément au même type. D’abord, le sanctuaire. C’est une pièce rectangulaire, petite, basse, obscure, inaccessible à d’autres qu’aux Pharaons ou aux prêtres de service. On n’y trouvait ni statue ni emblème établis à demeure ; mais une barque sainte ou un tabernacle en bois peint posé sur un piédestal, une niche réservée dans l’épaisseur du mur ou dans un bloc de pierre isolé, recevaient à certains jours la figure ou le symbole inanimé du dieu, un animal vivant ou l’image de l’animal qui lui était consacré. Un temple pouvait ne renfermer que cette seule pièce et n’en être pas moins un temple, au même titre que les édifices les plus compliqués ; cependant il était rare, au moins dans les grandes villes, qu’on se contentât d’attribuer aux dieux ce strict nécessaire. Des chambres destinées au matériel de l’offrande ou du sacrifice, aux fleurs, aux parfums, aux étoffes, aux vases précieux, se groupaient autour de la maison divine ; puis on bâtissait, en avant du massif compact qu’elles formaient, une ou plusieurs salles à colonnes où les prêtres et les dévots s’assemblaient, une cour entourée de portiques, où la foule pénétrait en tout temps, une porte flanquée de deux tours et précédée de statues ou d’obélisques, une enceinte de briques, une avenue bordée de sphinx, où les processions manœuvraient à l’aise les jours de fête. Rien n’empêchait un Pharaon d’élever une salle plus somptueuse en avant de celles que ses prédécesseurs avaient édifiées, et ce qu’il faisait là, d’autres pouvaient le faire après lui. Des zones successives de chambres et de cours,